Il est 16 heures et le temps est maussade en cette fin novembre sur les quais de l'Hérault, à Valleraugue. Ce n'est pas une heure de grande affluence dans le village, un jour de semaine, pourtant le café du Jardin est bien allumé et l'enseigne du PMU est flambant neuve. À l'intérieur, quelques habitués plaisantent et Laetitia Patrac accueille le visiteur avec le sourire.
Le café, elle l'a officiellement repris en juin dernier, après une déjà longue carrière entre Montpellier et le littoral héraultais. Qui a commencé dans le monde de la nuit, les discothèques montpelliéraines, "pendant 15 ans. À la Notte, au Pincho Pingo, au Pulp, à la Nitro, au Matchico", énumère Laetitia Patrac. Un premier monde qu'elle a quitté sans regret, à 31 ans. "Je sentais le changement des mentalités... Avant, on était la bonne copine..."
Puis, le mot "copine" s'est estompée et les comportements lourds se sont désinhibés. Laetitia Patrac anticipe la crise des discothèques et bifurque vers la restauration pour plus d'une décennie, à Carnon. Si les horaires changent, l'amplitude augmente et les journées de 15 heures sont légion. Charges et normes s'ajoutent à la fatigue, que ce soient via des contributions inattendues ou en raison de la hausse de location de l'espace public pour installer une terrasse. "Et puis, on n'a pas le droit d'être malade. À 40 ans, à la fin d'une saison, je me suis aperçue que j'étais enceinte."
De quoi s'interroger sur la suite à donner à sa vie. Surtout quand celle-ci vous donne un enfant, avant de s'acharner. "Le mari de ma mère est décédé le jour de mon accouchement, rembobine Laetitia Patrac. Ma mère, six mois après et sa mère, six mois encore après... J'ai voulu dire 'Stop !', j'avais perdu toute ma famille..." Dans un premier temps, Laetitia change l'enseigne de son restaurant, en simpifie la carte, pour dégager du temps pour s'occuper de sa fille.
Mais il y a deux ans, en fin de saison le bénéfice de sa saison est ponctionné par des charges imprévues. "J'ai eu l'impression de ne travailler pour rien, explique-t-elle. J'ai mis en vente le 5 décembre. Le 7, on m'appelait." Laetitia Patrac profite d'une année sabbatique et se donne un "coup de pied aux fesses" alors qu'elle entamait une année du même tonneau.
"J'avais acheté une résidence secondaire ici. On est montés en vacances et on a entendu parler de la vente possible du café du Jardin." Mais les propriétaires sont déjà engagés... avant de finalement rappeler Laetitia "parce que personne n'avait eu le financement. Je suis allée voir la banque et ils m'ont dit oui."
"En fait, je n'ai pas vraiment réfélchi, se remémore Laetitia Patrac. J'ai proposé à ma fille, qui est amoureuse du village. Elle a dit qu'elle voulait faire son année de CP ici." Et plus, sans doute, car il y a affinité, sa fille ne souhaitant pas quitter son école. "Je suis partie sur l'idée de rester."
"Au bout de trois jours, le PMU m'a appelé, surpris par le nombre de parieurs sur un petit village"
En reprenant le café, Laetitia a abandonné la restauration proposée. En femme d'expérience... "Mais pour compenser le chiffre d'affaires, je ais des planches de charcuterie ou des sandwichs à toute heure." Laetitia Patrac a aussi tissé des partenariats avec des artisans locaux. Comme le poissonnier de Ganges, "qui vient avec sa marchandise, vend sur place des coquillages ou cuisine du poisson. Comme il le fait sur les marchés." La patronne des lieux ne demande aucune location à l'artisan, mais elle s'occupe de vendre les boissons.
"Du coup, j'ai aussi été approché par le traiteur de Valleraugue, Saveur Cévennes. Le 31 octobre, on a fait une soirée moules-frites qui a cartonné. Le 11 novembre, pour la soirée coquillages, on a été obligé de refuser du monde." Et ce samedi 6 décembre, une nouvelle soirée coquillages est prévue, toujours avec Ceven.Fish, poissonnier de Ganges. Avec un plateau au tarif défiant toute concurrence, à 12€.
Depuis le 9 novembre, Laetitia Patrac a aussi réussi à implanter le premier PMU du village, pour sécuriser une part de ses revenus. Avec un succès inattendu. "Au bout de trois jours, le PMU m'a appelé, surpris par le nombre de parieurs sur un petit village." Au café, on valide plus facilement son tiercé après en avoir discuté avec d'autres habitués. Laetita Patrac réfléchit également à installer un Rapido, un jeu de tirage de la Française des jeux.
Très bien accueillie au village, bénéficiant déjà d'une clientèle fidèle, Laetitia ouvre 6 jours sur 7 dans l'année (fermé le mercredi) et passe à 7 jours sur 7 en été. En ouvrant dès 8h, pour une fermeture autour de 21h, "quand il n'y a pas de soirée. Par rapport à la restauration, ce n'est rien, sourit-elle. On fera quatre soirées par semaine en été et des soirées ponctuelles dès le mois d'avril, ainsi que traiteur le dimanche midi." Laetitia Patrac semble, donc, bien partie pour rester...