« C’est une fierté, oui, mais ce n’est qu’un début. Je suis encore dans le monde amateur », glisse un Romann Laroudie presque gêné, lorsqu’on lui rappelle qu’il est l’un des meilleurs espoirs français dans sa discipline. « Mon objectif, c’est de passer pro et de prouver que je ne suis pas une erreur. »

Le ton est posé, presque modeste. Mais derrière les mots, il y a une volonté tenace. Celle d’un jeune homme qui a fait du ring son terrain de vérité.

Un sacre en Thaïlande, deux KO et une étape franchie

C’est à Bangkok, au mois d’avril, que Romann a conquis la Coupe du monde WAKO. Une compétition qu’il a dominée avec autorité, enchaînant deux victoires par KO. « J’étais très satisfait de ma prestation. Tous les gestes qui m’ont permis de l’emporter, ce sont des techniques qu’on avait répétées à l’infini à l’entraînement. »

Mais cette victoire, il ne la doit pas qu’à son talent. Elle est aussi le fruit d’une organisation rigoureuse. Lui et l’équipe étaient arrivés deux semaines avant le tournoi pour s’adapter au décalage horaire et à la chaleur étouffante du pays. « Le jetlag, ça a été. C’est surtout l’humidité qui était difficile à gérer. Et comme je devais perdre du poids, c’était encore plus compliqué. Mais j’ai tenu. »

Il se souvient aussi de l’envers du décor : les chambres partagées, les entraînements collectifs, les briefings d’équipe. « On était deux par chambre, donc pas de place pour la dispersion. Et chaque jour, on se rappelait pourquoi on était là. » Un esprit collectif qui n’est pas sans rappeler l’ambiance du club alésien, son ancrage de toujours.

Alès, le cœur du projet

« Je suis très attaché à mon club, au Full Contact. Depuis le début, ce sont les mêmes entraîneurs, les mêmes visages. » Romann évoque son équipe comme une famille. « Ils me conseillent, ils me freinent quand il faut, ils trouvent mes combats. Et même quand je suis épuisé, ils savent trouver les bons mots pour me remettre sur les rails. »

Ses coachs, qui sont Élian Nouvel et Bernard Laroudie, sont là depuis le début avec lui, ce dernier en plus n’est autre que son oncle. Il se souvient parfaitement de ses débuts, vers 11 ou 12 ans : « Il venait du foot, mais il a tout de suite montré des qualités naturelles. Un vrai coup d’œil, un sens du rythme, une intuition du combat. » Aujourd’hui, il constate une progression constante, notamment sur le plan technico-tactique. « On a beaucoup bossé les notions de distance, d’attaque et de contre-attaque. Et il est aussi performant à l’entraînement qu’en compétition, ce qui est rare. »

La dimension familiale est partout. Son père, Franck, veille au bon déroulement de sa préparation, coordonne ses plannings et participe aux grandes décisions. « Je ne suis pas son préparateur physique à proprement parler, mais je suis un peu son manager dans l’ombre. Je l’accompagne, je coordonne les phases de préparation, je l’oriente sans jamais lui imposer. »

Une implication qui reste avant tout paternelle. « Moi, je me fais plaisir en le suivant. C’est une aventure familiale. On regarde les combats ensemble, on débriefe. On vit le truc à fond. » Et quand la question du passage chez les pros se pose, tout le monde est consulté. « On va prendre notre temps. Il est peut-être encore un peu jeune, son poids n’est pas stabilisé. Il est plus proche des 80 kg que des 71 kg. Alors on envisage de rester en classe A encore une saison, peut-être en -75 kg. »

Une vie rythmée par la boxe… et les sacrifices

Depuis trois ans, Romann n’a pas connu de vraies vacances. « Cet été, j’ai décidé de souffler un peu. J’avais une blessure au pied, des entorses à répétition à l’orteil. Il fallait que je récupère. Mais je continue de m’entraîner, deux fois par jour, cinq jours par semaine. »

S’il jongle entre full contact, K1 et boxe anglaise, ce n’est pas pour le fun, mais pour s’améliorer. « La boxe anglaise, c’est magnifique. C’est une discipline qui te rend plus précis, plus technique. Ça m’aide à progresser. » Et même si le rythme de compétition est soutenu — entre 15 et 20 combats par an — il garde le cap. « Parfois, j’ai juste besoin de souffler. Mais l’envie est toujours là. »

Mental, entourage et ambition

Ce qui frappe chez Romann, c’est son mental. Une solidité saluée par tous ceux qui l’entourent. « Il a un mental exceptionnel », insiste son père. « Il ne se laisse jamais abattre. C’est un compétiteur né. » Et lorsqu’on lui demande ce qui le motive au quotidien, la réponse est simple : « Mon entourage. Ma famille, mes amis. Ils me soutiennent. Et ils comprennent. Ils savent que sortir jusqu’à pas d’heure, ce n’est pas compatible avec ce que je veux faire. »

Son coach renchérit : « C’est un jeune humble, sociable, bien dans ses baskets. Il a besoin de bouger, il a beaucoup d’énergie, mais il sait aussi se poser quand il faut. » Et sur le ring, il apprend encore. Il cite deux adversaires marquants : un certain Pavel Zanet, affronté deux fois et un Ukrainien très technique en demi-finale des championnats du monde. « Ce combat-là m’a marqué. J’ai battu un gars bien meilleur que moi. C’est là que j’ai compris que j’avais ma place. »

Objectif Abu Dhabi

Pour la saison à venir, Romann vise haut. « Les championnats du monde, en novembre, à Abu Dhabi. J’espère être sélectionné par l’équipe de France. On verra si ce sera en -71 kg ou -75 kg, selon les besoins. »

Et quand on l’interroge sur l’avenir, il répond avec lucidité : « Pour l’instant, je suis concentré sur la boxe. C’est ma passion, pas encore mon métier. Mais je veux en vivre. Je verrai plus tard ce que je fais à côté. »

Quand on lui demande un conseil à donner aux jeunes qui, comme lui, rêvent de briller un jour, il en sourit. « La progression, c’est lent. Il faut rester patient. Mais le jour où l’opportunité arrive, il faut être prêt. Et la saisir. C’est là que tout commence. »