FAIT DU JOUR Le ras-le-bol des pompiers face aux agressions
Les sapeurs-pompiers sont de plus en plus souvent victimes d’agressions physiques ou verbales lors de leurs interventions. Très difficile à gérer, ce nouveau risque du métier est souvent à l’origine de stress post-traumatique. Pour aider ces secouristes à mieux agir face aux situations de violences, l’organisme de formation Gesivi (*) a édité un guide de bonnes pratiques.
Leurs yeux sont mouillés de larmes. À l’évocation de terribles souvenirs d’agressions, les adjudants-chefs Laurent Blanchet et Samuel Besson sont submergés par l’émotion. Tous deux travaillent à la caserne de Nîmes et ont, comme beaucoup de leurs collègues, déjà été victimes de violences. Laurent Blanchet n’oubliera jamais ce 13 décembre 2017, lorsque sa tournée des calendriers a tourné au cauchemar : « Je suis tombé sur deux hommes, enfin plutôt deux animaux, qui passaient un jeune à tabac. J’ai voulu le secourir mais j’ai été pris à partie à mon tour. Ils m’ont asséné des coups avec une barre métallique et m’ont mis un flingue sur la tempe. » Près de deux ans plus tard, la blessure psychologique est encore à vif. « Je pars de chez moi le matin sans savoir si je vais rentrer le soir. Le risque est H24 et de partout ! Notre but est de sauver les personnes et les biens, mais nous arrivons au boulot avec la boule au ventre », explique-t-il, désemparé.
Samuel Besson a également de quoi être traumatisé. « J’ai été agressé sur un secours à domicile par un gars ivre qui avait tabassé sa femme. Quand il a vu les pompiers arriver, il nous a sautés dessus », raconte-t-il. Une autre fois, c’est directement à la caserne qu’il a été menacé « par un homme qui pointait un pistolet » sur lui. Et c’est sans compter les agressions au couteau et les insultes verbales dans les ambulances. Ces mêmes véhicules qui, pour certains, sont criblés d’impact de balles. « Lorsque l’on vit ce genre de choses, on ne dort plus », souligne Samuel Besson.
Les pompiers : « Nous avons peur »
Trop, c’est trop. Comme le feu, les agressions sont devenues un risque à part entière pour les pompiers. « Nous avons peur. Ces violences sont de plus en plus banalisées et ne sont pas que dans les cités. Aujourd’hui, nous tirons la sonnette d’alarme car nous ne nous sentons pas suivis, ni par notre hiérarchie, ni par les politiques qui ne sont pas confrontés à ces situations et ne mettent pas les moyens nécessaires pour nous protéger. Il faut donner des solutions aux agents pour éviter des drames ! », lâche Laurent Blanchet. À travers ces mots, il pense tout particulièrement à Geoffroy Henry, ce pompier de 27 ans poignardé à mort lors d’une intervention dans le Val-de-Marne, en septembre 2018.
Le livre « Sapeurs-pompiers, un métier à rixe ? » édité par l’organisme de formation Gevisi lui est d’ailleurs dédié. « Cet ouvrage regroupe plusieurs méthodes sur la gestion des situations de violences, indique Dorian Jaffiol, président de Gevisi Système, fondé à Alès en 2013. C’est une sorte de boîte à outils et de conseils pratiques pour permettre aux sapeurs-pompiers de désamorcer les conflits, avec par exemple des techniques de communication non violente et des gestes d’autoprotection. On ne forme pas à combattre, c’est tout le contraire. On travaille dans la bienveillance et la bientraitance. »
Une partie des bénéficies de la vente du livre, soit 1 000 euros, a été reversé à l’Œuvre des pupilles orphelins des sapeurs-pompiers de France lors d’une cérémonie organisée le 8 octobre dernier à la caserne des pompiers d’Alès. L’occasion de rendre hommage à Geoffroy Henry, en présence de son épouse, Morgane, et de son père, Éric. « Il ne demandait qu’à faire son métier. On lui a pris la vie », lit-on en préambule de ce qui est, hélas, devenu le nouveau livre de chevet des soldats du feu.
Élodie Boschet
* Gesivi : Gestion des situations de violence.
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