Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 15.03.2022 - norman-jardin - 6 min  - vu 1062 fois

FAIT DU JOUR Prix du carburant : les professionnels de la route font le plein d’inquiétude

Impactés en première ligne par la flambée record des prix de l’essence, routiers, taxis et ambulanciers gardois s’organisent. Malgré la baisse de 35 centimes sur le gasoil annoncée par le PDG du groupe E. Leclerc, et la prime carburant de 15 centimes promise pour le 1er avril par le Gouvernement, les tarifs à la pompe - qui dépassent désormais régulièrement les 2 euros par litre dans le département - deviennent un enjeu crucial pour les professionnels de la route.

« Ça ne me fait pas rire du tout. Le pire, c’est l’incertitude : nous ne savons absolument pas vers où nous allons, s’inquiète ainsi Claude Roux, gérant de l’entreprise de transport Vénétrans, à Vénéjan. Nous avons heureusement un mécanisme, le pied de facture, qui nous permet de répercuter au client les variations du gasoil, sinon nous serions morts. Ce mécanisme ne nous couvre pas à 100 % : il nous faut faire l'avance pendant 45 jours, donc cela va impacter notre marge et notre trésorerie. Mais in fine, c’est le consommateur qui va payer. »

Dispositif anti-siphon

Pour les 16 camions de la flotte du transporteur gardois, la hausse de 70 centimes TTC du prix du gasoil représente une charge supplémentaire de 40 000 euros par mois. Alors, tous les moyens sont bons pour réduire la facture. « Nous avons mis en place des mesures pour éviter les vols : on ne fait plus le plein, on prend du carburant pour un ou deux jours en fonction du type de trajet, et j’interdis à mes chauffeurs d’avoir beaucoup de gasoil. Le week-end, il faut qu’il ne reste que de quoi aller à la première station le lundi. Une très grande majorité de mes camions sont équipés du dispositif anti-siphon, et je suis en train d’équiper le reste. Nous privilégions enfin l’autoroute, où l’on consomme moins. Heureusement que notre activité tourne bien ! »

Un taxi Tran devant la gare de Nîmes (Photo d'illustration : Linda Mansouri)

« Nous devons absorber cette hausse nous-même »

L’inquiétude est encore plus grande, du côté des Taxis Tran de Nîmes, où ces hausses de tarifs ne seront pas répercutées sur la clientèle. Le prix de l’essence est le sujet de conversation dans toutes les courses. Conducteur de taxi depuis 24 ans, le président des Taxis Tran, Gérald Sifre, ne cache sa préoccupation. « Nos clients subissent déjà, à titre personnel, des augmentations de prix de toute sorte. Alors, pour les fidéliser et conserver nos grands contrats, nous devons absorber nous-même cette hausse. Alors que le carburant représentait déjà 12 à 13% de nos dépenses, ce poste atteint aujourd’hui 18 à 19% de nos charges, observe Gérald Sifre. Pour limiter ces coûts supplémentaires, nous cherchons donc à nous approvisionner au moins cher, c’est-à-dire chez Leclerc, qui vient en plus d’annoncer une baisse à venir. Mais sans faire faire non plus trop de kilomètres supplémentaires pour trouver une pompe moins chère. »

L’explosion actuelle des prix à la pompe valide notamment la stratégie d’électrification de sa flotte de taxis. « Nous en sommes actuellement à 35% de voitures électriques sur une quarantaine de véhicules au total. Mais pour aller plus loin, il faut encore améliorer l’autonomie de ces véhicules et développer les bornes de recharge », pointe cependant le président des Taxis Tran.

Entre 1 500 € et 2 000 € par mois

Comme ces professionnels, les auto-écoles font aussi face à la hausse des carburants. Une augmentation à la pompe que les usagers constatent de semaines en semaines depuis le fin de l’année 2021. Alors à l’auto-école Victor-Hugo, on a anticipé. « Pour pallier la hausse du carburant nous avons augmenté nos tarifications au niveau des forfaits et unitaire. Sur la boite automatique, l’heure de conduite est passée, ces derniers mois, de 45 € à 55 € et de 42 € à 45 € pour les boites manuelles », explique Charlotte Waroquet, la secrétaire de l’auto-école. La jeune femme a fait les comptes, et dans son secteur d’activité il est impossible de se passer de carburant.

Charlotte Waroquet de l'auto-école Victor-Hugo à Nîmes (photo Norman Jardin)

L’auto-école Victor Hugo possède un flotte de cinq véhicules avec boite manuelle et un avec une boite automatique. Ces véhicules roulent entre 30 et 40 heures par semaine. Leur budget à la pompe varie ainsi entre 1 500 € et 2 000 € par mois. « Un plein d’essence de 39 litres nous coûte 86 €. C’est énorme puisque le 28 février cela ne coûtait 67 € », regrette Charlotte Waroquet. Une inflation galopante qui pourrait changer le fonctionnement de l’auto-école dans le futur : « Nous n’utilisons que des véhicules fonctionnant au diesel, mais si cela continue d’augmenter il faudra peut-être revoir les choix au niveau des véhicules ».

« Un peu d’énervement et de colère »

En attendant, l'auto-école reste à l’affut des prix les plus attractifs : « Pour l’instant, nous nous fournissons au supermarché Leclerc de la route de Beaucaire. Je préviens régulièrement les moniteurs de l’endroit où le carburant est le moins cher », explique la jeune femme.

Mais pour les élèves, cette hausse des prix entraîne aussi des conséquences. « Il y en a un qui me dit qu’il est content d’avoir raté son permis pour la quatrième fois, parce qu’il voit le prix du carburant augmenter et que de toute façon, même avec le permis, il attendra avant d’acheter une voiture ! L’élève doit suivre au minimum 20h de conduite pour passer le permis. C’est trop peu, mais les parents sont réticents à payer plus car ils ont du mal à joindre les deux bouts. Ça crée parfois un peu d’énervement et de colère. Or, pour un jeune qui n’a pas le permis, c’est très compliqué de trouver un travail. »

Payer plus pour se rendre au travail

Mais pour les travailleurs qui ont des trajets importants, l’explosion des prix du carburants constitue également un défi économique conséquent. Maud, 37 ans, est domiciliée à Cabannes dans les Bouches-du-Rhône et travaille à Beaucaire dans le Gard. Elle parcourt donc une soixantaine de kilomètres tous les jours au volant de sa Citroën C4. « J’en étais déjà à plus de 97 € le plein quand le litre était à 1,80 €. Mon budget carburant va dépasser les 200 € par mois, ce qui est maintenant à peu près équivalent à ce que je dépense en alimentation », réalise-t-elle. Malgré cette hausse des prix, la Cabannaise reste optimiste : « Dans tous les cas, il faut que j’aille travailler, je ne peux pas faire de télétravail. Donc, il faut bien que je fasse mon plein. Pour le moment, j’ai la chance de pouvoir me le permettre sans que cela impacte trop mon rythme de vie. » Toutefois, la maman d’une petite fille de 5 ans reste vigilante : « Je ne toucherai pas à mon budget alimentation, mais on va réduire les petites dépenses superflues qui concernent les bricoles pour la maison ou les vêtements qui ne sont pas forcément indispensables. » Maud réfléchit également à demander une mutation de travail pour pouvoir se rapprocher de chez elle.

Le Beaucairois Nassim, 43 ans, traverse lui aussi le Rhône pour rejoindre une usine d’industrie chimique située à Sorgues dans le Vaucluse. Un trajet d'environ 70 kilomètres aller-retour. « Et en plus, mon fils est à l’école à Istres et souvent les transports en commun sont annulés, donc je fais aussi les allers-retours. J’en suis à plus de 300 € minimum par mois, ça commence à faire ! Sans compter le véhicule de ma femme. À nous deux, on doit être à 450 € par mois. Mais on n’a pas trop le choix. Cet argent qu’on met dans le carburant, on ne le mettra pas ailleurs. » Ces restrictions porteront sur « les vacances, les courses, sur tout en fait, on va devoir faire plus attention. » L’achat d’une voiture électrique pourrait être une solution, Nassim s’y intéresse. « Mais pour l’équivalent de ce que j’ai aujourd’hui, une Golf, il y en a pour 24 000 € et d’occasion. C’est trop cher, même si ce serait l’idéal pour moi. »

Vers un boom des transports en commun ?

La situation actuelle devrait donc théoriquement développer l'usage des transports en commun. En effet, les tarifs des bus Tango ne varieront pas malgré la hausse des prix du gasoil et du biogaz. Au contraire, le délégataire va proposer des ventes Flash régulières dans les prochaines semaines : 20 titres de transport pour 20 euros (contre 1,30 euro le ticket normalement), afin d'attirer de nouveaux usagers. « Nous ne réduirons pas non plus notre offre : toutes les lignes seront maintenues au même tarif, assure Emmanuelle Tiberi, responsable communication chez Tango. C’est le moment de rappeler que les trambus permettent d’éviter les bouchons et de réaliser des économies sur l’essence et sur le stationnement, puisque le coût de nos parkings-relais est compris dans le ticket ou l’abonnement. »

La rédaction 

Norman Jardin

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