Publié il y a 1 an - Mise à jour le 08.06.2022 - corentin-corger - 5 min  - vu 707 fois

FAIT DU JOUR Urgences, Ehpads... Le personnel hospitalier veut plus de moyens humains

Une centaine de personnes se sont mobilisées devant les urgences de Bagnols-sur-Cèze ce mardi midi. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Le personnel soignant nîmois avait tout prévu pour alerter sur les conditions d'accueil aux urgences (Photo Corentin Corger)

Mardi, plusieurs mobilisations du milieu hospitalier se sont tenues dans le département pour exprimer un "ras-le-bol". Aux urgences de Nîmes, on déplore des conditions de travail de plus en plus compliquées tandis que celles de Bagnols-sur-Cèze vont subir des fermetures partielles certains soirs cet été, faute de médecins urgentistes en effectif suffisant. Un manque de bras qui se ressent aussi dans les Ehpad, comme le déplorent des salariés des structures dépendant de l'hôpital d'Uzès. Objectif Gard s'est rendu sur place.

Devant les urgences de Nîmes, une centaine d'agents hospitaliers se sont rassemblés. Des soignants des urgences en majorité mais aussi du Samu et ceux du bloc opératoire venus apporter leur soutien aux collègues. Une initiative de la CGT rejointe par les trois autres syndicats du CHU de Nîmes : FO, CFDT et UNSA, qui ont participé à cette manifestation. Parmi les grévistes, Arthur, infirmier à Carémeau depuis cinq ans (voir vidéo ci-dessous) : "Le quotidien est assez compliqué. On tourne autour de 300 entrées par jour, la semaine dernière on est même monté à 354. C'est beaucoup ! De nombreux soignants sont en burnout. On est vraiment à bout, concrètement on en a marre".

Une situation qui n'est pas nouvelle mais désormais les soignants ne veulent supporter ces conditions de travail. "Des patients décèdent dans les urgences parce qu'ils ne sont pas pris en charge par manque de personnel. C'est inadmissible ! On revendique cela depuis 2016. On est en 2022, c'est encore le cas, on ne peut plus l'accepter", s'insurge Laurent, également infirmier aux urgences nîmoises. Selon la CGT, 30 infirmiers ont quitté ce service lors des huit derniers mois. Pour Arthur, ce n'est plus possible. L'infirmier a posé sa disposition et quittera le CHU mi-octobre pour partir exercer la même activité en Polynésie : "Je ne peux plus travailler dans ses conditions j'ai besoin de voir autre chose".

Certains collègues évoquent aussi une pression quotidienne de l'encadrement. "On nous demande de faire des rapports sur tout", souffle, agacé, un aide-soignant. "On m'a demandé d'arrêter un massage cardiaque parce que mes cheveux se trouvaient sur le visage du patient et que ça posait un problème au niveau hygiène", raconte une agente déconcertée. Les soignants réclament des renforts à court terme et craignent de voir le nombre d'entrées augmenter encore cet été. "Si d'autres infirmiers partent, on ne vas pas tenir", conclut Laurent. 

"Tout citoyen doit se trouver à moins de 30 minutes d'accès en voiture d'un service d’urgence 24/24h. Ce ne sera plus le cas dans le Gard rhodanien"

À Bagnols-sur-Cèze non plus, les renforts ne viennent pas. Au point que l'accueil de nuit du service des urgences va devoir être suspendu du 11 juin 18h30 au 12 juin 8h30. C'est la première fois que les portes seront fermées et ce ne sera sûrement pas la dernière. Sur un besoin de 13 médecins urgentistes équivalent temps plein, le service n'en a que six. Jusqu'à présent, les effectifs tenaient bon, grâce à l'investissement très important des équipes, mais aujourd'hui, la situation n'est plus supportable.

Une centaine de personnes se sont mobilisées devant les urgences de Bagnols-sur-Cèze ce mardi midi. (Marie Meunier / Objectif Gard)

À l'appel de l'union locale CGT du Gard rhodanien, une centaine de personnes s'est mobilisée à l'entrée des urgences bagnolaises mardi midi. Dans la foule, il y avait Clément, jeune infirmier aux urgences de Bagnols depuis deux ans. Il est inquiet des répercussions que pourrait avoir cette décision : "Tout le bassin de population va être impacté. S'il y a des patients qui se présentent et qu'ils trouvent porte close alors qu'ils présentent des signes de gravité, on ne pourra pas les prendre en charge. Sans médecin, ce n'est pas possible", déplore-t-il.

Pour Patrick Lescure, secrétaire général de l'union locale CGT du Gard rhodanien, cette situation est "le résultat de 30 ans de politique de casse de l’hôpital public". Il ajoute, le ton grave : "La loi prévoit un principe de sécurité sanitaire qui stipule que tout citoyen doit se trouver à moins de 30 minutes d'accès en voiture d'un service d’urgence 24/24h. Ce ne sera plus le cas dans le Gard rhodanien." Pourtant le service des urgences bagnolais enregistre entre 80 et 130 passages par jour.

Comme cela avait déjà été dit une semaine plus tôt, le syndicat veut "un véritable plan Marshall" de la santé. Plusieurs idées de mesures sont listées : conserver la concentration des médecins urgentistes dans les SMUR et pour l’accueil des urgences vitales, fédérer l’ensemble des médecins hospitaliers (du public et du privé) au fonctionnement des services d’urgences, rétablir l’obligation de la garde de médecine de ville quitte à fournir un véhicule avec chauffeur si nécessaire…

Et Anne Sauce, secrétaire de l'UL Force ouvrière de conclure : "Le blocage des numérus clausus pour les médecins, les difficiles conditions de travail pour les soignants, un salaire qui n'est pas à la hauteur, des budgets à la baisse, voilà tous les ingrédients réunis qui expliquent aujourd'hui la situation à l'hôpital de Bagnols."

Lionel Petit, secrétaire de la CGT de l'hôpital d'Uzès et Sandrine Flaugère, membre du bureau de la CGT de l'hôpital d'Uzès (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Et en dehors des urgences, il y a aussi urgence dans les Ehpads : c’est le sens d'un courrier envoyé par la CGT de l’hôpital d’Uzès au Conseil départemental début mai, pour l'heure resté sans réponse, précédé par des courriers de la direction de l’hôpital local auquel sont rattachés 5 Ehpads. Dans cette missive, le syndicat dénonce "un nombre de personnel insuffisant", pose Sandrine Flaugère, membre du bureau de la CGT de l’hôpital d’Uzès, et demande plus de moyens humains. 

Dans les Ehpads, on veut des moyens en plus pour "bien travailler et bien soigner"

Il découle de ce manque de bras "un personnel en souffrance, un manque de reconnaissance et un impact direct sur la qualité des soins", poursuit-elle. La demande du syndicat ? "Bien travailler pour bien soigner", résume Lionel Petit, le secrétaire de la CGT de l’hôpital. Or, "Le Conseil départemental n’augmente pas les financements pour les Ehpads publics", regrette Lionel Petit. 

"Nous finançons l’hébergement, tout ce qui est soins c’est l’Agence régionale de la santé et l’État", répond le vice-président du Département Christophe Serre, qui affirme avoir rencontré les directeurs d’hôpitaux en avril dernier pour évoquer notamment la hausse des prix de l’énergie et globalement des charges pour les établissements. Et sur la partie hébergement, "notre point GIR (qui correspond à la perte d’autonomie d’une personne âgée, ndlr) est déjà au-dessus de la moyenne régionale et nationale".

Reste que le contexte est très tendu depuis la pandémie. "Après le covid, nombreux sont ceux qui ont abandonné ou changé de service, il y a une pénurie d’infirmières et d’aides soignantes, on se rabat sur des ASH (agents des services hospitaliers, ndlr) faisant fonction, mais certains n’ont jamais fait de soins", poursuit Sandrine Flaugère. Parallèlement, "il y a un gros turnover des agents, certains ne restent que trois ou quatre mois", note Lionel Petit. 

Et le problème n’est pas qu’au niveau de la rémunération. "Il y a eu les 183 euros du Ségur. Mais on peut nous donner 2 000 euros, si on est seuls à faire le travail, ce n’est toujours pas possible", affirme l’aide-soignante. Ce qu’il faut ? "Des bras ! Améliorer les conditions de travail, valoriser ce métier", estime Lionel Petit, pour attirer des candidatures et en finir avec le manque de personnel et ses conséquences. "Aujourd’hui, nos conditions de travail nous rendent maltraitants. C’est de la maltraitance institutionnelle", souffle Sandrine Flaugère. 

Corentin Corger, Marie Meunier et Thierry Allard

Corentin Corger

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