L'INTERVIEW Esmeralda Romanez, présidente de la fédération européenne des femmes romanis et voyageuses : "Le pèlerinage c’est le partage"

Esmeralda Romanez dans la librairie l’Itinéraire à Nîmes.
- Louise GalLe village des Saintes-Maries-de-la-Mer accueille le traditionnel pèlerinage des gitans samedi 24 et dimanche 25 mai. Une commémoration aura également lieu le 23 mai devant le mémorial du camp d'internement de Saliers. Rencontre avec Esmeralda Romanez, présidente de l’association de mémoire, de l’internement, et de la déportation tsigane, et présidente de la fédération européenne des femmes romanis et voyageuses.
ObjectifGard : Le pèlerinage des gitans aux Saintes-Maries-de-la-Mer aura lieu samedi 24 et dimanche 25 mai. Bon nombre de familles du monde entier sont d’ores et déjà installées dans le village…
Esmeralda Romanez : On est déjà tous installés, il n’y a déjà plus de place. Nous avons l’autorisation d’y être depuis le 10 mai, j’y suis depuis ce jour là pour avoir des places sinon ce n’est plus possible, c’est la guerre (rires). On vient de partout, on a des tsiganes d’Europe de l’est, des Allemands, des Italiens etc, mais il y a aussi déjà eu des gens qui venaient du Pakistan à pied, des personnes de 93 et 96 ans qui ont mis plus d’un an à venir ! C’était extraordinaire, ils venaient à la rencontre des tsiganes occidentaux. Il y a aussi des tsiganes d’Amérique, etc…On est partout sur la planète. Le pèlerinage c’est le partage.
Si le pèlerinage en lui-même débute le 24 mai, le 23 mai est également une date clé pour vous.
Oui c'est une date clé à ne pas oublier parce qu’on commémore nos anciens qui ont été internés au camp de Saliers, seul et unique camp exclusivement tsigane en France, en zone libre, créé par le préfet d’Arles. C'était aussi le seul camp qui ne possédait pas d’école parce qu'on n’instruit pas les petits gitans bien sûr. Le seul camp qui avait une infirmerie, du personnel soignant, mais absolument pas de médicament. Le seul camp d’internement où la Croix Rouge n’a apporté ni couvertures ni vêtements aux internés. Il était évidemment situé dans les marais, avec des cabanes construites par les internés eux-même, sans porte ni fenêtre donc imaginez vous les moustiques qui les dévoraient et le froid en hiver avec le mistral c’était terrible. Les conditions d’internement étaient atroces. Ce terrain a été libéré car les alliés l’ont bombardé pensant qu’il s’agissait d’un camp militaire Allemand et beaucoup de gitans ont pu s’échapper. Beaucoup ont été repris et replacés dans d’autres camps, jusqu’en 1946. Donc on commémore l’internement de nos anciens le 23 à 15h devant le mémorial de Saliers, qui existe depuis 2006. Il s'agit du premier mémorial des camps d’internement en France.
Cette année, cela fera 90 ans que les gitans viennent en pèlerinage pour honorer Sainte Sara. Cet anniversaire sera-t-il un petit peu particulier ?
Cela va faire 90 ans qu'on a eu l'autorisation de sortir Sara de la crypte. C'est un bel anniversaire. Nous devons cette sortie de la crypte à monseigneur Roques et ça a été sollicité par le marquis de Baroncelli et un Baptiste, ceux qui portent les Saintes. À l’époque ils portaient déjà les saintes et depuis ce temps là, les baptistes portent Sara. Pour cet anniversaire on a créé une bannière particulière, avec la photo de Sara bien sûr, mais aussi la photo de Monseigneur Roques, d'un Baptiste et du marquis de baroncelli à qui on doit tout.
Comment va se dérouler la journée du 24 ?
Le rendez-vous est donné à 15h sur le parvis de l'église pour les porte-bannières car, quand on a une bannière, on n'entre pas dans l’église, on attend Sara à l’extérieur, on l’accompagne jusqu’à la mer et on la ramène jusque sur le parvis de l’église. Parce que jusqu'à une certaine époque, l’église n’était pas ouverte pour les gitans, on n’avait que la crypte et on passait par la petite porte latérale. Il y aura l’évêque d’Aix comme d’habitude, beaucoup de Ratchail, les curés des voyageurs. Après, on amène Sara jsuqu’à la mer et on la ramène à l’église. Le chemin est ouvert par la nation gardianne, puis derrière, il y a les bannières et après beaucoup de touristes et puis notre Sara très loin derrière. On rentre dans la mer avec les bannières et on l’attend et l'évêque d’Aix nous fait un petit discours.
Le pèlerinage se poursuit ensuite le dimanche 25 avec la procession pour les Saintes Marie Jacobé et Marie Salomé.
Oui cela se déroule de la même façon que la veille. Le 25 au soir, la plupart des voyageurs sont partis, mais nous on reste jusqu’au 26 au matin car il y a une grosse journée sur le tombeau du marquis de Baroncelli mais le 26 à midi il ne doit plus y avoir de caravanes dans le village.