Publié il y a 26 jours - Mise à jour le 23.05.2025 - Thierry Allard - 3 min  - vu 536 fois

BAGNOLS/CÈZE Le Mémorial Harkis se profile avec un travail d’historiens sur les femmes

L'historienne Fatima Besnaci-Lancou, ce jeudi à Bagnols

- Thierry Allard

Ce jeudi, le domaine du Val de Cèze, à Bagnols, accueillait une journée d’étude animée par le conseil scientifique et culturel du futur Mémorial Harkis, porté par l’Agglomération du Gard rhodanien. Avec un thème : la femme.

Attendu de longue date sur le site de l’ancien camp de Saint-Maurice-l’Ardoise, à Laudun-l'Ardoise et Saint-Laurent-des-Arbres, le Mémorial Harkis avance. Le président de l’Agglomération, Jean-Christian Rey, profitera de l’événement pour faire le point sur le projet, dont « le concours de maîtrise d’œuvre est lancé, nous aurons entre trois et sept candidats retenus pendant l’été », pose-t-il. Les esquisses sont attendues « d’ici l’automne », précise-t-il, avant un début de travaux « début 2027 ». Un projet à 4 millions d’euros, pour lequel il reste encore à boucler le tour de table financier.

Mais plus que des murs, le Mémorial « s’appuie sur un travail d’historiens », souligne le président. Des historiens présents ce jeudi, à commencer par Benoît Falaize, président du conseil pédagogique du Mémorial du camp de Rivesaltes. L’historien a mené un intéressant travail sur les manuels scolaires, traduction des programmes scolaires, symbole de l’invisibilisation de la mémoire Harki pendant longtemps.

Ainsi, « la mémoire et l’histoire des Harkis est absente des manuels avant 1983 », expose-t-il, soit 21 ans après la fin de la guerre d’Algérie. Durant ces deux décennies, « le mot Harki n’est écrit que sept fois, quand la mémoire des Pieds-noirs est largement documentée », poursuit l’historien. À partir de 1983, les choses changent à la faveur « d’une nouvelle génération d’auteurs de manuels », et les Harkis ont désormais une place dans les manuels scolaires. Mais « jusqu’à 1998, il n’y a aucune photo, aucun témoignage, ils sont juste cités », remarque Benoît Falaize.

Les choses évoluent et « à partir de 2012, les programmes sont beaucoup plus clairs », avec notamment l’apparition progressive de témoignages, mais aussi de la complexité du conflit. Reste un angle mort : les femmes, « jamais citées », alors que « dans l’histoire du mouvement ouvrier, on a les femmes, sur Vichy aussi, avec la politique nataliste », relève l’historien. Mais sur les femmes dans l’histoire Harkie, rien.

Des parcours de femmes

Des femmes qui « ne sont pas toutes des épouses, il s’agit parfois de la mère, de la soeur, des filles de plus de 16 ans, d'une tante ou encore des femmes enrôlées dans l’armée française, qu’on appelle des Harkettes », pose Fatima Besnaci-Lancou, historienne et présidente du Conseil scientifique et culturel du Mémorial de Saint-Maurice. Des femmes dont on ne sait pas grand-chose du quotidien, tant « elles avaient des choses à dire, mais ne se sont pas senties légitimes », estime l’historienne.

Derrière elle, une galerie de portraits de femmes est projetée. On y retrouve Oumelkheir Ferroudj, mètre et tante de Harkis, qui quitte l’Algérie en 1964 pour les rejoindre et transite, seule, par le camp de Rivesaltes. Abila Toualbia, sœur de Harki, passée par Saint-Maurice avant d’être logée avec sa famille dans une prison, à Cognac. Achoura Slimani, épouse de Harki, qui choisira son mari et ses cinq enfants à sa famille indépendantiste, passée par Rivesaltes. Zohra Marès, dont le témoignage bat en brèche l’idée reçue selon laquelle les Harkis étaient bien traités par l’OAS, opposée aux indépendantistes. Abassia Dargaid, passée par Rivesaltes où elle perdra deux frères. Yamina Beldjilali, épouse de Harki et elle-même Harkette. Et enfin Titem, orpheline qui servira dans l’armée française, plus précisément dans une section administrative spécialisée en Kabylie, ce qui lui vaudra des menaces de mort et un passage par les camps en France.

Autant de parcours qui présentent la diversité du rôle des femmes dans cette période longtemps occultée. Une mémoire qui refait surface, comme à Lodève (Hérault) au cours de l’année dernière, avec l’exposition « Les Courageuses », pour commémorer le 60ᵉ anniversaire de la présence de la communauté Harkie dans la ville. « L’événement a été fédérateur, ce n’était pas seulement des Harkis qui parlent aux Harkis », affirme Fadelha Benammar-Koly, vice-présidente de la Communauté de communes de Lodève, organisatrice de l’événement avec l’association Mémoires Méditerranée.

Un travail qui laissera des traces, puisqu’une partie sera intégrée au parcours du Mémorial de Rivesaltes, et un documentaire, une exposition et un livre sont en projet. Et le Mémorial de Saint-Maurice dans tout ça ? « C’est un lieu privilégié de l’incarnation des témoins », estime l’historien Didier Lavrut, pour « donner aux femmes la visibilité dont elles ont été privées. »

Thierry Allard

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