Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 09.03.2022 - pierre-havez - 3 min  - vu 6084 fois

AU PALAIS « Lui donner une leçon de tennis, le sexe en érection, ça vous paraît normal ? »

(Photo d'illustration : Anthony Maurin)

Bernard, 70 ans est soupçonné d’agressions sexuelles sur Leila, 20 ans. Après lui avoir proposé des ménages chez lui, il finit par se frotter à elle en lui donnant une leçon de tennis improvisée, en slip.

L’ancien professeur de tennis jure qu’il s’agissait de jeux sexuels partagés, tandis que la jeune fille l’accuse d’attouchements déplacés, ce 1er octobre 2019, à Nîmes. « On s’est rencontré dans le train, la veille. Elle m’a confié en avoir marre d’être sifflée dans la rue. La conversation a rapidement dévié vers le sexe. Ensuite, on a fait des jeux ludiques et érotiques chez moi durant trois heures. À aucun moment, elle n’a fait mine de vouloir partir, au contraire, elle a participé. Et moi, je me retrouve en garde-à-vue, c’est aberrant ! », explique à la barre, le septuagénaire au look sportif.

Revers et rouge à lèvre

Le président rembobine le film. « Au départ, vous lui avez proposé de venir faire le ménage chez vous, donc on est plutôt sur une proposition professionnelle précise. Elle a nettoyé quelque chose dans l’appartement ? », s’enquiert Jean-Pierre Bandiera. Le prévenu fait non de la tête. « Alors, vous avez immédiatement enchaîné sur les jeux érotiques ? », embraye le juge. Le retraité approuve. « Oui, elle a refusé un verre de Crémant, mais je n’ai pas eu besoin d’insister pour les jeux…, répond-il avec gourmandise. Ensuite on a parlé de tennis et je lui ai proposé de lui apprendre. »

Le juge l’interrompt. « Ce sont des leçons assez particulières car vous vous êtes mis en slip pour lui montrer comment frapper la balle », observe Jean-Pierre Bandiera. Mais le prévenu ne se cache pas. « C’était un prétexte, un jeu érotique partagé, explique-t-il, calmement. Mais je n’ai jamais forcé qui que ce soit ! » Le septuagénaire mime alors le geste d’un coup droit, et décrit comment, en débutant son mouvement, la jeune fille aurait posé sa main sur ses parties… « Jouer un coup droit le sexe en érection, ça vous paraît normal à vous ? », s’étonne encore le président. Et votre sexe contre ses fesses, c’est le revers lifté ? Je vous rappelle qu’elle a fini par vous donner un coup de coude pour repousser vos avances… » « Non, ce n’est pas vrai. Elle a participé, elle a essayé une veste, des vêtements, mis du rouge à lèvre », reprend, incrédule, le retraité.

Faillite et GIGN

Le septuagénaire se révèle pourtant moins innocent qu’il n’y paraît. Déjà visé par deux anciennes accusations de viol, qui n’ont pas abouti, il semble avoir perdu pied depuis la faillite de son entreprise de réparations de bateau, un divorce retentissant et la perte de son autorité parentale sur sa fille, dont il ne s’est jamais remis. En 2012, il s’était barricadé chez lui, à Nîmes, menaçant de tout faire sauter pour parler au procureur, jusqu’à l’intervention du GIGN. La psychologue décrit un homme « dépressif et paranoïaque ».

« Vous abordez souvent des jeunes femmes dans la rue pour que cela se termine en relations sexuelles chez vous ? », lui demande le juge. L’ancien chef d’entreprise ne se dérobe pas. « Oui, quelques fois, en général pour dix ou quinze euros », admet-il. Le juge écarquille les yeux. « À ce prix-là, il vaut mieux faire le ménage alors, c’est mieux payé ! », réagit-il. « Ça dépend des goûts ! », rétorque Bernard.

« Un stratagème bien rôdé »

« C’est un stratagème bien rodé dans le but d’attirer dans ses griffes et dans son appartement des jeunes femmes vulnérables, en tout cas sur le plan financier, résume la procureur Estelle Meyer. Le ménage, le tennis, le Crémant : ce sont des prétextes à l’agression sexuelle. Ses voisins confirment qu’il a des problèmes d’ordre sexuel et qu’il a l’habitude de s'exhiber, malgré leurs plaintes. » Elle requiert à son encontre 8 mois d’emprisonnement avec sursis, une obligation de soins psychiatriques et son inscription au Fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais).

L’avocat du prévenu laisse entrevoir un léger embarras. « Je suis désolé de devoir plaider ainsi le jour de la Journée internationale des droits des femmes, mais ici, on ne sanctionne pas la morale, commence Farid Faryssy. Elle dit avoir accepté de l’argent pour du ménage, mais l’état de son appartement, jonché de slips sales, prouve qu’il n’en n’est rien ! Elle savait très bien ce qui allait se passer et c’est bien elle qui a appuyé sa main sur son entrejambe. Les jeux ont été partagés : elle se met du rouge à lèvre et se frotte à lui. Les doutes sont trop nombreux… » Le juge suit pourtant l’avis de la procureur et le condamne à 8 mois avec sursis, assorti d’une obligation de soins et son inscription au Fijais.

Pierre Havez

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