AU PALAIS « Je veux continuer ma vie avec elle, mais il nous faut une thérapie de couple ! »
Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 30.05.2022 - pierre-havez - 4 min  - vu 4288 fois

AU PALAIS « Je veux continuer ma vie avec elle, mais il nous faut une thérapie de couple ! »

La salle d'audience du tribunal correctionnel de Nîmes. Photo Tony Duret / Objectif Gard

Malgré un impressionnant œil au beurre noir, Stéphanie* s’avance dignement à la barre du tribunal judiciaire de Nîmes, mardi 24 mai. Au cours du week-end, une violente dispute a de nouveau éclaté avec son ex.

Pour une banale histoire d’eau pour le chien, le ton monte entre le couple séparé, dans leur maison. Son ancien compagnon, Richard s’énerve, balance du linge par terre et un des livres de Stéphanie dans la piscine, tandis que cette dernière jette en retour les ordinateurs de travail et la collection de char d’assaut de Richard par la fenêtre, provoquant la fureur de celui-ci.

« Certaines ecchymoses correspondent peut être à sa chute.… »

Le certificat des blessures de Stéphanie établi par le médecin légiste fait état d’une multitude d’ecchymoses et de griffures sur le front, sous l’œil, sur la tempe, la joue droite, la lèvre inférieure, les côtes, le sein droit ou les avant-bras. Mais dans le box des détenus du tribunal, le grand costaud reconnait un seul coup, « main ouverte », ainsi que des insultes. « J’ai bien porté un coup au visage de ma compagne. Mais les coups sur les autres parties du corps, je ne peux pas les expliquer, car je ne m’en souviens pas bien, minimise-t-il. Je suis surpris par tout ça… Pendant l’altercation, elle est tombée, certaines ecchymoses correspondent peut être à sa chute.… »

Le président lève un sourcil, puis énumère lentement les coups observés sur le corps de sa victime. « C’est un véritable déchainement suivi d’un deuxième épisode de violence », rétorque Jean-Michel Perez. « Je me suis très emporté, oui monsieur le juge, admet encore Richard du bout des lèvres. Puis, je suis parti voir un ami qui est dans la police municipale. C’est lui qui m’a conseillé de rentrer dormir sur le canapé. Mais quand je suis revenu et que l’alarme a sonné, elle est descendue en furie pour me demander de partir. Ensuite, je l’ai vu discuter dehors avec des gens. C’est là que je suis parti directement à la gendarmerie. »

« Ce n’est pas excusable, mais… »

« Je n’étais pas du tout en furie, je lui ai simplement demandé de quitter la maison, mais il a appelé sa mère, puis il s’est de nouveau montré violent », précise Stéphanie. Le juge se tourne de nouveau vers l’ex violent. « Il y a eu une deuxième série de coups à ce moment-là ? », insiste-t-il. Mais le quadragénaire nie encore. « Non, j’ai dit des mots, mais je ne lui ai pas porté de coups », assure-t-il.

Le président demande à Stéphanie ce qui a pu pousser Richard à un tel déferlement de coups. Celle-ci fait preuve d’une étonnante compréhension. « Je pense qu’il était à bout. Il avait fait de nombreuses heures supplémentaires. Puis, le juge des affaires familiales avait statué le jeudi sur le droit de visite de ses filles qui ne voulaient plus le voir. Une assistante sociale était ensuite venue à la maison et il venait de recevoir un appel de la conseillère d’insertion et de probation concernant l’interdiction de se voir. Il ne m’a pas tout dit, mais j’ai senti qu’il m’en voulait. Ce n’est pas excusable, mais… », lâche-t-elle.

« Vous risquez un jour d’y laisser votre peau »

Richard avait déjà été condamné pour des violences sur Stéphanie en août 2021. Depuis, le couple continuait à vivre ensemble, malgré une interdiction d’entrer en contact. « C’est la deuxième fois. Clairement, vous risquez un jour d’y laisser votre peau. Le certificat fait deux pages ! De multiples coups ont été donnés… », s’inquiète Jean-Michel Perez.

Alors que Stéphanie semble hésitante sur leur avenir commun, Richard se montre plus clair. « Oui, je veux continuer ma vie avec elle, car je l’aime énormément. Mais il nous faut une thérapie de couple et une désintoxication totale à l’alcool, assure l’ancien garagiste. Je suis prêt à continuer à voir le Spip, et à porter un bracelet électronique et ou un dispositif antidémarrage sur ma voiture, pour prouver ma bonne foi ! »

« Au front, où il a vu des choses difficiles »

Le juge le coupe sévèrement. « Sauf qu’en général, après des avertissements, la justice sort le bâton, vous savez ! », réplique-t-il. Le grand costaud pleure dans le box des détenus, alors que le procureur Vincent Edel réclame un an ferme et un an avec sursis à son encontre. Son avocate tente de réduire cette peine. « Il a été militaire pendant onze ans, au front, où il a vu des choses difficiles à assimiler, justifie Laurence Aguilar. Elle ne sait pas trop où elle en est avec lui. Mais il fait des efforts. Cette rupture sera difficile à gérer sur le plan du cœur. Il aura besoin d’un suivi. Mais il ne doit pas aller en détention. Il faut privilégier son insertion sociale. »

Richard est condamné à un total de 2 ans d’emprisonnement, dont un avec sursis. La partie ferme sera donc aménageable, sous la forme d’un placement au sein de l’association la Cordée, où il sera logé et bénéficiera d’un suivi psychologique, mais pourra continuer à travailler. Pendant cette période, le couple aura de nouveau l’interdiction de se voir.

* Les prénoms ont été modifiés

Pierre Havez

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