Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 25.11.2021 - marie-meunier - 5 min  - vu 3815 fois

FAIT DU JOUR Chaudière au fioul : vers la disparition ou la réinvention ?

Cela fait 40 ans que la société Jonquet & fils existe à Remoulins. L'activité est dédiée à la vente de fioul, gasoil, GNR mais aussi au nettoyage de cuves, au ramonage, à la vente d'AD Blue... (Marie Meunier / Objectif Gard)

Installer une chaudière au fioul neuve sera interdit à compter de juillet 2022. Initialement prévu en janvier, le décret a été repoussé de quelques mois. L'échéance approchant et le thermomètre dégringolant, certains usagers réfléchissent à changer leur mode de chauffage.

La pompe à chaleur a le vent en poupe. D'autant que des aides gouvernementales sont mises en place pour accompagner cette transition. "C'est vrai qu'on a beaucoup de demandes d'installation de pompes à chaleur depuis. Avant on faisait un à deux rendez-vous par semaine, maintenant c'est plutôt trois ou quatre. En un an et demi, on a quasiment doublé", atteste Martial Garcia qui dirige la société Enéo à Laudun-l'Ardoise. Si ce mode de chauffage a autant la cote, c'est aussi parce que la chaudière au fioul n'a pas les faveurs du Gouvernement.

Au point qu'au 1er juillet 2022, il sera désormais interdit d'installer une chaudière fioul neuve dans son logement. En cas de panne irréparable, il ne sera pas non plus possible de la remplacer par une nouvelle. Alors que les chaudières ont une durée de vie moyenne de 15 à 25 ans, certains foyers se posent la question de passer à un autre mode de chauffage, notamment la pompe à chaleur. "Elle permet de réduire son empreinte carbone, d'être un peu plus écologique. Avec les systèmes air-air, 70% de la chaleur est produite grâce aux calories captées dans l'air", affirme Martial Garcia.

Le prix du fioul soumis aux oscillations du marché

Généralement plus chère à l'installation qu'une chaudière à fioul, l'État veut inciter les Français à franchir le pas en proposant des aides financières pour l'installer. Le fioul n'est pas non plus favorisé par la conjoncture actuelle. Avec un tarif moyen autour de 0,70€ le litre d'habitude, les prix s'envolent cette année et dépassent les 1€/L. Cela fait bien les affaires des installateurs de pompes à chaleur et des fournisseurs de bois et granulés.

Lionel Jonquet et son père sont inquiets quant à l'application de ce décret interdisant l'installation de nouvelles chaudières fioul dès juillet prochain. (Marie Meunier / Objectif Gard)

En revanche, pour la filière des chauffages à énergie fossile, les temps sont compliqués. Cela fait 40 ans que la société Jonquet & fils existe à Remoulins. L'activité est dédiée à la vente de fioul, gasoil, GNR mais aussi au nettoyage de cuves, au ramonage, à la vente d'AD Blue... Lionel Jonquet déplore le "vent de panique" attisé par certains titres qui laissent entendre que la chaudière fioul va disparaître. "La livraison de fioul représente 40% de mon activité entre l'agricole, le BTP et les particuliers. Ceux qui se chauffent au fioul sont généralement très attachés à ce type de chauffage", estime-t-il.

68% des utilisateurs de fioul ne souhaitent pas changer de mode de chauffage

En France, 4 millions de foyers se chauffent au fioul, principalement dans les zones rurales. La FF3C (Fédération française des combustibles, carburants et chauffage) a commandé une enquête à OpinionWay il y a quelques mois. Il en ressort que 68% des utilisateurs de fioul ne souhaitent pas changer de mode de chauffage et que 64% trouvent qu'il procure une chaleur confortable.

C'est le cas de Christian, septuagénaire qui habite le Grand Avignon, qui ne changerait sa chaudière pour rien au monde. "Elle marche très bien. Je ne songe absolument pas à la remplacer sur les bons conseils de mon plombier. Et puis pour changer, il faut avoir des ronds (sic) car tout le monde n'est pas éligible aux aides", assure cet habitant. Il ajoute : "C'est vrai qu'en ce moment le litre est un peu plus cher mais depuis une semaine, j'ai vu que le baril se stabilise. En janvier-février, il baissera à nouveau. Mais pour l'instant, si on compare avec le bois, le gaz et l'électricité, c'est quand même ce qu'il y a de moins cher ! On mettra une pompe à chaleur si on nous l'offre. C'est toujours punitif cette écologie."

Lionel Jonquet est lui aussi convaincu des qualités de la chaudière fioul : "Le fioul est pratique dans les campagnes où il n'y a pas toujours de réseau gaz. En plus, au niveau de la consommation en électricité, c'est que dalle par rapport à une pompe à chaleur. En cas de grand froid, c'est plus efficace." Ce dernier regrette : "Ce décret va impacter plusieurs corps de métier : les fabricants de chaudières, les installateurs, les réparateurs, les fournisseurs de fioul..."

Le député de la troisième circonscription du Gard Anthony Cellier (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Reste que le fioul est polluant, comme le rappelle Anthony Cellier, député de la 3e circonscription du Gard et président du Conseil supérieur de l'énergie : "En arrêtant l'installation de nouvelles chaudières au fioul, on limite la production de nouveaux gaz à effet de serre et on se détache de notre dépendance aux énergies fossiles. Surtout qu'il existe d'autres alternatives et que les 3/4 des installateurs de chaudières sont pluridisciplinaires." Cette décision vient aussi répondre, selon lui, "aux enjeux climatiques majeurs" et contribue à l'objectif de la neutralité carbone en 2050.

C'est bien cet argument environnemental qui a décidé il y a quelques mois l'Angloise Marcelle, à changer de mode de chauffage. "Ma chaudière était vieille et je pense à ma planète ! La pompe à chaleur, c'est plus écolo. L'hiver, j'ai le chauffage au sol, l'été, le plancher rafraîchissant", se réjouit-elle. "J'ai pu toucher une aide de quasiment 3 000€ sur une facture de presque 13 000€. Pour cela, j'ai fait un crédit qui est à taux zéro."

Le biofioul, le nouvel eldorado de la filière ?

Pour ceux qui n'ont pas envie de troquer leur chaudière, il existe peut-être une alternative un peu moins polluante : le biofioul. La filière mise beaucoup sur ce liquide plus vertueux composé de fioul domestique mélangé à du colza. "L'incorporation de 30% de colza permet de passer sous la barre des 250 CO2e/kWh PCI de rejet", indique Lionel Jonquet. Mais pour l'instant, le biofioul n'en est qu'à ses balbutiements. Selon les résultats de l'enquête OpinionWay, 76% des détenteurs de chaudières seraient prêts à l'adopter en remplacement. Avec plus ou moins d'enthousiasme et pour beaucoup, en espérant ne payer pas plus cher.

Pour le député, l'alternative n'est pas la bonne et ne résout pas entièrement le problème. "Il faut qu'on change notre rapport à l'énergie. Qu'on se tourne vers une énergie plus décarbonée, déroule le parlementaire. Ce n'est pas une mince affaire quand on sait que plus de 63% est encore issue des énergies fossiles. Il faut un meilleur mix électrique entre le parc nucléaire existant, celui à venir et le renouvelable."

Des aides pour changer de chauffage oui, des aides pour isoler sa maison aussi

On va donc vers du chauffage électrique, des voitures électriques... Mais a-t-on réellement les capacités en France d'alimenter cette consommation supplémentaire ? D'alimenter ces foyers qui vont délaisser la chaudière au fioul ? Ne risque-t-on pas de se retrouver en panne cet hiver si la demande est trop forte ?

Sur ce point, Anthony Cellier se veut rassurant : "L'année dernière dans les médias on pouvait lire qu'on était passé ric-rac. Mais tout est très bien pensé pour éviter les phénomènes de black-out. On a d'autres sources de production d'énergie - des centrales à gaz - auxquelles on peut faire appel. On exporte chaque année 50 GW qu'on peut reprendre [...]"

Alors si vous avez envie de changer de mode de chauffage pour un système moins polluant, c'est bien. Mais n'oubliez pas de vérifier aussi que votre habitation est bien isolée. Parce que chauffer une "passoire thermique", ce n'est pas bon pour le porte-monnaie et ça pousse à surconsommer. Des aides à la rénovation sont aussi mises en place par l'État pour ces travaux.

Marie Meunier

Marie Meunier

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