Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 24.08.2020 - coralie-mollaret - 4 min  - vu 1747 fois

SÉNATORIALES Qu’est-ce qui pousse réellement Denis Bouad à se présenter ?

Denis Bouad, président du conseil départemental (Photo : Coralie Mollaret)

Inopinée, la candidature du président du Conseil départemental au Sénat interroge. Pourquoi celui qui prend tant de plaisir à diriger le Département brigue le scrutin de septembre ? Notre analyse. 

Le 12 août, Denis Bouad a brisé la torpeur de l'été gardois. Par un simple communiqué, presque laconique, le socialiste a annoncé sa candidature aux Sénatoriales. Une annonce surprise qui a fait grand bruit. Dans le mundillo politique, tout le monde pensait que le candidat putatif avait lâché l'affaire. Président du Département depuis cinq ans, le Blauzacois, élu du canton d’Uzès, semblait prendre du plaisir à diriger la collectivité de 3 000 agents et son budget d'environ un milliard d'euros.

D'autant que Denis Bouad, c'est un gars du terroir. Une sorte de Chirac gardois, la carte du RPR en moins. « C’est l’élu local qui aime tâter le cul des vaches et boire un bon pinard », remarque un édile. Autrement dit : pourquoi aller s'ennuyer à Paris ? Même un intime de Denis Bouad, le sénateur Simon Sutour, ne croyait plus, dit-on, en sa candidature. S'il l'avait adoubé pour prendre sa suite au Sénat, « sa grande-messe des maires à l’hôtel Mourret, qui pourrait lui être reprochée dans ses comptes de campagne, avait fini de le convaincre », souligne une proche.

Préparer les Départementales de mars 

Notons également que la candidature de Denis Bouad intervient en dehors des règles fixées par son parti, le PS. Après avoir ouvert les candidatures au scrutin de septembre, la fédération a investi, le 17 juillet, Alexandre Pissas. Le maire de Tresques et conseiller départemental était alors le seul candidat. À l'issue d'un vote interne, celui-ci a récolté 180 voix sur 231 votants (38% de participation). Certes, ce n'est pas fameux... D'ailleurs pour la petite histoire, la section d’Uzès où est inscrit Denis Bouad ne lui a accordé que 2 voix contre 107 dans la section de Bagnols Campagne, fief du Tresquois.

Le problème avec Alexandre Pissas, c'est qu'il ne rassemblerait pas assez. « Avec lui en tête de liste, on donne carrément les trois sièges de sénateur à la Droite ! », balance l'entourage de Denis Bouad. En campagne, Les Républicains ont les dents longues. La deuxième place de la liste conduite par la sénatrice sortante, Vivette Lopez, est occupée par Laurent Burgoa. Leader de l’opposition départementale, le républicain élu donne du fil à retordre au président Bouad. En majorité relative, l'exécutif n'a d'autre choix que de négocier avec lui - parfois chèrement - pour valider ses décisions. 

Derrière les Sénatoriales se cache donc la bataille pour les Départementales de mars 2021. « Ces deux élections sont assez proches dans le temps, souligne Bérengère Noguier, élu du canton d’Uzès avec Denis Bouad. La réussite de la Gauche aux Sénatoriales créera une dynamique qui influencera le résultat des Départementales. Les grands électeurs ont une certaine influence auprès de leurs administrés, appelés à voter en mars. » D'ailleurs, « nous avons beaucoup discuté avec le président. Sa décision d'aller aux Sénatoriales n’a pas été facile à prendre. C’est pour ça qu’il a tardé à l'annoncer. » 

S’assurer un avenir politique 

Face au plaisir que Denis Bouad prend au Département, certains sont allés jusqu’à imaginer un étrange scénario pour le convaincre. S’il est élu en septembre, Denis Bouad aura un mois pour démissionner de la présidence. Six mois plus tard, aux Départementales, « il peut se présenter sur son canton. En cas de victoire de la Gauche, il démissionnerait et reprendrait sa place au Département. » En cas de défaite, l'élu de 68 ans - dont 30 ans passées en politique - terminerait sa carrière au Sénat. Une dernière séquence politique loin, très loin du Gard... Avant de prendre sa retraite de sénateur ?

Ce plan, l'intéressé le réfute. Pour l’instant, Denis Bouad pense à un avenir plus proche. S'il devient sénateur et qu'il démissionne de la présidence, il devra trouver un remplaçant. Plusieurs noms circulent : Christophe Serre, président du groupe Socialistes et apparentés ; Martin Delord, vice-président en charge des Finances ; Françoise Laurent-Perrigot, vice-présidente chargée du Développement de la fibre optique, et même Alexandre Pissas qui trouverait ici un joli lot de consolation en échange d'un retrait de sa candidature aux Sénatoriales. La Gauche se doit d'être prudente car en décembre, elle présentera son budget 2021. Selon les résultats des Sénatoriales, la Droite ou même Alexandre Pissas pourraient très bien mettre en échec son exercice.

Un exercice d’autant plus complexe qu’en raison de la crise sanitaire le Département s’est vu privé d’une partie de ses recettes fiscales. Pour s’assurer d'une majorité, la Gauche pourrait alors ouvrir son exécutif aux centristes, comme le maire déchu de Marguerittes, William Portal, et sa binôme, Joëlle Murré. Cette option a déjà été envisagée en 2015 par le président sortant, Jean Denat, désireux de s’assurer une gouvernance tranquille. Mais battu par l’extrême-Droite sur son canton de Vauvert, le socialiste n'aura pas pu la mettre à exécution.

Comment unir la Gauche ? 

La route de Denis Bouad pour le Sénat est encore longue. Aujourd’hui pas moins de cinq listes de Gauche sont candidates. Chez les communistes, l'union a toutefois un prix : la deuxième place de la liste. « Dans le Gard, la Gauche unie peut très bien récupérer un deuxième siège de sénateur », plaide le secrétaire départemental du PCF, Vincent Bouget. Pour l'heure, Denis Bouad aurait proposé la seconde place à sa vice-présidente déléguée à l’Insertion, Carole Bergeri. 

Reste l'épineuse question de la candidature d’Alexandre Pissas. Le débat pourrait être tranché par la direction nationale du parti, réunie à Blois ce week-end, pour ses universités d’été. En échange d'un soutien, le parti devrait toutefois demander quelque chose au président du Conseil départemental : le paiement des arriérés de ses cotisations d’élus qui se chiffrent, selon nos sources, entre 5 000 et 10 000 euros. En politique aussi les bons comptes font les bons amis.

Coralie Mollaret 

coralie.mollaret@objectifgard.com 

Coralie Mollaret

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