Publié il y a 1 an - Mise à jour le 17.10.2022 - anthony-maurin - 5 min  - vu 590 fois

L'INTERVIEW AOC Costières de Nîmes : "Une bouteille est ouverte chaque minute dans le monde"

Fanny Boyer, Bernard Angelras et Aurélie Pujol (Photo Anthony Maurin).

Fanny Boyer, Bernard Angelras et Aurélie Pujol (Photo Anthony Maurin).

Changement d'habitude : l'interview du jour ne sera pas le fait d'une personne, mais de trois qui parlent d'une voix pour l'AOC Costières de Nîmes. Le président, Bernard Angelras, la directrice, Aurélie Pujol et Fanny Molinié-Boyer (château Beaubois) vice-présidente des caves particulières.

Objectif Gard : Qu'est-ce-que l'AOC Costières de Nîmes ?

AOC Costières de Nîmes : L'appellation Costières de Nîmes s'implante sur 3 781 hectares partagés en 73 caves particulières et 11 coopératives ce qui fait du 50-50. Les cépages dits "noirs" comme la Syrah ou le Grenache représentent 90 % des cultures. La majorité de nos vignes ont moins de 30 ans et les 2/3 sont irriguées ou irrigables. Nous sommes la première surface en Vallée du Rhône quand on parle de bio ou biodynamie. Habituellement, le volume récolté est d'environ 158 000 hectolitres. Cette année, il sera plutôt entre 145 000 et 150 000. La demande et la rareté font le prix, mais nous espérons maîtriser ces prix, en tout cas il sera difficile de les baisser à cause des nombreuses crises.

L'heure est donc venue pour le bilan de la récolte 2022 ?

Bilan et projets, c'est la vie d'un syndicat ! Nous vivons le contexte actuel comme tout le monde, c'est compliqué. L'approvisionnement en bouteilles, le marché fluctuant, les soucis sont là mais il faut avancer, résister et courber l'échine. On est comme ça ici ! Nous avons des atouts à valoriser, nous devons même convaincre les plus inquiets de nos ressortissants de venir à l'AOC Costières de Nîmes.

(Photo Anthony Maurin).

Mais l'histoire est plus vieille non ?

Le syndicat des vignerons, qui a changé de nom par la suite pour devenir à la fin l'AOC Costières de Nîmes, fête ses 80 ans cette année et avait été créé par un visionnaire à plus d'un titre, Philippe Lamour. Il concerne 24 communes, préserve et met en valeur terroirs et territoires dont la Clairette de Bellegarde. Il ne faut pas oublier que chaque minute dans le monde, une bouteille des Costières est ouverte !

Comment sera le millésime ?

L'état sanitaire est très bon, la qualité, surtout sur les vins rouges. La récolte a commencé autour du 8 août et s'est achevée le 28 septembre. La situation climatique a été marqué par les extrêmes. La sècheresse et la grêle par exemple, tout ce qu'un viticulteur ne veut pas voir ! Nous subissons, mais ça va. Pour récolter, il a fallu s'organiser afin d'éviter les fortes chaleurs donc la nuit, avec des machines adéquates, nous sommes parvenus à gagner 10°C sur les grappes récoltées, plus fraîches donc de meilleures qualités. Par contre, la quantité et le poids des baies sont en lourde baisse. Nous allons tout de même vers un millésime de haute facture.

(Photo Anthony Maurin).

Et ses particularités ?

On note une belle fraîcheur aromatique, moins d'acidité que l'an passé mais aucune mollesse. Les notes salines, de fruits frais ou exotiques sont là. C'est un peu anormal pour les années de forte chaleur, mais cela veut dire soit que la vigne s'adapte, soit que nous travaillons mieux. Les rouges ont une belle couleur, ils sont soyeux et les arômes retranscrits sont agréables et surprenants. L'équilibre est bon, nous finissons la deuxième fermentation et nous commencerons à assembler et embouteiller entre décembre et janvier.

Où en êtes-vous des ventes ?

En sortie de chais nous sommes à -12 % par rapport à 2021. Nous faisons toujours environ 50 % de rouge, 40 % de rosé et 10 % de blanc, mais ce dernier est appelé à augmenter car nous observons une érosion de la consommation du vin rouge. Notre stock est de 10 mois et a augmenté de 13 %. C'est ce qu'il faut pour pouvoir faire vieillir les vins que l'on désire mais il n'en faut pas plus. Le vrac de rouge se vend 125 euros l'hectolitre, ça monte un peu et c'est rassurant. Le rosé est aussi à 125 euros, mais le blanc à 138 euros l'hectolitre.

Aurélie Pujol (Photo Anthony Maurin).

Et en grandes surfaces ?

Les grandes et moyennes surfaces sont en mutation. Entre septembre 2021 et septembre 2022, on perd 2,8 % mais nous notons un redressement depuis le mois de mai et surtout depuis septembre et ça c'est inhabituel donc rassurant. Attention, il faut pondérer ces chiffres car avec le confinement en 2020 les gens avaient bu plus de vin ! Pour l'export, nous arrivons à bien valoriser nos vins.

Fanny Boyer (Photo Anthony Maurin).

On note la percée à venir des blancs. Pourquoi ?

Les rosés et les blancs sont encore mieux valorisés et nous passons devant Tavel, c'est un vrai signe de la qualité de nos rosés et du travail que l'on réalise depuis des années. Nous incitons les vignerons à se mettre au blanc, c'est une partie de notre avenir, notamment pour l'export. Il faut aussi produire ce que le consommateur veut consommer. Sur la Vallée du Rhône, nous sommes désormais les troisièmes en rosé et les quatrièmes en blanc. Ça fait plaisir, c'est une belle valorisation de notre image, une fierté. Aujourd'hui on estime à 260 hectares cultivés pour des vins blancs, mais potentiellement on peut en faire jusqu'à 700 hectares soit environ 30 000 hectolitres !

Parlons économie... 

Crises écologique, sanitaire, inflation et géopolitique... Trouver un piquet de bois est quasi-impossible, idem pour le fer et si l'on veut palisser ou clôturer c'est dur et très cher ! Heureusement, 70 % de notre volume est labellisé dans divers labels. Nous sommes d'ailleurs parmi les premiers en France et nos efforts d'investissement ne sont pas encore rémunérés, mais on progresse. La Chine importe moins nos vins depuis le Covid, l'inflation va être à 10 % à la fin de l'année si ça continue, et les coûts de production ne cessent de grimper en flèche. Un conteneur pour les USA coûtait il y a trois ans entre 2 000 et 3 000 euros. Nous sommes à plus de 10 000 aujourd'hui ! Un verre de vin aux USA coûte entre 17 et 20 euros alors que c'est notre prix de vente médian d'une bouteille sur place. Tout cela est inquiétant car dans le même temps nous devons continuer notre restructuration, notre adaptation. Avec la guerre aux portes de l'Europe, la rupture de stock de verre fait que la matière première augmente de 30 à 40 % pour l'année prochaine. Et, même si les taxes Trump appliquées l'an passé n'ont pas trop dérangé, les exportations vers les USA sont forcément en baisse.

Avec Patrick Mallet à la communication, l'équipe des Costières est presque au complet (Photo Anthony Maurin).

L'avenir et l'espoir sont-ils encore présents chez vous ?

Notre vignoble est performant car nos structures exploitent les parcelles à moindres coûts du fait de leur taille, petite. Cela nous permet d'avoir un matériel adapté et de continuer à investir pour s'améliorer et être compétitif. De plus, toute une nouvelle génération s'installe depuis dix ans et amène avec elle un souffle nouveau, une autre manière de signifier, de voir les marchés et de faire du marketing. Nous nous installons dans la durée.

Quel sera l'avenir de l'AOC Costières de Nîmes ?

Développer le vignoble en l'adaptant au changement climatique avec au moins 5 % de cépages résistants à la maladie ou à la sécheresse dans le cahier des charges. Notre typicité doit tout de même être respectée ! L'irrigation est une chose complexe... Les apports en eau doivent être limités mais la vigne ne consomme qu'1mm par jour. Nous devons travailler sur la biodiversité pour mieux stocker le carbone dans nos sols, nous devons être leaders en la matière. Nous allons faire évoluer le schéma directeur pour inclure toujours plus d'arbres et d'arbustes, nous allons mettre 500 nichoirs à oiseaux... Nous voulons surtout promouvoir notre travail collectif et l'échange entre les vignerons. Développer les liens qu'ils sont avec le public et mettre en valeur toutes nos actions. Ça ira mieux demain si on ne s'endort pas sur nos lauriers !

Anthony Maurin

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