Hier encore, les comédiens du Off arpentaient les rues étroites et brûlantes de la Cité papale, tractant aux terrasses des cafés de la place Pie et des autres, afin d’attirer le spectateur. Ce samedi 5 juillet, Avignon a ouvert le rideau du plus grand festival de théâtre au monde, avec In et Off en mode On, alignés pour la première fois sur les mêmes dates. C’est inédit !

Et puis, de l'autre côté du Rhône, il y a Villeneuve en scène, dont la programmation n'a rien à envier à sa voisine, la Cité papale. Ainsi, sur les bords du Rhône, juste en face du Palais des Papes, 11 compagnies proposent 11 spectacles. Découvrez notre sélection.

Entre chiens et loups : la quête du centaure

Avec Entre chiens et loups, Camille et Manolo poursuivent leur rêve de toujours  qui est de faire naître sur scène cette créature impossible, le centaure, mi-homme mi-cheval, fusion vivante entre l’humain et l’animal. Depuis plus de trente-cinq ans, la compagnie qu’ils ont fondée travaille à cette utopie  qui est d'abolir les frontières, inventer un nouveau langage, tisser des liens entre les humains, entre les espèces.

Créé spécialement pour le plein air, ce spectacle chorégraphique est un poème dansé à la lisière du jour et de la nuit, entre le domestique et le sauvage. Sur le plateau : quatre chevaux noirs ibériques et frisons, deux cavaliers-danseurs, un homme et une femme, et un piano à queue, et à trois pattes. Agathe joue en direct une partition écrite et improvisée. Elle épouse la tension des corps, les mouvements de l’animal, qui peut lui aussi initier la musique.

Le piano noir lui-même, avec ses courbes, ses pattes et sa robe sombre, est cheval. La présence animale, plantée en pleine nature gardoise, au bord du Rhône, fait une proposition poétique et politique. Entre chiens et loups est aussi le fruit d’une démarche de vie. Les artistes vivent avec leurs chevaux à Marseille, aux portes des Calanques, travaillent la voltige, le dressage, la liberté comme vocabulaire qui promeut un théâtre du lien.

Manolo et Camille cherchent l'équilibre, la fusion avec le vivant. « C'est une quête qui nous dépasse, mais on la tente ensemble, sans poser de frontières, en faisant des ponts entre le sauvage et le domestique, entre le jour et la nuit, en lumière naturelle. Poser un crottin dans un théâtre, ça raconte beaucoup », confie Manolo, qui fera bientôt entrer le centaure dans les théâtres français, puisque 90 représentations sont déjà programmées autour de l'hexagone.

Informations pratiques

Dates : du 8 au 19 juillet 2025 (relâche le 14 juillet) / Horaire : 20h / Durée : 1h / Public : tout public/ Tarif : Tarif A (8 à 20 €)/ Lieu : Verger – Plein air / Création : Camille Decourtye et Manolo Bez / Musique live : Piano à queue, joué par Agathe Di Piro / Chant et musique additionnelle : Walid Ben Selim

Henriette ou la fabrique des folles

« De 1930 à 1970, Henriette a été enfermée dans l’asile d’aliénés de Montperrin à Aix-en-Provence. C’est mon arrière-grand-mère. Je vous invite à sa libération. »

Ainsi s’ouvre Henriette ou la fabrique des folles, une plongée sensorielle et sans fard dans quarante-six ans d’internement, conçue et jouée par Cyrille Atlan. Sur scène, la parole surgit, fragments de lettres retrouvées, comptes rendus médicaux, vieux français, langue réinventée et poétique. Le spectateur est invité à tendre l’oreille, à se laisser happer par la densité des mots et la vérité nue qu’ils portent.

Dans un théâtre de poupées et de chiffons éclairé à la lampe de poche, on découvre cette femme internée pour « oppositionnisme et négativisme », laissée indigente, sans aucune possibilité d'en sortir malgré les efforts de sa grand-mère. Cyrille Atlan refuse ainsi la sacralisation du texte pour en préserver la rudesse et la franchise.

Elle porte la voix d’Henriette telle qu’elle était avec ses mots, brute, franche, entrecoupée de silences, d’ombres, de voiles, comme ces tissus anciens récupérés dans les greniers qui rappellent que sa grand-mère cousait des robes de mariée à Alger. Le final promet d'être bouleversant.

Informations pratiques

Dates : du 8 au 20 juillet 2025 (relâche le 14 juillet) / Horaire : 22h/ Durée : 1h15 / Âge conseillé : à partir de 14 ans / Lieu : La Chartreuse – Plein air (Villeneuve-lez-Avignon) / Genre : Théâtre musical / Auteur et interprète : Cyrille Atlan
 

Solstice : la poésie du mouvement et du déséquilibre

Avec Solstice, le chorégraphe Yan Raballand et la Compagnie Contrepoint invitent le public à explorer l’ivresse du déséquilibre, la synchronisation délicate et la poésie des corps en mouvement. Ce spectacle de danse-cirque en plein air met en scène cinq interprètes. Deux acrobates-danseurs, deux grandes roues Tyr, ces agrès circulaires, spectaculaires et exigeants, et un musicien.

Raballand, danseur et chorégraphe déjà venu à Avignon avec un spectacle de grandes marionnettes, aime s’aventurer sur des terrains inconnus. Il s’amuse ici à creuser un rapport sensible à l’équilibre et à la rotation, en créant un format spécifiquement pensé pour le plateau. Sur le sol qui résonne sous leurs appuis, les artistes développent un langage commun fait de poussées dosées, de synchronisations précises et de rencontres chorégraphiées.

Les roues Tyr, lourdes de seize kilos chacune, possèdent presque leur propre autonomie. Il faut les lancer, jouer avec leur inertie, composer avec leur mouvement pour créer des figures fluides ou abruptes, des rotations lentes ou rapides. Le spectacle n’impose pas de narration, mais suit une dramaturgie abstraite, une progression organique qui évoque le cycle du solstice : le jour le plus long, la nuit la plus courte, les équilibres fragiles et les basculements.

Accompagnés en direct par le violoncelliste Guillaume Bongiraud, les interprètes dialoguent avec la musique live qui ponctue et soutient leurs explorations physiques dans une performance éclair impressionnante.

Informations pratiques

Dates : du 8 au 20 juillet 2025 (relâche le 14 juillet) / Horaire : 19h / Durée : 30 min / Âge conseillé : à partir de 7 ans / Lieu : Cloître de la collégiale – Plein air / Chorégraphe : Yan Raballand / Musique live : Guillaume Bongiraud (violoncelle)

Camera Obscura

Camera Obscura est une séance de cinéma unique, sans électricité, jouée et montée en direct grâce à la seule lumière du jour, dans une remorque ventilée. La compagnie Nokill invite le public à s’installer dans une remorque transformée en véritable chambre noire comme un appareil photo, afin d'assister à la projection d’un film fabriqué en temps réel à l’extérieur.

Les images sont projetées grâce à un ingénieux dispositif optique fait de lentilles et de miroirs, donnant à cette projection un caractère presque magique. Les sons et la musique sont produits et interprétés en direct, sur des instruments acoustiques et mécaniques. Entre prises de vue réelles et animation artisanale, ces saynètes proposent des visions absurdes et sensibles de ce que pourrait être demain.

Une expérience immersive où deux comédiens orchestrent l’illusion d’un film sans aucune technologie numérique, jouant sur l’envers du décor et la magie pure de l’image projetée.

Informations pratiques

Du 8 Au 19 juillet / Relâche le 14 juillet / 18h/ Spectacle immersif / 45 min / Tout public/ Verger. Dans la remorque (21 places assises) Compagnie Nokill / Lucile Balezeaux, Léon Lenclos, Bertrand Lenclos

>> Retrouvez ici le zoom sur 3 autres spectacles

Le programme complet ici