FAIT DU JOUR Quand le déconfinement est source d'angoisse
Pour des millions de français, le 11 mai était synonyme de retour à une plus grande liberté. L’occasion de retrouver ses proches et de pouvoir sortir sans entraves. Mais pour beaucoup d’autres, le déconfinement représente une source d’angoisse associée à la peur de contracter ou de propager la covid. Ils s’inquiètent de revoir les Français dans la rue.
« J’ai peur pour mes proches et pour moi-même ». Depuis lundi, date du déconfinement, Clara ne cache pas sa crainte de devoir de croiser des personnes dans la rue où ailleurs. À 21 ans, cette aide à domicile a d’abord pris le problème avec désinvolture : « Le dernier jour avant le confinement, je suis même allée au restaurant, je n’étais pas plus inquiète que cela. » Mais au fil des jours, l’insouciance a laissé place à l’inquiétude. Avec l’augmentation des cas de contamination, le nombre grandissant des décès et le traitement par les chaînes d’information en continu ont créé une anxiété chez certaines personnes.
« Je pars au travail avec une boule au ventre »
Clara en fait partie et pour elle l’angoisse a débuté dès la fin du mois de mars. Après deux semaines de chômage partiel, la jeune femme a repris le travail. Cela n’a pas été facile. « Je pars au travail avec une boule au ventre car si je suis asymptomatique je peux contaminer les autres », s’interroge la Meynoise. Alors elle prend toutes les précautions nécessaires. Au travail, mais aussi pour faire des courses alimentaires : « C’est la seule chose que je fais dehors, et après je rentre chez moi. »
Une vie sociale réduite au minimum qui ressemble à celle de Marie pour qui les sorties se limitent aux rendez-vous médicaux. Cette aide-soignante de 51 ans habite dans un village entre Nîmes et Alès et depuis deux mois, elle vit un enfer. Employée au centre hospitalier universitaire de Nîmes Caremeau, elle a contracté le coronavirus. Après plus de quarante jours de fatigue, de douleurs musculaires, de frisons et de maux de tête, elle n’est toujours pas totalement remise. « Je me shoote au Doliprane depuis sept semaines et on m’a dit que le virus pouvait se réactiver. »
« Ça a pourri ma vie »
De la maladie est née une anxiété : celle de transmettre le virus. Mais pas seulement car la mise en quarantaine est tombée au mauvais moment : « Pendant cette période, ma fille et mon petit-fils ont déménagé à une centaine de kilomètres et je ne peux pas les voir. » Dans le cas de Marie, le désarroi s’est ajouté à la douleur physique. « On m’interdit l’accès à l’Ehpad ( établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, NDLR) pour voir ma grand-mère, mais on voudrait que j’aille travailler à l’hôpital. Je ne comprends pas cette logique. »
Toujours en arrêt de travail, la Gardoise est en colère car elle estime avoir contracté la maladie sur son lieu de travail : « J’en veux à mon employeur car on nous a dit de ne pas mettre de masque au début au début de l’épidémie. » Aujourd’hui, Marie vit dans la crainte : « Au niveau psychologique c’est très dur, ça a pourri ma vie. »
Аglаë n’a pas été malade comme Marie, mais elle fait aussi partie des Gardois qui ne sont pas pressés de sortir de leur domicile. Cette octogénaire Rodilhanaise est motivée par un sens civique exemplaire. Avec le déconfinement, elle n’a pas baissé sa garde face au virus et elle continue à suivre scrupuleusement les règles de sécurité sanitaire.
Avec son mari, Аglаë ne prend pas de risque : « Nous respectons les gestes barrières. Nous ne prenons pas les transports en commun pour les laisser aux travailleurs et nous gardons un mètre de distance avec les gens. » Des gestes de bons sens, mais la Gardoise est aussi active : « Je vais prendre des nouvelles de mes voisins qui sont eux aussi âgés. » Elle participe aussi à l’effort de guerre contre cet ennemi invisible : « Je confectionne des masques à la main. »
Clara, Marie et Аglаë vivent différemment un déconfinement qui les stresse bien plus que le confinement. Elles sont durablement marquées par cette expérience douloureuse et il faudra encore du temps avant qu’elles retrouvent une vie normale.
Norman Jardin
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