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Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 31.05.2020 - anthony-maurin - 6 min  - vu 4109 fois

GARD Une journée au Pont... quand il sera rouvert

Symbole du département, le Pont du Gard (Photo Anthony Maurin).

En amont, le Pont du Gard (Photo Archives Anthony Maurin).

Connaissez-vous ce qu'on appelle les Académies ? Bon, honnêtement elles ne sont peut-être pas toutes " à la page " et ouverte au monde qui les entoure mais certaines font exception. Le majestueux Pont du Gard possède la sienne qui vous donne des conseils pour vos futures visites au sein de ce site si particulier.

Unique. Oui, le Pont du Gard est l'aqueduc romain le mieux conservé du monde. Actuellement fermé pour les raisons que vous imaginez, dès sa réouverture, les Gardois et les autres vont se jeter sur cet espace bimillénaire, travaillé par l'Homme au fil des siècle pour y flâner sereinement.

Sur son site web, l'Académie du Pont du Gard vous donne ses petits tuyaux pour réussir votre sortie. " Les possibilités de découvertes que nous décrivons sont nombreuses. À chacun son choix : on peut consacrer à la visite du pont du Gard une heure, une  journée, ou  plus. L’étrange est que, malgré la simplicité de ce qu’il offre, on n’a jamais le sentiment de l’avoir épuisé. Aucune visite méthodique ne remplacera la rencontre personnelle avec ce lieu. "

Cet article est tiré de l’ouvrage " L’aqueduc du pont du Gard- 8 itinéraires de découverte d’Uzès à Nîmes"  co-écrit par Claude Larnac et François Garrigue. (pages 118, à 134- Édition de la Fenestrelle- Brignon- 1999, quatrième réédition 2016.

Beauté du geste et du décorum

Repère solaire, chaque jour de l'année, le soleil franchit le pont à 9h (temps universel), soit 11h l'été. Ainsi, chacun  pourra, à sa guise, s’intéresser à la beauté des pierres et des paysages, faire provision de souvenirs par la photographie, le dessin ou la simple mémoire. On pourra aussi s'attacher aux détails d’architecture (il est bon de choisir ses heures, selon ses intérêts, l’éclairage étant déterminant pour l’observation, NDLR).

Comme nous vous le disions, le péquin lambda pourra également flâner autour du monument, à la recherche, par exemple, d’indices géologiques. Oui, les gorges du Gardon en foisonnent et on trouve à moins de 100 m des empreintes d’oursins de plusieurs millions d’années !

En aval, devant le restaurant les Terrasses (Photo Anthony Maurin).

Comme le Pont n'est pas la seule beauté du site, penser à vous promener dans le jardin botanique ou encore à passer une soirée d’été en amont (les bruits de la nuit, le ciel étoilé ont avec ce lieu une singulière connivence). Les plus courageux dénicheront les signes des compagnons (travailleurs romains) de l'époque avec des inscriptions et idéogrammes qui révèlent et cachent à la fois le monde secret des métiers. Enfin, découvrir le pont du Gard de bon matin, à partir du Gardon est une approche différente, inoubliable comme un rendez-vous mais vous pouvez à toute heure, vous asseoir devant ce grand ordonnateur d'espace, vous soumettre à son rythme, le laisser vivre en vous.

Des pépites méconnues

Un point panoramique. En amont du pont, rive gauche, sur votre droite, du côté d'où vient le Gardon, en sortant de la partie boisée, un chemin sur la roche conduit à un point de vue discrètement signalé. De cette hauteur et de ce côté, le Pont du Gard se découvre dans la pureté de son développement et de son site (l'adjonction du pont routier demeurant invisible). Au sol ? Vieux de quelque 110 millions d'années, des coquillages fossiles. La nature, vue de ce point, n'est peut-être pas exactement celle qu'ont connue les Romains mais elle conserve un caractère qui lui est propre.

La clairière. Toujours en amont du pont, rive gauche, plus près du monument, se trouve un espace dégagé que les connaisseurs appellent la clairière. Pour l'atteindre, au bas des fouilles des arches le public emprunte le sentier à droite, quelques mètres avant d'arriver au pont, à l'escalier en colimaçon construit par Questel en 1844. De la clairière, la vue sur le pont  est prodigieuse. Sur l'autre rive, la colline boisée est restée intacte. Une grotte de petite dimension évoque les peuples qui ont vécu sur le site depuis l’origine de l’Homme. De l’Homo sapiens aux chasseurs et pêcheurs magdaléniens (20 000 à 12 000 ans), puis aux bergers et cultivateurs sédentaires.

Une petite cavité propice au pique-nique (Photo Anthony Maurin).

En redescendant vers la rivière par le sentier un peu escarpé à gauche du pont, dès le départ, vous pouvez découvrir, sur la face mise à nu par la rupture des arches, une inscription de toute beauté " Fouche dit la vertu de sainte " suivie d'une série d'instruments de tailleur de pierre. Il s'agit d'un signe compagnonnique gravé sur la corniche supérieure, très courte, à la limite du second et du troisième étage.

On y voit un niveau à monture triangulaire (qui a l’aspect d’une cloche avec son battant à cause de la déformation causée par le galbe de la corniche), un ciseau à pierre, une escoude, un autre ciseau, une massette, l’ensemble compas-équerre et un marteau.

Oursinade pierreuse

Des empreintes d’oursins de l’époque miocène. Toujours sur la rive gauche, aux abords du Pont du Gard, mais cette fois sur un cheminement qui, au travers de la colline, conduit de l'Auberge du vieux moulin au fameux escalier en colimaçon du Pont du Gard, vous aurez peut-être l'occasion de découvrir cette plaque rocheuse de quelques mètres carrés truffée d’impacts d'oursins qui s'y fixèrent lors de sa formation, il y a quelques millions d’années.

La zone la plus importante est située dans le vallon dominé par le château d'eau de Saint-Hilaire-d’Ozilhan, à l'est du village, se présente sous la forme d’un creux qui retenait l’eau, comme les " lavognes. "

(Photo Anthony Maurin).

Un petit port ? Rive gauche à vos pieds, juste en aval du Pont du Gard, vous voici bien placés pour observer un plan incliné de quelque 50 m de long et 4 à 5 m de large, taillé dans la falaise de la rive gauche en aval du pont. On imagine volontiers sur cette rampe en pente douce un quai d'accostage pourvu de palans pour décharger des matériaux, notamment des pierres de taille, amenées en barque des carrières situées à 600 ou 800 m du Pont. Ce n'est qu'une hypothèse...

En arrière du pilier de la grande arcade, sur la rive droite, une crique taillée dans le rocher ressemble à un abri creusé pour recevoir de petites embarcations. Cette zone est appréciée des baigneurs. S’il n’a pas été un port romain, c’est en tout cas une marina romana.

Chauves-souris et premières traversées

Sur la plage. Passant sous une arche du pont, vous pouvez continuer à descendre jusque sur la plage (rive gauche du Gardon, en amont du pont). De là, l'édifice apparaît dans toute sa majesté. Les espaces existant entre les blocs des hautes arches constituent un refuge pour les molosses de Cestoni, une variété de chauves-souris qui a besoin d'une grande hauteur de chute pour prendre son envol ! De jour, c'est la grandeur des arches qui s’impose. La plus importante enjambe le Gardon avec une ouverture de près de 25 m et d'une hauteur de 19 m.

Sur le pont routier. Ce qui frappe, à ce niveau, ce sont ces nombreux dessins gravés dans la pierre. Il s'agit pour la plupart de signes compagnonniques, parfois d'inscriptions dont quelques-unes sont d'époque romaine. On peut, sur ce pont, apprendre à chaque pas. L'observateur attentif remarquera une différence entre la finition de la partie haute des avant-becs romains (en amont) et de celle des arrière-becs de Pitot (en aval). Différence omise par les dessinateurs, peintres ou graveurs.

La traversée du Gardon. Elle a posé problème jusqu’au milieu du XVIIIe siècle et la création du pont routier par Pitot entre 1743 et 1747. Petit rappel historique, en  218 avant notre ère, Hannibal se rendant d'Espagne en Italie avec son armée et ses éléphants traversait le Gardon à gué et le Rhône à l'aide de radeaux montés sur des vessies gonflées. Dès l’époque romaine, il y eut des bacs sur le Gardon. Des témoins gravés sur les piliers du deuxième étage ont mis en évidence les déformations causées par la circulation des véhicules lourds.

Un vélocipède sur le Pont

Inscriptions et signes de compagnonnage. Voici quelques beaux signes très faciles à repérer, gravés sur les premiers mètres du parapet du pont routier. Sur la  façade nord du Pont du Gard celle qui fait face à l'Auberge du vieux moulin et sur le dessus du cinquième bloc, il est aisé de remarquer deux cercles concentriques au centre desquels figurent deux clés croisées. À partir du sixième bloc, sur la face verticale, côté route, on peut voir une série de signes datés de 1839, dont une escoude, une hache de charpentier, des massettes, des inscriptions. Jusqu’au bout du pont ce sont des dizaines de signes qui garnissent cette face.

Les chiffres romains. Entre les huitième et neuvième arches (sur 11) du second étage à partir de la rive gauche, en haut du pilier, trois pierres en dessous de la corniche, vous distinguerez une sculpture, en fait un priape (rencardez-vous sur la signification mais ça portait bonheur), que Mistral a baptisé " lièvre du pont du Gard ". La légende veut que le maçon du Pont, ayant pactisé avec le diable, ait dû lui livrer le premier être vivant traversant le Pont. Ce fut un pauvre lièvre et le diable furieux le jeta contre l'arche où on le voit encore.

Allez... en réalité, ce " lièvre " est romain et c'est un symbole phallique protégeant du mauvais œil. Trois pierres à gauche du lièvre, et deux plus bas vous rencontrez le " coq ", pattes tendues sur la neuvième arche. Il a  probablement été gravé par un compagnon qui restaurait la façade au XIXe siècle. Sous la huitième arche, sur le tablier du Pont lui-même, tout près du pilier où se trouve le coq, un vélocipède (un grand bi) témoigne de la diversité d'inspiration des graveurs. Ce dernier a été hélas dégradé par les installateurs de la mise en lumière du pont, dans les années 2000...

Anthony Maurin

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