Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 22.08.2020 - anthony-maurin - 5 min  - vu 1552 fois

FAIT DU JOUR Quand Lallement meurt, "Bacchus" reste dans nos coeurs

Jean-Charles Lallement (Photo Hervé Collignon Archives municipales de Nîmes)

Jean-Charles Lallement (Photo Hervé Collignon Archives municipales de Nîmes)

C'était un drôle de personnage, un type qui avait un cœur gros comme son talent. Jean-Charles Lallement est mort il y a cinquante ans dans un accident de la route. 

Si vous ne connaissez sans doute pas son nom, vous connaissez au moins une de ses œuvres. Située en bas de l'avenue Jean-Jaurès, non loin du bœuf qui lui tourne le dos, a été construite une pyramide veillant sur la mémoire des morts à la guerre, qu'ils soient martyrs de la résistance ou simples soldats tombés au front.

Il faut dire que Jean-Charles Lallement était né en 1914, à l'heure de la Première Guerre mondiale. Cette thétique résistante lui vaudra, en plus de celui de Nîmes, deux autres contrats avec des villes française. En effet, il réalisera à Tarbes au milieu des années 1960 un mémorial des martyrs de la déportation et à Troyes, un monument lié à la résistante auboise. Il a aussi réalisé les sculptures d'un lycée de Grenoble, ou encore celle du lycée Jean Rostand à Nevers. C'était aussi cela l'application de la loi de 1951 concernant le " 1% artistique " dans les établissements scolaires comme c'est le cas au Chemins-Bas d'Avignon ou encore au lycée Dhuoda.

Jean-Charles Lallement (Photo Hervé Collignon Archives municipales de Nîmes)

L'écrasement de la personne humaine par l'immensité incommensurable des crimes de guerre était l'un de ses sujets favoris. Toujours à Nîmes plusieurs écoles ou établissements secondaires sont également présentés des études sur les explosions et un buste de jeune fille en bronze.

Natif de Paris, c'est là-bas qu'il se lance dans la sculpture et entre dans l'école Boulle pour aux Beaux Arts de la capitale. En 1942, pendant l'autre grande guerre, Jean-Charles Lallement a remporté le Grand Prix de Rome (gravure en médaille). Grâce à cela, il aurait dû séjourner à la Villa Médicis, institution française à Rome, comme tous les vainqueurs mais la guerre l'en a empêché... Un déchirement pour lui.

Jean-Charles Lallement (Photo Hervé Collignon Archives municipales de Nîmes)

Mais si l'on connaît un peu ce personnage, c'est parce qu'il a posé ses valises dans notre département car il a vécu de nombreuses années au Grau-du-Roi. Un bas-relief au sanatorium (et plusieurs autres oeuvres dont des statues et des fresques) du Grau-du-Roi, deux autres bas-reliefs dans l'ancien collège d'Aigues-Mortes, une oeuvre à Tornac, une autre à La Grand'Combe et un dernier monument aux morts à Tresques.

En 2011, ses héritiers, souhaitant assurer une conservation pérenne au fonds d’archives de leur père, décidèrent d’en faire don au département du Gard. Désormais communicable, ce fonds permettra aux historiens de l’art du XXe siècle d’appréhender l’œuvre de cet artiste dans son ensemble et de retracer son parcours, au cours duquel il côtoya des personnalités de renom comme Joaquin Peinado, Pablo Picasso ou Le Corbusier. Ce sculpteur statuaire fut aussi le disciple de Bouchard, Wlérick, Maillol pour la sculpture, et celui de Dropsy pour la gravure.

Pour le centenaire de sa naissance, les Archives départementales du Gard avaient décidé de lui consacrer une exposition, accompagnée de la parution d'un catalogue dédié. Cet ouvrage présentait la vie et une partie de l'œuvre de Lallement à travers les pièces du fonds conservé aux Archives départementales du Gard ainsi que des prêts de la famille.

Dans la première partie de l'ouvrage étaient regroupés les éléments relatifs à la biographie et à la carrière du fameux Bacchus, avec notamment des documents personnels. La deuxième partie est consacrée aux grands projets monumentaux, tels que les mémoriaux érigés dès la Libération et ses bas-reliefs décoratifs pour des bâtiments scolaires et publics. Enfin et dans la troisième partie sont évoqués d’autres aspects de l’œuvre de cet artiste qui a également développé un vaste travail concernant la gravure de médailles, le dessin, la peinture (natures mortes, portraits, paysages, marines, nus), la tapisserie, le mobilier.

Jean-Charles Lallement (Photo Hervé Collignon Archives municipales de Nîmes)

Concernant son autre passion, la gravure de médaille. Il a d'ailleurs travaillé pour la Monnaie nationale. L'artiste disait lui-même, " Je souhaite que la taille de l'acier enrichisse, par toutes ses qualités propres, la médaille actuelle. L'incision du burin, de l'échoppe, l'enfoncement du métal par un poinçon approprié, par leur pureté, leur précision, leur âpreté suppriment à jamais le côté maniéré et conventionnel de certaines médailles du passé , parce que chaque coup de burin est le fruit d'une décision, et qu'il exprime, par lui-même, une indication de volume , parce qu'il doit être en harmonie avec ceux dus aux incisions futures, qui vont naître. C'est un fait capital, qui supprime toutes les concessions à soi-même.

Et Jean-Charles Lallement des poursuivre dans le même registre et d'expliquer la suite du processus. " D'ailleurs, je pense plus valable, par cet esprit, la taille directe en creux, qui est une création pure. Ce qui m'intéresse le plus en la matière, et j'en suis persuadé, c'est que la technique de la coupe de l'acier permettra à la médaille de faire face à la transmutation de l'art futur. Une certaine forme d'avant-garde actuelle se contente et se complaît dans des recherches de formes vagues, maniérées, gestuelles, qui font penser à certaines époques de décadence. La libido devient la machine à penser. Comment l'Art peut-il suivre l'essor scientifique actuel, le bond en avant de la pensée créatrice humaine, si les artistes n'ont pas le courage d'avoir la rigueur de l'esprit, le besoin absolu de vérité ? L'art de la coupe de l'acier, par sa disicipline, son esprit de synthèse et de dépouillement, permettra à la médaille de faire face à la création de l'art futur. Tout au moins il sera un des facteurs qui permettra d'y accéder. "

Jean-Charles Lallement (Photo Hervé Collignon Archives municipales de Nîmes)

Retour à la sculpture monumentale avec Marseille. En compagnie de Picasso, il avait proposé à la cité phocéenne un projet de mémorial franco-grec pour représenter le troisième millénaire de la fondation de la ville. Il devait être sur le vieux port, boulevard du Pont transbordeur, sculpté sur six blocs de marbre venant de Grèce. Tout tombe à l'eau quand Picasso évoque sa méconnaissance du projet et que la Ville entre en procédure avec les deux artistes. La belle amitié se déchirera par lettres interposées.

Heureusement que pour sa postérité, notre attachant Bacchus avait pris soin de conserver précieusement tout. Ses notes, ses idées, ses esquisses, ses dessins, ses études... Grâce à cela et ajouté à la force de ses créations encore visibles, Jean-Charles Lallement demeure un artiste au style emporté mais qui persiste à l'épreuve du temps. Sa descendance, ses enfants Françoise et Jean-Marie (dont la mère est Gisèle Soboul), ont continué l'oeuvre entamée par le patriarche. Abigaïl, sa petite-fille, perpétue encore cet héritage. Gouaches, huiles et autres productions " papier ", même des médailles, sont depuis quelques années visibles aux Archives départementales.

Il existe une association des Amis de Bacchus.

Jean-Charles Lallement (Photo Région Franche-Comté, Inventaire du patrimoine, ADAGP via la Ville de Lure).

Anthony Maurin

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