Publié il y a 10 mois - Mise à jour le 17.05.2023 - Corentin Migoule - 4 min  - vu 8852 fois

GARD Chirurgie du glaucome : une grande première nationale réalisée par un ophtalmologue nîmois

Benjamin Mathieu

Le Dr Benjamin Mathieu a réalisé une grande première nationale à l'hôpital des Franciscaines.

- Corentin Migoule

En mars dernier, l'ophtalmologue nîmois Benjamin Mathieu a réalisé une grande première nationale au bloc opératoire de l'hôpital des Franciscaines, à Nîmes. Celui qui opère aussi à la Nouvelle clinique Bonnefon s'est emparé d'un dispositif créé avant la pandémie par une start-up suisse. Baptisé "eyeWatch", il régule la pression intraoculaire du patient atteint d'hypertonie oculaire et de glaucome. 

Il pourra dire qu'il a été le premier ! En mars dernier, depuis le bloc opératoire de l'hôpital nîmois des Franciscaines, Benjamin Mathieu, jeune opthalmologue de 38 ans, a posé une valve qui comprend une carte magnétique, laquelle permet de régler la tension oculaire du patient atteint de glaucome avec l'aide d'un stylo magnétique lors d'une simple consultation. Une grande première nationale que le Dr nîmois doit à la start-up lausannoise Rheon médical. 

Benjamin Mathieu
Le Dr Benjamin Mathieu a réalisé une grande première nationale à l'hôpital des Franciscaines. • Corentin Migoule

Le glaucome est l’une des principales causes de cécité et touche plus de 75 millions de personnes dans le monde. Il est le plus souvent dû à une augmentation de la pression intraoculaire qui peut entraîner des lésions du nerf optique et, en l’absence de traitement, une perte de la vision. "Pour y faire face, on avait différents moyens à notre disposition : le traitement par gouttes, le traitement par laser et le traitement chirurgical", contextualise Benjamin Mathieu.

Et de poursuivre : "Habituellement, on commence par le traitement par collyre qui permet de régler 80% des cas. Mais pour les 20% des cas restants, on peut être amené à s'intéresser au laser ou à la chirurgie." Lorsqu'une intervention chirurgicale est inévitable, plusieurs techniques s'offrent au praticien. La plus classique qui existe depuis la fin des années 60 étant la trabéculectomie. De l'aveu du trentenaire, cette chirurgie fonctionne "plutôt très bien" mais se confronte parfois à un écueil majeur : une mauvaise cicatrisation de l'œil qui se matérialise par une remontée de la tension et donc un échec.

"Dans ce cas, on peut proposer une nouvelle trabéculectomie ou un système de valves de drainage. Mais avec ces valves, la tension, lorsqu'elle baisse, le fait d'un coup. Ça entraîne une hypotonie qui peut engendrer des complications graves", admet l'opthalmologiste dont le cabinet est situé sur l'avenue Jean-Jaurès, à Nîmes. C'est dans ce contexte que la société suisse Rheon médical a élaboré son dispositif baptisé "eyeWatch". Dôtée d'un système de valve qui comprend une carte magnétique, laquelle permet donc de régler la tension oculaire avec l'aide d'un stylo magnétique lors d'une simple consultation, cette innovation a été jugée "révolutionnaire" par la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis.

"C'est une chirurgie beaucoup plus "secure"

Elle a aussi valu à l’entreprise basée à l’EPFL Innovation Park (un campus à Lausanne) le prix Swiss Medtech 2020. Cet eyeWatch implanté qui rend possible la baisse graduelle de la pression intraoculaire permet d'éviter la très redoutée hypotonie. "C'est ça le principal effet novateur ! C'est une chirurgie beaucoup plus "secure" pour le patient comme pour le praticien", résume Benjamin Mathieu, spécialisé en ophtalmologie générale, glaucome, DMLA et diabète, chirurgie de la rétine et de la cataracte.

En plus de son caractère non-invasif, ce nouveau système occasionne des interventions "totalement indolores". Ce qui, depuis qu'il l'a importé en France, a déjà séduit une dizaine de patients. "Ils vont tous bien !", précise le docteur, qui s'est chargé d'opérer des patients nîmois, quand d'autres étaient directement adressés par des confrères de la région Sud-est, lesquels les envoyaient jusqu'à maintenant à Lausanne.

"J'ai des patients demandeurs. Ils s'intéressent ! Hier, j'ai un patient qui est venu d'Aix-en-Provence pour me rencontrer. Il était au courant de cette nouvelle technique", apprécie Benjamin Mathieu, "fier" d'être le premier à proposer "une telle innovation ici dans le Gard". Celle-ci aurait même pu débarquer plus tôt si la pandémie n'était pas passée par là ! "J'avais déjà contacté l'entreprise suisse en 2019. J'avais vu des articles et des publications sur cette technique. C'était une curiosité, un intérêt pour trouver une pratique plus sécuritaire. Mais avec le Covid, c'était tombé à l'eau", rejoue le dernier nommé. 

Une intervention légèrement plus longue

Si cette nouvelle opération n'est pas encore très répandue, c'est parce que le coût semble être "un frein à son développement". "Il faut compter 1 200€ pour l'implant en lui-même. L'État prend à sa charge la moitié du montant, le reste étant pris en compte par les établissements de santé, ce qui n'est pas très porteur. Dans certains pays, ce sont les patients eux-mêmes qui financent l'opération", prévient l'ophtalmologue nîmois. 

Dans la colonne des écueils qui n'est toutefois pas très remplie figure aussi la durée de l'opération légèrement rallongée. "Elle est un peu plus longue, puisqu'il faut compter entre 45 minutes et 1h, contre 30 à 45 minutes pour une chirurgie classique", reconnaît Benjamin Mathieu. Ce qui n'a rien de rédhibitoire pour le praticien. Celui qui a ouvert la voie vers le recours à l'eyeWatch le sait : "Dans beaucoup de pays, cette chirurgie novatrice est proposée en première intention. Ce qui n'est pas encore le cas en France où on a tendance à privilégier la trabéculectomie."

"Elle a ouvert l'accès à des chirurgies sur des yeux déjà très fragilisés"

Et si changement de paradigme il y avait, il pourrait venir des opthalmologues eux-mêmes. Aujourd'hui, aux yeux de Benjamin Mathieu, "une partie" d'entre eux n'est pas sensibilisée à cette innovation. Et d'ajouter : "La problématique pour les patients glaucomateurs, c'est que c'est parfois trop tard. Leur pathologie est souvent trop avancée lorsqu'ils viennent nous voir. On a tendance à insister avec les gouttes alors qu'il faudrait diriger le patient plus rapidement vers un acte chirurgical."

S'il ignore encore quelle sera la portée de cette innovation, le pionnier français de l'eyeWatch se réjouit avant tout qu'elle ait "ouvert l'accès à des chirurgies sur des yeux déjà très fragilisés, là où par le passé on aurait peut-être renoncé à opérer". D'autant qu'en plus des Franciscaines, une telle manœuvre sera bientôt possible à la Nouvelle clinique Bonnefon, l'établissement alésien étant également propriété du groupe Elsan. 

Corentin Migoule

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