L’INTERVIEW Le député François Ruffin : « À Nîmes, je viens écouter, apprendre ! »

©PHOTOPQR/LE COURRIER PICARD/Fred Haslin ; Long ; 23/05/2025 ; 23/05/25 Deput'our de Francois Ruffin aujourd'hui à Long Photo Fred Haslin (MaxPPP TagID: maxnewsspecialtwo226992.jpg) [Photo via MaxPPP]
- PHOTOPQR/LE COURRIER PICARD/MAXPRencontre avec les salariés de la verrerie, puis avec ceux de Perrier, tous deux implantés à Vergèze, avant une réunion publique aux côtés du candidat de gauche aux municipales nîmoises, Vincent Bouget… Le député de la Somme, François Ruffin, est en déplacement dans le Gard ce jeudi.
Objectif Gard : Vous êtes ce jeudi dans le Gard. Quel est votre lien avec notre territoire ?
François Ruffin : Laissez-moi vous donner un souvenir personnel : la marraine de mon père habitait à Sauzet. À l’automne, on y venait avec mes parents. Je passais beaucoup de temps à jouer sur le terrain de foot de la commune ! Et puis, je me suis pas mal baladé dans le Gard… Je suis aussi venu à Dions, échanger avec les Gilets jaunes. Un moment extraordinaire ! Je suis revenu au moment de la crise des agriculteurs, quand ils bloquaient l’autoroute. Vous savez, il y a une certaine symétrie – pas météorologique, hein – entre le Gard et la Somme : c’est l’activité industrielle.
Votre matinée sera consacrée à la rencontre des syndicats de la verrerie ainsi que de Perrier à Vergèze. Quel message allez-vous faire passer ?
Je viens d’abord pour écouter, apprendre, comprendre. Votre département traverse une mauvaise passe. La verrerie de Vergèze, Nestlé, Royal Canin, Eminence, Solvay… C’est une onde de choc, comme celle que connaît la Picardie, et ce, de manière répétée. À la verrerie, je veux entendre comment les salariés analysent la situation : le lien avec Perrier, dont le volume de bouteilles diminue, les investissements industriels qui n’ont peut-être pas été réalisés, les conséquences du prix de l’énergie qui rendraient la production ici plus chère que sur d’autres continents…
Écouter, c’est bien, mais que pouvez-vous proposer ?
Une conviction largement partagée aujourd’hui, c’est qu’on ne s’en sortira pas sans instaurer des taxes aux frontières de l’Europe pour protéger notre industrie. Pour la première fois depuis que ces statistiques existent, la part de la production industrielle dans le PIB français va passer sous la barre des 10 %. On ne parle donc pas de réindustrialisation, mais bien de désindustrialisation… Il y a des causes structurelles : le sous-investissement dans notre outil de production, des prix de l’électricité et de l’énergie alignés à l’échelle européenne… Et puis, pendant que les États-Unis ferment leur marché aux produits chinois, ces derniers inondent le marché européen, qui, lui, reste ouvert, sans taxes aux frontières ni barrières douanières.
Avez-vous une solution spécifique pour la verrerie de Vergèze, qui compte 164 emplois ?
Si j’étais ministre de l’Industrie, ça se saurait… Mais je peux vous donner un exemple : l’an dernier, nous avons réussi à sauver une usine de chimie à Amiens. Des fonds d’État ont été mobilisés et l’Union européenne a relevé les taxes à l’importation sur la molécule très particulière que l’usine produit : la lysine. Je ne dis pas que c’est un modèle qu’on peut appliquer partout… Mais ce genre de décision, la fermeture de la verrerie, ne doit pas passer comme une lettre à la poste. Ni au niveau local, ni au niveau national. Pendant des décennies, on nous a expliqué que l’industrie appartenait au passé, que c’était sale, polluant, dépassé. Aujourd’hui, le discours change. Maintenant, il faut passer aux actes.
Un mot sur Perrier : quel regard portez-vous sur la situation de l’usine dirigée par Nestlé ?
Des fautes ont été commises par les dirigeants de l’entreprise, y compris des fautes morales, en lien avec des responsables politiques. Mais ce n’est pas aux ouvriers de payer le prix de ces erreurs. Je suis ici pour leur apporter mon soutien, ainsi qu’aux syndicats qui se battent pour défendre l’emploi et l’avenir de ce site industriel.
Votre visite s’achèvera par une rencontre au Prolé, aux côtés de Vincent Bouget, récemment déclaré candidat aux municipales. Comment avez-vous rencontré Vincent Bouget ?
Il y a quelques mois, on s’est croisés à Paris. On devait tous les deux partir en Palestine, mais le gouvernement Netanyahou nous a refusé l’entrée. Nos visas ont été retoqués. C’est à ce moment-là qu’on a commencé à discuter, notamment de l’aventure électorale en cours à Nîmes.
Quel regard portez-vous sur sa démarche ?
À Nîmes, je viens vraiment pour apprendre. Le collectif Nîmes en commun a réussi quelque chose d’essentiel : l’union de la gauche, comme j’aimerais qu’on y parvienne au niveau national. Des centaines, voire des milliers de personnes ont participé aux réunions publiques, ont réfléchi ensemble à l’avenir de leur ville. Et en plus, cela s’est construit autour d’un film ! (François Ruffin a lui-même réalisé plusieurs documentaires, dont Merci patron ! ou Debout les femmes !, NDLR). J’y vois des leçons à tirer, une source d’espérance à reproduire, une expérience dont je peux m’inspirer dans le cadre du mouvement Debout que je viens de lancer.
Une aventure qui se fait sans La France insoumise, qui a choisi de faire cavalier seul à Nîmes…
Il faut toujours laisser la porte ouverte : le choix entre l’union ou la solitude. Je crois que les Nîmois, comme les Français, sauront trouver le chemin le plus à même de redonner de l’espoir et surtout, de mener à la victoire.