FAIT DU JOUR Centrale à biomasse de Gardanne : aubaine ou désastre pour la châtaigneraie cévenole ?
Le producteur et fournisseur d'énergie allemand E.ON l'a annoncé : en 2015, la centrale de Gardanne, qui fonctionnait jusqu'à lors au charbon, sera convertie à la biomasse. Pour combustible, le bois des régions limitrophes est visé, non pas sans susciter inquiétudes et controverses.
Le charbon est sur la fin de son parcours historique à la centrale thermique de Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône. Avec de nouvelles normes environnementales qui imposent à ce type d'installation un lourd investissement pour continuer à exister, l'une des deux tranches de l'équipement électrique, la plus petite, sera convertie à la biomasse et mise en service entre mars et mai 2015. Au démarrage et tout au long de la vie du projet, 855 000 tonnes de biomasse par an seront nécessaires à son fonctionnement dont 85 000 tonnes de bois en fin de vie, 124 000 tonnes de déchets verts, 311 000 tonnes de bois d'origine forestière et 335 000 tonnes importées. Sachant que l'objectif en 2025 est de délaisser l'importation au profit de l'augmentation de la mobilisation de la ressource forestière et des déchets verts.
Le bois des châtaigniers pris pour cible ?
Tout ce bois nécessaire n'est pas aux portes de Gardanne. Un rayon d'approvisionnement a donc été fixé à 400 kilomètres autour de la centrale, emportant les Cévennes dans sa zone. Et dans les forêts cévenoles, le châtaigner prend presque toute la place. C'est bien là le problème pour certains, ou la solution pour d'autres. Francis Mathieu, président du syndicat des forestiers privés du Gard dévoile les raisons pour lesquelles le bois des châtaigniers a été - en partie - choisi dans ce grand périmètre pour "chauffer" l'installation électrique : "En Cévennes, il y a énormément de gisements de taillis de châtaigniers dont tous les débouchés possibles ont disparu car ces taillis sont vieillissants et de mauvaise qualité. Ces peuplements là n’ont aucun intérêt pour quoi que ce soit. Or, leur écoulement en bois-énergie à la Centrale de Gardanne va permettre de les évacuer pour repartir sur des rejets neufs, sains et vigoureux". Que l'on rassure les propriétaires des châtaigneraies, il n'est pas question de prélever du verger de châtaignier, autrement dit des arbres à fruit, mais bien du taillis dont la qualité ne permet pas une exploitation castanéicole.
Selon Pierre-Jean Moundy, responsable des relations institutionnelles pour E.ON, l'idée est "de développer un projet qui redynamise la filière du bois" dans la région. Et de contextualiser : "En Cévennes à l'époque, il n'y avait que des vergers de châtaigniers. En 100 ans, l'espace s'est retrouvé boisé et la forêt à regagné ses droits. Comme personne n'est venu effectuer de prélèvements, la qualité de ces bois sur pieds n'est pas terrible (...) E.ON est en capacité de gérer ce type de bois pour permettre de relancer une vraie sylviculture et une vraie gestion forestière sur le territoire".
Un raté dans la communication d'E.ON
"Les gens ont retenu que nous voulions prendre leurs châtaigniers à fruit, ce n'est pas le cas" assure Pierre-Jean Moundy. De l'avis de Francis Mathieu, "la communication d'E.ON a été loupée au départ", enflammant immédiatement la polémique autour de ces châtaigniers qui font l'identité des Cévennes. Une appréhension difficile à dépasser pour certains, qui, se plaisant autant à admirer le bois dans leur maison que dans leur forêt, alimentent fiévreusement le débat, à tort ou à raison, dès qu'il est question de l'exploiter. En chiffres, pour la future centrale à biomasse de Gardanne, il s'agit de mobiliser "entre 30 et 35 000 tonnes de bois par an sur les Cévennes" note Pierre Jean-Moundy. Et Francis Mathieu d'ajouter : "Cela représente seulement trois camions de 35 tonnes par jour qui vont partir à Gardanne depuis Alzon jusqu'à Génolhac". Pas encore assez pour relancer à grande échelle la sylviculture, selon lui, mais indispensable pour pratiquer les éclaircies nécessaires dans les forêts concernées "pour qu’à terme nous pussions obtenir de beaux fûts, de belles billes qui donneront du bois d’œuvre pour de la charpente, du parquet, de la menuiserie et de l'ébénisterie". "La situation est grave" dit-il en parlant de la châtaigneraie cévenole qui a trop vieilli et dépéri, "mais pas désespérée".
Dans le cadre de ce projet, l'industriel E.ON et le Parc national des Cévennes définissent actuellement une feuille de route afin de se placer dans un contexte réglementaire et de respecter les enjeux cévenols. De quoi rassurer peut-être un peu les citoyens dont le cauchemar est de voir leurs châtaigniers partir en fumée...
Elodie BOSCHET
elodie.boschet@objectifgard.com
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