Publié il y a 10 mois - Mise à jour le 08.06.2023 - Sacha Virga et Coralie Mollaret - 3 min  - vu 2965 fois

FAIT DU JOUR À Pisssevin, "on vit l’enfer toute l’année"

Ce mercredi matin sur le marché de Pissevin à Nîmes.

Ce mercredi matin sur le marché de Pissevin à Nîmes.

- Sacha Virga

Hier, mercredi matin, jour de marché à Pissevin, plusieurs habitants débattaient des derniers évènements qui ont entaché l'image de leur quartier : l’agression d’un journaliste de M6 et la fermeture de la médiathèque sur fond de trafic de drogues.

Avec plus de 16 000 habitants, le seul quartier de Pissevin est plus peuplé que le village de Saint-Gilles. Régulièrement à la une de la rubrique « faits divers » des journaux, il doit sa triste popularité au trafic de drogue. À en croire les habitants, nombreux mercredi matin sur le marché de Pissevin : « Il s’est considérablement développé ces dernières années. » Rue Lully, les dealers retranchés derrière des poubelles attendent patiemment leurs clients. Aux quatre coins de la galerie Richard Wagner, les guetteurs surveillent l’horizon, installés sur des chaises de bureaux recyclées.

Récemment, la tension est montée d’un cran. Lundi, la mairie de Nîmes a fermé la médiathèque Marc-Bernard, laissant orphelin les 2 000 jeunes qui y sont inscrits. « Ce n’est pas normal de fermer un centre culturel », se désole Katarina*, qui a lu avec stupeur les dernières nouvelles dans la presse. Si la municipalité a pris une telle décision, c’est à cause d’un check-point mis en place par des dealers, juste à côté de l’équipement public.

« C’est l’enfer ici ! Une zone de non-droit »

Menaces, agressions verbales, les membres du personnel auraient même fait l’objet de palpation avant d’accéder à leur poste. « C’est l’enfer ici ! Une zone de non-droit », commente Mounir*, qui tient un stand au marché. Habitant depuis 2009 à Pissevin, ce père d’un petit garçon n’est pas serein : « Une fois, mon fils a eu un peu de retard en rentrant de la piscine. Je suis sorti en catastrophe. J’ai vu un jeune avec une arme… J’ai eu très peur. »

Des agressions comme ont été victimes les agents municipaux, Mounir l’assure : « Il y en a tout le temps… Venez à 18 heures, les jeunes commencent à mettre de la musique fort. On ne peut rien dire. Où est la police ? Par contre, quand c’est pour se faire contrôler notre identité par la PAF (police aux frontières, NDLR) à 5h du matin, il y a du monde ! » Un autre vendeur - que nous appellerons Sophiane - vient écouter notre conversation : « L’État est laxiste », peste-t-il. « Que peuvent faire les habitants ? Ils sont pris en otage… Si vous en tapez un, ils sont vingt à vous tomber dessus. »

Mounir rebondit : « Ici, il y a beaucoup d’habitants de passage puisque vous trouvez des logements assez facilement. Nous, nous y sommes puisque nous devons nous occuper de nos parents… » Sans le savoir, nos interlocuteurs ont pris tous les deux en exemple la police espagnole, la Guardia Civil : « Là-bas, la police ne rigole pas, elle vous tape ! Il y a tout un système à revoir en France, ça passe par l’éducation et la valeur travail. Au lieu de donner des allocations, ils devraient laisser les gens se débrouiller et aller bosser ! »

« Ils veulent que l’on parte du quartier »

Quelques mètres plus loin, un agent de police municipale nous met en garde : « Faites attention, le climat est tendu. » Ce dernier en profite pour se confier sur une intervention : « Je me suis déjà pris une bouteille en verre. Ils nous voient arriver et nous balancent des projectiles depuis les toits d’immeuble pour que l’on parte. » Le but ? « Nous faire partir du quartier » et donc, faire de Pissevin leur terrain de jeu. Un paradoxe quand on sait que ce quartier, et celui de Valdegour, bénéficient de la plus grosse part de l’enveloppe dédiée à la rénovation urbaine.

Dans la journée, une compagnie de CRS dépêchée par l’État est intervenue dans le quartier. Mais les habitants ne sont pas dupes : « Ça va changer quoi ? Ils seront là de manière temporaire. Nous, on vit l’enfer toute l’année ».

(*) Tous les prénoms ont été modifiés pour préserver l'anonymat des témoignages. 

Sacha Virga et Coralie Mollaret

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