BAGNOLS/CÈZE Originaire du Liban, Père Abinader s'exprime sur la double explosion de Beyrouth
Le Père François Abinader est prêtre responsable de l'ensemble paroissial de Bagnols-sur-Cèze depuis 10 ans. Il s'est installé en France en 1984, après avoir fui la guerre civile au Liban, son pays d'origine. Il réagit sur le drame qui a frappé la capitale libanaise.
La double explosion survenue à Beyrouth mardi 4 août, dont le bilan s'élève pour l'heure à 137 morts et 5 000 blessés, a particulièrement touché l'ecclésiastique. D'autant qu'une partie de sa famille vit encore dans la capitale libanaise.
"Ma nièce a son bureau dans l'un des immeubles près du port. Mon frère est venu la chercher en voiture. Quelques secondes après, l'immeuble s'effondrait", témoigne Père Abinader. Heureusement, aucun de ses proches n'a été blessé dans cette catastrophe. Depuis mardi, il a reçu une cinquantaine de coups de fil et courriels de sympathie de la part de ses paroissiens. Il est aussi en contact avec des personnes habitant Beyrouth. Prêtant l'oreille à des récits effroyables...
"C'est un véritable tremblement de terre. La puissance de l'explosion équivaut à un séisme de magnitude 4,5. Elle a secoué toute la ville de Beyrouth qui compte deux millions d'habitants", introduit le prêtre. Il poursuit : "Le quartier chrétien était tout proche du port. Il a été dévasté. Les habitations, les commerces, les lieux de culte... Deux hôpitaux ont aussi été ravagés. Des balcons ont été arrachés tellement l'explosion a été forte. La situation est catastrophique."
300 000 personnes à la rue
L'urgence est bien évidemment de secourir les blessés et donner un endroit où dormir et de quoi manger aux victimes de la double-explosion : "Il y aurait 300 000 sans abri à Beyrouth après ce tremblement de terre." Le port détruit, les marchandises ne peuvent plus être acheminées par la mer créant des pénuries de matériels essentiels : "Les hôpitaux manquent de tout : de bandages, de points de suture..." Tout un élan de solidarité s'est noué à l'international pour aider le pays du cèdre.
Mais le prêtre regarde au-delà de l'émotion que suscite ce drame qui aurait été causé par une cargaison de nitrate d'ammonium stockée "sans mesures de précaution" sur le port, selon la version soutenue par le gouvernement libanais. Père François Abinader pense déjà à l'après. Pour lui, cette catastrophe vient s'ajouter à la situation déjà critique du pays.
Lui-même a fui la guerre civile (1975-1990) alors qu'il était directeur d'un grand collège de 4 000 élèves: "J'y suis restée 5 ans. Je l'ai vécu avec beaucoup de difficultés. Les bombes tombaient sur ou autour du collège. Les 70 cars de ramassage scolaire étaient obligés d'éviter les bombes aussi."
"Les seigneurs qui ont gagné la guerre, ce sont eux qui s'occupe du Liban aujourd'hui et qui ont le pouvoir. [...] Ils empêchent le peuple de vivre en totale liberté. C'est toute la structure du Liban qu'il faut changer", poursuit-il. Il évoque aussi à la crise économique et humaine qui sévit dans le pays depuis des années. Loin de la période où on surnommait le Liban "la Suisse d'Orient". "50% des Libanais vivent sous le seuil de pauvreté", avance le prêtre.
Et il a peur que ce pourcentage tende à la hausse compte tenu de ce que Beyrouth a été construite autour de son port, centre névralgique de l'économie du pays. "Les gens sont excédés et là, cette explosion, c'est le dernier coup de Trafalgar", conclut l'homme d'église. À son modeste niveau, il va tenter d'aider son pays d'origine en organisant sûrement une collecte qui sera ensuite transmise à l'Oeuvre d'Orient, une association française d'aide aux chrétiens d'Orient.
Marie Meunier
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