Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 01.09.2021 - abdel-samari - 4 min  - vu 383 fois

ENTREPRISE Plus de télétravail imposé par l’État à compter du 1er septembre 2021

Hervé-Georges Bascou, avocat nîmois spécialiste en droit du travail. Photo AS / Objectif Gard

Hervé-Georges Bascou, avocat nîmois spécialiste en droit du travail, docteur en droit, explique les nouvelles modalités liées au télétravail dans les entreprises.

Objectif Gard : Est-ce la fin du télétravail en entreprise depuis ce matin ?

Hervé-Georges Bascou : Le télétravail n’est plus obligatoire à partir du 1er septembre 2021 dans les entreprises, mais il reste cependant une pratique recommandée contre l’épidémie de Covid-19. Le protocole sanitaire national du 9 juin 2021 qui imposait aux entreprises de déterminer, à l’issue d’échanges entre la direction et les représentants des salariés, un nombre minimum de jours de télétravail pour chaque salarié (soit a minima deux jours par semaine) n’est plus applicable.

Est-ce donc le retour en présentiel des salariés ?

Les entreprises retrouvant leur liberté, elles peuvent bien évidemment faire revenir leurs salariés en présentiel, sauf accord d’entreprise applicable, quel que soit le nombre de jours à distance prévu.

Est-ce la fin du télétravail pour autant ?

Le télétravail imposé c’est, pour l’instant, fini, même si, je le rappelle régulièrement dans mes écrits, les protocoles sanitaires ne constituent qu’une « recommandation ». Ils ne sont et ne seront jamais une norme impérative. En fait, nous revenons aux règles originelles du télétravail : le double volontariat, c’est-à-dire celui de l’employeur et de l’employé, de sorte qu’aucun des deux ne pourra l’imposer à l’autre.

Quelles sont les différentes formes de télétravail ?

Le télétravail peut prendre grossièrement plusieurs formes : sédentaire, le travail est réalisé de façon permanente au domicile du télétravailleur, depuis un bureau annexe de l’employeur ou tout autre lieu préalablement défini. Alterné c'est à dire que le télétravailleur alterne des périodes de travail dans les locaux de l’entreprise et des périodes de travail en dehors de l’entreprise. Ou nomade : le télétravailleur effectue de nombreux déplacements mais reste en contact avec l’entreprise à l’aide des techniques de communication. Il convient ainsi de différencier le télétravail du travail à domicile, lequel répond à une réglementation particulière.

Le télétravail a-t-il de l’avenir ?

Le télétravail a été, durant ce temps inédit, un télétravail imposé, de « guerre » et en aucun cas un télétravail voulu, accepté, appréhendé, paisible. Sa mise en place s’est effectuée, pour bon nombre d’entreprises, sans véritable préparation. Nous sommes loin des conditions initiales du télétravail. C’est d’autant plus vrai qu’aujourd’hui, les avis des chefs d’entreprise divergent à l’extrême. Certains considèrent le télétravail comme une voie d’avenir ; les autres, l’assimilent aux « télé-vacances ». Ces points de vue révèlent avant tout que la mise en place du télétravail ne peut s’effectuer sans une grande préparation. Il en va, à notre avis, de l’intérêt de l’employeur et du salarié dans le cadre d’un dialogue social.

Vous rappelez souvent l’importance de la préparation, dans vos écrits sur le télétravail. En quoi consiste-t-elle ?

Se préparer, c’est d’abord réfléchir sur les populations éligibles au télétravail. Pouvoir travailler à l’extérieur de l’entreprise n’est pas obligatoirement un indice de réussite pour certaines catégories de salariés. C’est aussi définir de manière précise la fréquence des jours télétravaillés (1 jour ou 2 par exemple), le choix des jours télétravaillés selon les besoins de l’activité. C’est aussi établir un planning prévisionnel de l’organisation, sur la base d’un véritable audit de l’existant, et accepter des dépenses initiales, techniques et humaines, pour une éventuelle réussite. Se préparer, c’est donc aussi se former pour comprendre ce que recouvre véritablement le télétravail en pratique. Sans formation, le télétravail est voué à l’échec. C’est un préalable, une nécessité absolue tant pour le télétravailleur que pour le « télémanager ». Plus de 60% des « télémanageurs » déclarent ne pas avoir été formés, ni accompagnés dans la mise en place du télétravail au sein de leur équipe. Chiffre aucunement surprenant.

Le télétravail modifie-t-il la relation professionnelle ?

Le télétravail implique un nouveau rapport dans la relation professionnelle et un nouveau modèle managérial fondé sur la confiance et l’autonomie. Le télétravail rend, de facto, caduc l’ancien modèle managérial directement issu de la vision tayloriste de l’entreprise, dans lequel le manageur est un contremaitre qui contrôle et distribue le travail. Le « télémanageur » doit, au contraire, animer, s’assurer du partage de la connaissance, fédérer son équipe, libérer les énergies, catalyser la création de valeur. Un bon manager doit aussi maintenir, développer, favoriser cette relation de confiance. Il doit aider les rencontres et les échanges en face-à-face avec des points de suivis réguliers. Il doit aussi créer les conditions pour que l’information circule librement et faciliter la communication au sein de son équipe. Le télétravailleur doit préalablement être parfaitement formé, a minima, sur les moyens mis à sa disposition et ne pas déroger au cadre juridique qui lui est assigné. Le télétravailleur est sur un paradigme différent de ce qu’il connait. Il doit être véritablement autonome dans la mission qui lui est confiée. Il aura besoin d’une phase d’adaptation et l’entreprise devra l’aider, l’accompagner afin qu’une parfaite relation de confiance s’établisse.

 

Le télétravailleur a-t-il les mêmes droits qu’un autre salarié ?

Le télétravailleur a les mêmes droits, mais aussi les mêmes obligations qu’un autre salarié. Il reste, bien évidemment, sous le lien de subordination de l’employeur. À ce titre, il doit toujours respecter les directives, ordres de sa hiérarchie. Il doit rendre des comptes sur l’activité accomplie. Pour preuve, les télétravailleurs, qui ne sont pas soumis à une convention de forfait jours, doivent respecter scrupuleusement les heures de travail effectif commandées par l’entreprise. Ils bénéficieront du paiement des heures supplémentaires si l’activité l’impose, avec préalablement l’accord de l’employeur. Chaque protagoniste doit ainsi parfaitement connaître les règles du jeu du télétravail.

Qu’en tirez-vous comme conclusion ?

Au-delà de ce que je viens de vous dire, il est primordial que le télétravailleur ne soit pas « coupé » de l’activité sur le terrain. La relation directe, physique, présentielle ne pourra jamais être remplacée par les systèmes d’information, même les plus sophistiqués (visioconférence). Hormis le télétravail nomade que certaines activités obligent, le télétravail alterné est donc le choix judicieux qui s’imposera demain pour certaines catégories de salariés. Les raisons sont évidentes : économique, humaine, écologique. Le bureau de l’entreprise deviendra ainsi le « noyau » des rencontres et d’échanges intensifs. Il constituera le véritable lien social sans lequel les relations ne pourraient perdurer.

Abdel Samari

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