Publié il y a 6 mois - Mise à jour le 10.04.2024 - Louis Valat - 5 min  - vu 2888 fois

ALÈS Une cagnotte pour financer le projet d'une Maison de santé pour enfants

Claire Le Guennou et Marion Duffour de l'association La Maison des Colibris.

- Photo Louis Valat

Depuis l'été 2022, la pédiatre Claire Le Guennou et son équipe de l'association La Maison des Colibris, regroupant des professionnels de la santé pédiatrique, s'attellent à la mise en place d'une maison pluriprofessionnelle dédiée au bien-être et à la santé de l'enfant. Malgré leurs ambitions partagées, leur parcours est semé d'embûches, les obligeant à devenir les instigateurs de leur propre initiative, tout en lançant un appel à la solidarité à travers une cagnotte.

"C'est un super projet, mais..." Cette phrase, Claire Le Guennou et Marion Duffour en ont assez de l'entendre. Pédiatres, kinésithérapeutes, infirmières, ostéopathes, puéricultrices, orthophonistes, psychomotriciens, psychologues, orthoptistes, éducateurs spécialisés... Une vingtaine de professionnels libéraux, principalement des femmes, tous installés à Alès, ont adhéré à une même association : la Maison des Colibris. Ils se réunissent mensuellement depuis plus d'un an et demi dans le but d'établir un réseau commun sur le bassin alésien et ainsi améliorer la prise en charge des enfants. Depuis, ces professionnels libéraux ont pour objectif la création d'une maison de santé pluridisciplinaire spécialisée dans l'enfance. "Parce que s'intéresser à l'enfance aujourd'hui, c'est s'occuper du monde de demain", peut-on lire sur l'annonce de la cagnotte mise en place pour le financement de ce projet ambitieux.

Itinéraires du projet d'une maison "entièrement dédiée à l'enfant"

Lors des États généraux de la santé en novembre dernier, la pédiatre Claire Le Guennou avait présenté le travail de la Maison des Colibris. L'idée puise justement racine dans l'esprit de cette pédiatre à l'été 2022, avec pour vision une "maison entièrement dédiée à l'enfant et à sa famille". Elle imaginait un lieu qui "ne ressemblerait ni à une clinique ni à un hôpital, mais serait véritablement accueillant et chaleureux, offrant des soins pédiatriques grâce à la présence de l'ensemble du personnel de santé spécialisé dans l'enfance, réuni en un même lieu dédié". Et aussi surprenant que cela puisse paraître, une telle structure existe peu sous cette forme. Selon les membres de l'association, il s'agit d'une initiative qui deviendra indispensable à l'avenir. "Même la femme de l'Agence régionale de santé m'a dit que nous avions des années d'avance", avoue Claire Le Guennou.

"La Maison de santé pluridisciplinaires permettrait de rassembler plusieurs cerveaux afin d'analyser et répondre aux besoins spécifiques de chaque enfant, en tenant compte des ressources et capacités de sa famille. Cette approche demande du temps, une ressource insuffisante dans le monde libéral. Elle inclurait aussi une dimension prévention, en offrant un lieu où des initiatives pourraient être prises dès la conception ou même avant, dès le désir de grossesse."

Claire Le Guennou, pédiatre

En septembre 2022, Claire Le Guennou a sérieusement envisagé l'intérêt potentiel des professionnels pour ce projet. En novembre 2022, elle a rassemblé environ trente professionnels spécialisés dans les domaines de la petite enfance, de l'enfance et de l'adolescence, couvrant à la fois les soins somatiques et psychiques. À ce moment-là, Claire Le Guennou rencontre Marion Duffour, kinésithérapeute, partageant également un intérêt pour le projet de l'association. Pendant un an, l'association fonctionne selon un système de commissions, dont l'une est dédiée à la santé mentale, englobant les questions liées à la parentalité, une autre axée sur le mouvement, et une troisième consacrée aux soins somatiques. "Nous avions choisi de travailler en commissions pour proposer une offre à la fois sur du soin et sur des axes de prévention, que nous avions ensuite mis en commun. De là est né un projet soin et un projet santé." Une structuration qui leur a ensuite permis de présenter leur projet lors des commissions de labellisation auprès de l'Agence régionale de santé, de la Caisse primaire d'assurance maladie et d'autres intervenants.

Le collectif de l'association La Maison des Colibris • Photo DR

Un refus d'obtention du label "Maison de santé" reçu comme un coup de massue

En octobre 2023, la commission de labellisation de l'Agence régionale de santé a refusé la demande de labellisation "Maison de santé" pour le projet. La raison ? L'absence de médecins traitants d'enfants, il en faut au minimum deux pour une maison de santé pluriprofessionnelle. "Le problème est que des médecins, il n'en pousse pas", ironise Claire Le Guennou, avec tout de même un certain agacement. Malgré leurs efforts, de nombreux médecins ont été contactés mais aucun n'a donné suite. "Ils nous disent que c'est un super projet, qu'il y a un besoin sur le bassin alésien d'une structure comme celle-ci, mais ils sont tous sous l'eau." La décision a été perçue comme incompréhensible par les membres de l'association, en particulier par sa fondatrice. Elle souligne qu'un grand nombre de professionnels paramédicaux, tels que des kinésithérapeutes, des ergothérapeutes, des diététiciens, des orthophonistes et des ostéopathes, pour ne nommer qu'eux, ne sont pas pris en compte.

La labellisation aurait, selon ses membres, pu offrir une crédibilité au projet et attirer justement des médecins, des internes ou même des étudiants médicaux et paramédicaux, de manière à "créer une dynamique" et une "pépinière de professionnels de la santé avec des compétences spécifiques de part et d'autre." L'échec de la labellisation a été un moment difficile pour plusieurs membres de l'association, notamment pour une pédopsychiatre à qui la commission a expliqué qu'elle ne faisait pas partie des effectifs médicaux. Suite à cela, elle s'est mise en retrait, rejoignant ainsi de nombreux autres professionnels qui se sont retirés. Aujourd'hui, une vingtaine de membres de l'association y croient et travaillent pour mettre en place cette fameuse activité commune et coordonnée qui faciliterait les parcours de soin des enfants, des familles et lutterait contre l'isolement des soignants, même en l'absence de label.

Et maintenant ? 

Outre les implications pratiques évoquées, l'obtention de la labellisation aurait pu constituer une source de financement supplémentaire importante pour concrétiser le projet, notamment en vue de la création d'un espace adapté aux diverses pratiques. Privée de cette possibilité de financement qu'aurait pu offrir le label "Maison de santé", l'association a été contrainte de lancer une cagnotte sur la plateforme La Cagnotte des Proches. "Nous avons mis en place cette cagnotte dans le but de nous faire connaître, de susciter l'intérêt de professionnels de la santé susceptibles de se joindre à nous, car nos effectifs sont encore trop limités pour répondre aux nombreux besoins", explique Claire Le Guennou. Mais surtout, nous espérons récolter des fonds afin de donner vie à cette idée." Actuellement, 1 400 euros(*) ont été récoltés pour l'association.

"Si nous avions mis une pièce dans une tirelire à chaque fois que quelqu'un nous a dit que c'était un projet exceptionnel, nous aurions probablement déjà quasiment atteint le budget nécessaire pour la Maison de santé."

Claire Le Guennou, pédiatre

Une dizaine de bureaux de professionnels de santé pédiatrique seraient nécessaires, incluant des cuisines, des salles communes, des points d'eau pour se laver les mains entre chaque patient et d'autres équipements essentiels. L'Agglomération d'Alès n'a pas pu proposer de solution adéquate, et les ressources dans le parc foncier privé ne correspondent guère à leurs besoins. Le 2 avril dernier au soir, ils pensaient avoir trouvé un lieu idéal et envisageaient de s'installer en juin. Néanmoins, leurs espoirs se sont envolés lorsque les locataires ont finalement décidé de ne pas quitter les lieux et de finalement prolonger leur bail.

Claire Le Guennou et Marion Duffour de l'association La Maison des Colibris. • Photo Louis Valat

Malgré ces innombrables revers, les membres de l'association ne se découragent pas. Conscients du manque de soutien public, une dizaine de professionnels de la santé, membres de l'association, ont décidé de prendre en charge la construction de la Maison des Colibris eux-mêmes, devenant ainsi les investisseurs de leur propre bien. "Nous travaillons sur ce projet, mais il représente un risque financier avec des loyers pour les soignants un peu plus élevés que la moyenne. Puis ce n'est pas notre domaine d'expertise, nous devrons gérer la location, nous assurer que les bureaux soient loués, sinon nous devrons garantir les paiements", explique Marion Duffour.

Les membres de l'association se retrouvent désormais avec la casquette d'entrepreneur sur la tête, un rôle qu'ils n'avaient jamais envisagé auparavant, étant simplement des professionnels de la santé avec le simple rêve de mettre en place un espace dédié à l'enfant, où ils pourraient apporter leurs expertises multiples. Cette nouvelle réalité les laisse quelque peu démunis, avec le sentiment d'être plus que jamais livrés à eux-mêmes.


(*) Pour faire un don à la Maison des Colibris, cliquez ici

Louis Valat

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