Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 05.08.2019 - elodie-boschet - 5 min  - vu 4433 fois

FAIT DU JOUR Annie Chapelier, une députée libérée

Annie Chapelier. Photo Tony Duret / Objectif Gard

Annie Chapelier. Photo Tony Duret / Objectif Gard

Annie Chapelier n’est pas une élue comme les autres. Et elle ne le sera probablement jamais. Elle parle avec une franchise déconcertante, seule, sans communicant à ses côtés pour rectifier une phrase qui serait maladroite ou politiquement incorrecte. D’ailleurs, ce milieu politique, ce monde de pouvoir auquel tant de cumulards s’accrochent depuis des années sans jamais passer la main, la députée le méprise. Celle qui était infirmière anesthésiste avant de rejoindre les bancs de l’Assemblée nationale le rappelle : elle ne fera qu’un seul mandat.

Vendredi matin, la députée a reçu Objectif Gard pendant plus de deux heures pour évoquer plusieurs thèmes d’actualité : le Ceta, les Municipales, le centre commercial Porte Sud et ses différentes missions de parlementaire. Attention : il est conseillé aux âmes sensibles et aux habitués des interviews « langue de bois » de s’abstenir. La députée libérée aborde tous ces sujets sans aucun filtre.

Ceta : un choix assumé

C’est le sujet politique brûlant de l’été. Approuvé le 23 juillet dernier par l’Assemblée nationale, le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (Ceta) est très controversé. Tandis que ses défenseurs louent un accord permettant de dynamiser les échanges commerciaux, ses détracteurs y voient surtout une concurrence déloyale et l’importation massive de produits de moins bonne qualité.

Annie Chapelier, qui a voté pour, assume pleinement son choix : « Contrairement à tout ce qui est dit, le Ceta n’est pas la porte ouverte au libre-échange mais à sa régulation. Nous avons besoin de conforter nos relations avec des pays qui ont les mêmes valeurs que nous, comme le Canada. S’il y a des dérives, elles seront rectifiées. » Quant à l’inquiétude des agriculteurs et éleveurs, la députée admet que ce type d’accord peut « faire peur » mais se veut rassurante : « Le bœuf aux normes canadiennes n’arrivera jamais en Europe. Sur 70 000 fermes au Canada, seules 36 élèvent leur bétail selon les normes européennes et peuvent donc exporter leur viande chez nous. Les autres ne le pourront pas. »

Son voisin de circonscription, le député LREM Olivier Gaillard, ne partage pas la même vision que sa collègue : il a voté contre le Ceta. « Ses arguments me semblent un peu simples, estime Annie Chapelier. Il ne s’est pas beaucoup penché sur le sujet. Mais je respecte son choix, c’est sain que nous ayons des dissonances. »

La fonction de député

Suite au vote du Ceta à l’Assemblée nationale, plusieurs permanences de députés ont été prises pour cible. Les députés Gardois ont fort heureusement été épargnés, ce que confirme Annie Chapelier : « Je n’ai pas été menacée, mais on a reçu des courriers ahurissants ». Elle poursuit : « Je trouve que plus personne n’a le respect de la fonction. Les députés sont des punching-ball, les boucs émissaires de cette exaspération sociétale ». Avant d’analyser : « Il faut que les politiques apprennent à laisser la place. Même si j’étais la meilleure députée, il faudrait que je parte. Regardez mon prédécesseur Fabrice Verdier, c’est quelqu’un pour qui j’avais beaucoup d’estime, mais il représente tout ce que je n’aime pas. Il cherche à tout prix à rester en politique. En même temps, il ne sait rien faire d’autre ! »

Municipales : « Il est temps de tourner la page Roustan »

Annie Chapelier et Max Roustan. Photo Tony Duret / Objectif Gard

Autre sujet d’actualité qui pointe le bout de son nez : les élections municipales de 2020. À Alès, Annie Chapelier considère « qu’il est temps de tourner la page Roustan. » Maire d’Alès depuis 1995, Max Roustan serait pourtant prêt à repartir pour un nouveau mandat, avec son directeur général des services Christophe Rivenq sur sa liste.

Au sujet de ce dernier, la députée ne mâche pas ses mots : « Je trouve qu’il va beaucoup vers les gens, mais peu de gens viennent vers lui. Il est totalement clivant et menteur comme ce n’est pas permis. Par exemple, il me raconte que les arbres abattus au bord du Gardon l’ont été à la demande de l’État. J’ai eu la confirmation que c’était faux. Mais je sais que pour lui je suis une écolo stupide qui ne comprend rien. En attendant, c’est quoi leur objectif ? Faire d’Alès la ville la plus chaude et invivable de France ? »

L’élue parlementaire dénonce également les méthodes du duo Roustan-Rivenq : « Ce sont des hommes qui ont profité de leur situation pour s’enrichir. Monsieur Roustan, il gagne deux fois ce que je gagne et personne ne lui demande de comptes. Quant à Christophe Rivenq, c’est quelqu’un qui aime l’argent. Le vœu de sobriété devrait être inclus dans la politique… » D’ici mars prochain, Annie Chapelier espère « qu’une personnalité sortira du chapeau pour se présenter face à eux. » Mais la députée semble davantage miser sur la personne que sur les décisions politiques de son propre mouvement : « La commission d’investiture d’En Marche, il n’y a que des Parisiens, ils ne comprennent rien à rien. » Si, à Nîmes, les candidats de La République en marche se multiplient, ce n’est – pour l’instant – pas le cas dans la capitale des Cévennes.

Porte Sud : « Claude Dhombre se croit au-dessus des lois »

Dans « l’affaire » Porte Sud, ce centre commercial construit par le promoteur Claude Dhombre au bord du Gardon, Annie Chapelier a clairement pris position : « Quand j’ai rencontré M. Dhombre, je lui ai dit que j’allais tout faire pour que son projet ne voit pas le jour. Cet homme représente tout ce que je combats. Il a décrété que le PPRI c’était du grand n’importe quoi et il se croit au-dessus des lois. Mais il a tout de même réussi avec la complicité de la municipalité, par son inaction, à continuer et finir les travaux. » La préfecture, considérant que l’étude hydraulique fournie par le promoteur ne prend pas en compte les hauteurs d’eau retenues par le PPRI, a ordonné la suspension temporaire des travaux et des scellés ont été posés, le 24 juillet, sur les portes des magasins.

Quelles missions parlementaires ?

Au-delà de ces sujets qui touchent sa circonscription, Annie Chapelier mène plusieurs missions de front à l’Assemblée nationale. Membre de la Commission des affaires étrangères, co-rapporteur d’une mission d’information sur l’environnement international des départements et collectivités d’Outre-Mer, ou encore présidente du groupe d’amitié France-Soudan du Sud, la députée va multiplier les déplacements à la rentrée. Également membre de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, l’élue gardoise va participer au Grenelle des violences conjugales, qui va réunir associations et ministères concernés à la rentrée. « Un nouveau projet de loi sortira », assure-t-elle.

Annie Chapelier travaille également sur le projet de loi sur l’économie circulaire pour lequel elle va proposer « des amendements », et reste très impliquée sur la question des migrants. « Les grandes migrations sont devant nous. D’ici la fin du quinquennat, on devrait faire une loi sur le parrainage des migrants », assure-t-elle avant de conclure sur son domaine de prédilection : la santé. Dès demain, l’ancienne infirmière passera sa journée avec une aide à domicile de Vivadom afin d’identifier les difficultés rencontrées par ces professionnels directement sur le terrain. Quand elle s'engage sur un sujet qui lui tient à cœur, c'est comme quand elle parle, la députée ne fait pas semblant.

Élodie Boschet & Tony Duret

Elodie Boschet

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