Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 06.04.2022 - francois-desmeures - 4 min  - vu 686 fois

FAIT DU SOIR Construction écologique, résidence d'artistes : les apprentis du CFA BTP de Méjannes-lès-Alès élargissent leur horizon

(Photo François Desmeures / Objectif Gard)

Nadine Fournier et Sophie Voisin, directrice-adjointe et directrice du CFA BTP de Méjannes-lès-Alès (photo François Desmeures / Objectif Gard)

Sous les regards originaux et novateurs de leurs deux directrices, les apprentis du CFA bâtiment et travaux publics (BTP) de Méjannes-lès-Alès s'ouvrent à la culture et au futur de la construction. Après avoir créé une résidence d'artistes, l'organisme s'apprête à construire un bâtiment bioclimatique à énergie positive, à la pointe de ce qui devrait se faire.

Abattre des cloisons, faire tomber des murs : un préalable parfois nécessaire à la construction elle-même. Sauf qu'ici, c'est de construction citoyenne qu'il s'agit, en parallèle de l'apprentissage des compétences techniques. Les cloisons, ce sont celles qui empêchent ces jeunes, par pression sociale ou manque de confrontation à une réalité autre, de sortir de leur seule matière pour interroger le monde.

Directrice adjointe du CFA BTP de Méjannes-lès-Alès, Nadine Fournier a suffisamment baroudé et traversé de frontières pour ne pas se créer de barrière. Mais comme souvent, le détonateur provient d'une rencontre. "Un jour, on a reçu l'association qui émane des éditions Au Diable vauvert (*), explique Nadine Fournier. Ils nous ont amené un journaliste, puis un écrivain pour la jeunesse, etc." Sachant que l'association dispose d'une résidence d'artistes à Vauvert, "je me suis demandé comment le bâtiment, qui a un déficit d'image, pouvait sortir du lot", poursuit Nadine Fournier.

"On ne forme pas que des mains mais des êtres à part entière"

"Un livre, c'est compliqué pour des apprentis, surtout quand vous avez deux lieux à couvrir : le CFA et l'entreprise. Il faut que les gamins voient que derrière un livre il y a un écrivain." Et l'idée germe naturellement. "On s'est dit : pourquoi le CFA ne serait-il pas résidence d'artiste ?" Dans l'aventure, Nadine Fournier gagne une alliée de poids, sa directrice, Sophie Voisin, qui souscrit et s'implique elle aussi totalement dans l'aventure.

L'année d'avant confinement, les échanges sont fructueux avec les Avocats du diable. Et un premier écrivain de Madagascar débarque à Méjannes, suivi du journaliste et conférencier Déo Namujimbo, en exil en France après avoir dû fuir la République démocratique du Congo à la suite de l'assassinat de son frère. "Il est venu pour une conférence, puis deux fois 15 jours en résidence d'artiste. En contrepartie de l'hébergement et de la nourriture, il a rencontré des apprentis et leur a fait travailler l'écriture journalistique", rembobine la directrice adjointe du CFA.

"Notre calendrier de résidence est déjà plein pour l'année prochaine, se félicite Nadine Fournier. On aura un dessinateur camerounais, une peintre locale, Jeanne Caro, ou encore l'école de cirque le Salto. Notre but est de lier le CFA à toutes les institutions culturelles du territoire." Le site se prêterait ainsi parfaitement à une représentation de Cratère surfaces, tandis qu'une participation active du CFA lors de Passeurs de livres, nouveau salon du livre qui verra le jour fin juin, est en projet.

Le 31 mars, tous les élèves du CFA étaient réunis pour tourner une vidéo de promotion du projet de bâtiment à énergie positive (photo François Desmeures / Objectif Gard)

"On ne forme pas que des mains mais des êtres à part entière", aime à rappeler cette femme de plombier meilleur ouvrier de France, qui n'en peut plus de voir sa filière méprisée, parfois même par l'Éducation nationale. D'autant que le constat générationnel a de quoi inquiéter : "L'écran leur a enlevé l'imaginaire, déplore Nadine Fournier. Ils disent eux-mêmes qu'ils ont du mal. Pour le cognitif, rien ne vaut l'humain." Après avoir rencontré des conteurs, avec le Centre méditerranéen de littérature orale (CMLO), un projet de film vient d'être initié par un couple issu de la Fémis (école nationale supérieure des métiers de l'image et du son) "qui veut trouver des gueules du commun. Ils veulent raconter une histoire d'amour dans le contexte des fêtes votives et monter un scénario avec les élèves."

Le mois prochain, le conteur Ladji Diallo s'installera cinq jours à Méjannes. Tandis que depuis 2019, une plage de lecture obligatoire de 30 à 45 minutes a été mise en place entre 10h et midi. "Il faut faire en sorte que le livre ne soit plus un étranger", avance Nadine Fournier, qui a eu recours aux neurosciences pour convaincre quelques réticents du fait que seule la lecture mobilise certaines parties du cerveau.

"Deux ans de conception, quatre années de réalisation

L'énergie positive que Sophie Voisin et Nadine Fournier insufflent dans le CFA n'est pas qu'une notion. C'est aussi une finalité de construction. Car si le CFA se préoccupe de former des êtres, il n'en oublie pas son métier, avec le projet Maïada. Un bâtiment bio-sourcé, à énergie positive, qui implique toutes les compétences du CFA, des élèves aux enseignants, avec l'apport technologique de l'IUT de Nîmes, du lycée Léonard-de-Vinci de Montpellier et d'un cabinet d'architecte.

"Deux plans sont sortis, deux esquisses, confirme Nadine Fournier. Et on est en train d'acquérir le terrain derrière le CFA." Orientation, végétalisation, récupération d'eau et jardins secs font partie des préalables de ce projet qui s'établira sur une superficie de 232 m2. "Deux ans de conception, quatre années de réalisation", prédit la direction.

Un projet qui, outre sa dimension pédagogique, permet "de retrouver entre les élèves une convivialité car il est parfois difficile d'expliquer aux jeunes de travailler ensemble", se réjouit Nadine Fournier. L'édifice intégrera aussi un théâtre de verdure, en cohérence avec le projet culturel du CFA. Et sera aussi le fruit d'une "amitié de boulot", confie Nadine Fournier en évoquant sa relation avec Sophie Voisin, une proximité qui facilite la poursuite des projets.

Un drone a filmé tous les élèves sur la zone où sera bâtie Maïada (photo François Desmeures/Objectif Gard)

Dans deux ans et demi, Nadine Fournier quittera le CFA sans avoir vu ses projets aboutir. Peu importe pour cette curieuse de la vie qui se voit déjà reprendre le sac à dos avec son mari pour arpenter le monde. "Quand on est dans la formation, on ne fait que planter des graines", philosophe-t-elle. Mais même plantées, toutes les graines n'assurent pas d'aussi beaux fruits que ceux que promet le CFA de Méjannes.

François Desmeures 

francois.desmeures@objectifgard.com

* Les Avocats du diable.

François Desmeures

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