PAYS D’UZÈS Avec Ali, c’est au sol que ça se passe
Déjà, Ali n’est pas son prénom, mais ses initiales, pour Arthur-Louis Ignoré. Ensuite, si vous levez la tête en direction des murs, vous ne verrez pas ses oeuvres.
Non, pour voir ce que fait Ali, il faut la baisser, la tête. Tout en bas. Oui, au sol. C’est là, à la sortie d’un passage-piéton rennais, sur un trottoir urbain ou dans une ruelle norvégienne (oui) qu’on retrouve ses oeuvres, délicats mandalas, sortes de tapis de peinture routière tracés au pinceau en blanc sur du noir ou en noir sur du blanc. Et s’il n’y en a pas encore dans l’Uzège, ça ne saurait tarder.
Débarqué la semaine dernière à la chapelle de la médiathèque d’Uzès, Ali va rester un mois dans nos contrées pour une résidence artistique de territoire, sur le modèle de celle menée il y a quelques semaines par l’Uzétien Swed Oner. « On compte bien faire déborder la création artistique des artistes en résidence sur le territoire, explique le directeur général des services de la Communauté de communes du Pays d’Uzès (CCPU), Christophe Vieu. Ali va intervenir dans le quartier des Amandiers, à Uzès, à la médiathèque de Belvezet et dans une rue de Sanilhac-Sagriès. » Le tout avec « une totale carte blanche, pour que la résidence soit aussi un travail de recherche artistique », poursuit la directrice du développement local et culturel à la CCPU, Nadège Molines. Seule contrainte qui n’en est pas vraiment une, celle de réinvestir un lieu de lecture publique, comme la médiathèque de Belvezet.
Ali a donc commencé son travail depuis quelques jours, transformant la chapelle de la médiathèque d’Uzès en atelier éphémère dont il a customisé les fenêtres au . Une des rares incursions verticales d’un artiste plus porté sur l’horizontal, qu’il a découvert à la faveur d’une virée artistique entre amis dans un bâtiment désaffecté de Rennes il y a cinq ans. « J’ai commencé à peindre sur un mur mais je n’y arrivais pas, alors je me suis lancé sur le sol, ça m’a plu, raconte-t-il simplement. Il y a beaucoup de mouvements et dans la rue on ne s’impose pas, on peut découvrir l’intervention en marchant la tête baissée. »
Aussi une opportunité de s’approprier le sol, « un médium très peu utilisé », relève-t-il à juste titre. En effet, à part les marquages routiers et quelques pochoirs aussi sporadiques qu’éphémères, le sol de nos villes et villages reste très largement vierge, sorte de terra incognita artistique uniquement dévolue au strict usage utilitaire. Un territoire qu’il aime à sublimer, dans le simple but de « perturber un trajet du quotidien » et par la même occasion de faire surgir l’art au moment où on s’y attend le moins.
Concrètement, Ali compte peindre une fresque au sol devant le café social Amande & Co aux Amandiers, venir non pas au sol mais en hauteur, via un système de découpes s’approprier d’anciennes ouvertures murales de la médiathèque de Belvezet et réaliser une fresque au sol dans une rue piétonne de Sanilhac. Le tout « en blanc, très léger », inspiré par « l’ornement, la forme du mandala et de plus en plus par l’architecture, l’art nouveau et l’artisanat d’art », explique celui qui travaille également la découpe papier et bois.
Le maître mot reste la délicatesse : la finesse des traits rencontre l’élégance des formes, qui sont souvent largement improvisées. Mais une improvisation sous contrôle : « je choisis de manière très réfléchie le lieu où j’interviens, des endroits qui me plaisent et où je pense ne pas dénaturer l’espace », affirme-t-il. Quand bien même, ses oeuvres gardent un côté éphémère. Même réalisées en peinture routière, elles subissent les outrages du temps et du frottement piétonnier. Pas de quoi formaliser Ali, qui estime que « de toute façon, quand tout le monde s’y est habitué, elles peuvent disparaître. »
La résidence artistique d’Ali dans l’Uzège durera un mois en tout, avec une restitution le 4 juillet.
Thierry ALLARD
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