Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 25.05.2020 - thierry-allard - 3 min  - vu 2674 fois

LE 7H50 du bâtonnier de Nîmes : « On augmente le risque de difficultés »

Le bâtonnier du barreau de Nîmes, maître Jean-Marie Chabaud (Photo d'archives : Philippe Gavillet de Peney/Objectif Gard)

La décision de construire la deuxième maison d’arrêt du Gard dans le secteur d’Alès, et plus précisément à Boisset-et-Gaujac, doit être confirmée par la garde des Sceaux, Nicole Belloubet lors de sa visite à Nîmes ce lundi. Une décision, révélée la semaine dernière par Objectif Gard, qui est loin de faire l’unanimité. En sus de l’opposition de la commune et de ses habitants, les avocats du barreau de Nîmes ne sont a minima pas du tout convaincus par le choix de cette implantation. Le bâtonnier du barreau de Nîmes, Jean-Marie Chabaud, aurait préféré voir cette deuxième prison être construite à Nîmes, et évoque notamment des questions de sécurité. Il est l'invité du 7H50.

Objectif Gard : La future deuxième prison gardoise sera donc construite dans le village de Boisset-et-Gaujac, près d’Alès. Que vous inspire cette décision ?

Me Jean-Marie Chabaud : D’abord, j’ai trouvé surprenant qu’il y ait des fuites dans la presse alors que la justice est encore en mode de fonctionnement dégradé. J’ai pris l'attache de la mairie de Nîmes qui n’avait pas plus d’informations que moi. Ce que je sais, c’est que le dossier nîmois était prévu sur un terrain situé derrière l’école de police et donc non loin du centre de rétention administrative, dans un pôle de sécurité. Le deuxième terrain envisagé était situé au Camp des garrigues, où on ne gênait pas les riverains du charmant village de Boisset-et-Gaujac. En tant qu’avocat, je plaide pour une installation nîmoise, pour des raisons de sécurité et d’efficacité.

Sur l'aspect de la sécurité, une prison à Boisset-et-Gaujac va occasionner des transits de détenus, sachant qu’un détenu ne sort pas que pour être jugé. Pour l’efficacité, Alès a certes un tribunal correctionnel, mais au niveau de l’instruction Nîmes possède un pôle criminel qui n’est plus à Alès. Et, où que soit placé le détenu, pour l’appel il devra venir à Nîmes.

Certains, comme la députée Françoise Dumas, s’étaient élevés contre le choix du secteur d’Alès en arguant notamment, outre la question de la sécurité, que 80 % des besoins judiciaires concernaient la partie sud du département. Ça se tient ?

Oui. Qu’on mette la prison au Vigan, à Bagnols/Cèze ou à Alès, il y aura toujours une force centrifuge vers Nîmes. L’arrondissement de Nîmes va du Grau-du-Roi à Pont-Saint-Esprit, avec des besoins très forts. Et nous sommes 450 avocats dans le Gard, 400 à Nîmes et 50 à Alès. Il faut le prendre en compte.

Pour revenir sur les questions de sécurité, les transits de détenus vont occasionner des risques d’évasion et des problèmes de coordination. Et les transports, c’est du personnel et de l’argent. Les heures que les fonctionnaires vont passer à faire de l’escorte, ils ne les passeront pas à autre chose. On augmente le risque de difficultés en éloignant le prévenu de son juge, c’est logique. Quand on discute avec des acteurs judiciaires et administratifs, on se rend compte que ces constats sont partagés par tous.

Et apparemment, Boisset-et-Gaujac est hostile à cette construction. Or, il faut mettre un terme à la surpopulation carcérale dans le Gard, la prison de Nîmes est occupée jusqu’à 270 %. Je crains que la situation à Boisset-et-Gaujac ne retarde le projet et que ça finisse avec une ZAD comme à Notre-Dame-des-Landes.

Du côté d’Alès, on explique que le fait d’obtenir la construction de cette prison va sauver le tribunal...

Je ne le crois pas. Le tribunal d’Alès est fait pour répondre aux besoins de l’activité judiciaire d’Alès. Ce n’est pas la prison qui va créer de l’activité judiciaire à Alès. Et ce qui nous inquiète, c’est de voir se développer une technique qui nous déplaît : la visio-audience. Je ne voudrais pas, au titre de ces difficultés géographiques ou de coordination, qu’on nous dise qu’on n’a pas d’escorte, et qu’il faudra faire avec des caméras avec le juge à Nîmes et le détenu à Boisset-et-Gaujac. Ce n’est pas une méthode et ce serait une catastrophe pour l’exercice des droits de la défense. Les barreaux de Nîmes, d’Alès et de France sont contre, d’ailleurs.

Cette deuxième prison s’accompagne de travaux de rénovation et d’agrandissement de celle de Nîmes...

Oui, c’est annoncé, mais on ne sait pas si ça va être confirmé par la ministre. La prison de Nîmes est dans un état lamentable. Quant à l’agrandissement sur site, il relève un peu de l’emplâtre sur une jambe de bois. Pour régler la difficulté, il faut raisonner sur deux maisons d’arrêt. À Nîmes, nous avons aussi des détenus qui relèvent de Montpellier ou d’Avignon et, où que se trouve la deuxième maison d’arrêt, il y aura des détenus jugés à Nîmes.

Je pense que des critères objectifs plaideraient plutôt pour une solution nîmoise. Si le choix de Boisset-et-Gaujac se confirme, les critères qui y auront conduit me paraissent mystérieux. J’aimerais être certain que toutes les études ont été faites.

Propos recueillis par Thierry Allard

Thierry Allard

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