LE PORTRAIT Sebastien Damiani, le grand écart d'un pianiste de l'ombre
Il n'a que 44 ans et déjà plusieurs vies derrière lui. Sebastien Damiani, pianiste et compositeur originaire de Nîmes, n'a pas eu besoin de quitter sa maison familiale pour embrasser une carrière aux multiples facettes. En collaboration avec Faf La Rage, il sort actuellement un deuxième EP, Extented Play. Du hip-hop symphonique dont il a le secret. Portrait.
Dans sa maison familiale au pied des Cévennes, Sébastien vit en retrait, par choix. Car ce cadre bucolique, il l'a choisi en rachetant la demeure de son enfance, qui appartenait autrefois à ses parents. Né à Nîmes, son père travaille à l'époque dans le textile et a déjà un pied dans le spectacle. C'est un amateur de musique classique et d'opéra, et c'est le destin qu'il souhaite pour son fils. "Il voulait que je sois pianiste ou chef d'orchestre". Alors qu'il n'est encore qu'un nourrisson, ce père italien va jusqu'à installer un système d'écoute pour l’imprégner de Beethoven.
Les quatre heures d'écoute par jour ne suffiront pas, dans un premier temps, à lui donner l'envie de prendre un instrument. Jusqu'à ses 9 ans : "Mon père co-composait avec Roland Romanelli la musique d'un film de Michel Vocoret (cf : Qu'est-ce qui fait craquer les filles, 1982). On était à Deauville à ce moment là pour l'enregistrement. Je me souviens m'être mis au piano et avoir improvisé quelque chose de juste, de carré." Son père insiste en achetant un piano à la maison. Trois ans plus tard, Sébastien joue à l'Olympia en première partie des Forbans. "J'étais entouré d'une équipe de tueur, des requins de studio comme Roland Romanelli, Gérard Salesses ou Roland Guillotel avec qui j'ai passé mon adolescence. C'est là que j'ai appris les bases du métier." À 12 ans, il signe un album chez Polydor, enchaine les plateaux de télévision, dont un en direct des Arènes de Nîmes pour l'émission Champs Élysées.
Si son premier disque de variété ne décolle pas en France, il est un gros succès au Japon en 1986 où il part en tournée, ainsi qu'aux États-Unis l'année suivante. "J'en rigole aujourd'hui, mais je vois bien que j'étais un produit. Mais c'est aussi grâce à ça que je suis devenu ce que je suis aujourd'hui, j'ai été bien entouré et j'ai beaucoup appris." Retour à la réalité pour la rentrée des classes en 1987, Sébastien intègre le lycée Daudet et le conservatoire de Nîmes pour un semblant de vie normale. "J'avais dans la tête de devenir un compositeur, je ne voulais plus me cantonner à faire de la variété comme André Rieu. Moi, je ce que j'aimais c'était Ennio Morricone." Son talent, ses professeurs du lycée ne vont pas tarder non plus à le reconnaitre. "Ils me couvraient quand je devais partir en répétition." Des largesses qui le mèneront à obtenir la médaille d'or du conservatoire en seulement deux ans. S'ensuivra une carrière internationale et des concerts en Chine, aux USA, au Japon. Puis sa vie privée prend le dessus, la naissance d'un premier enfant met naturellement ses aspirations artistiques en suspens. Il ne s'en éloigne pas trop non plus en devenant professeur de piano de 1997 à 2007. Période durant laquelle il signe un générique de la coupe du monde de 1998 diffusé à la fin des matchs de l’Équipe de France, des préludes pour piano joués dans des conservatoires nationaux. Puis le virage à 360 dans le patinage artistique où il compose la musique pour Brian Joubert sur laquelle ce dernier deviendra champion d'Europe.
Chez Sébastien, une aventure en succède une autre. Après la variété, les cours de piano et le patinage artistique, place au hip-hop. "J’étais déjà branché Dr Dré, Eminem, 50 cent. La plupart du temps, ils utilisent des samples qui sonnent grave mais qui coûtent très chers. Moi je voulais proposer de les créer moi-même. Je peux composer et écrire pour tout un orchestre symphonique et le diriger" C'est ce qu'il fait en contactant Akhenaton, avec qui il compose une partie de l'album Arts Martiens en 2013 pour le groupe Iam, puis Je suis en vie, dernier album solo du rappeur récompensé aux Victoires de la musique en 2015. "Finalement, il y a très peu de musique classique dans ce que je fais aujourd'hui. Seul ma dextérité est restée mais sinon je suis très actuel." Avec Faf la Rage, il part sur un projet de hip-hop symphonique où il joue les violons, les cordes, les cuivres. L'album Extended play sort en 2015, suivi depuis quelques jours par une suite, Extended play 2. "Mon but, c'est d'amener le rap à l'opéra. On dirait qu'une porte s'ouvre aujourd'hui, les deux mesures de sample, c'est un peu réducteur aujourd'hui, vive l'ouverture".
Depuis 15 ans qu'il compose pour les autres, Sébastien veut aujourd'hui penser un peu à lui. À la rentrée, il publiera un album solo ainsi qu'un documentaire sur son travail de compositeur dans le hip-hop, entouré d'Oxmo Puccino, Faf la Rage, Akhenaton. Une nouvelle page d'un chapitre qui ne demande qu'à être écrit.
Baptiste Manzinali
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