Publié il y a 4 h - Mise à jour le 22.05.2025 - François Desmeures - 5 min  - vu 836 fois

FAIT DU JOUR Sur le barrage de Sainte-Cécile-d'Andorge, un chantier "d'envergure mondiale" est lancé

Le site du chantier en cours d'installation, en aval rive droite du barrage de Sainte-Cécile-d'Andorge

- François Desmeures

La base de chantier est en cours de construction, mais les grands travaux ont déjà débuté. Imposés par le changement de réglementation, les travaux de renforcement du barrage de Sainte-Cécile-d'Andorge ont nécessité des années d'étude, d'hypothèses et de négociation pour aboutir au projet qui est en train d'être mis en œuvre. Le barrage sera d'abord sécurisé à la base, avant d'être démonté par le haut pour créer un déversoir renforcé. Un chantier inédit, suivi au-delà de nos frontières, et qui doit parer à des crues encore jamais vues.

Le site du chantier en cours d'installation, en aval rive droite du barrage de Sainte-Cécile-d'Andorge • François Desmeures

Les premières études datent de 2009. Mais l'autorisation de chantier n'est intervenue qu'en septembre 2024, après d'incessants aller-retour avec les services de l'État, notamment depuis le dépôt du dossier de demande d'autorisation de travaux, en mai 2022. En 15 ans, les services du conseil départemental ont imaginé plusieurs projets, évaluant même la possibilité d'une destruction/reconstruction complète de l'ouvrage inauguré en 1967, en réponse aux inondations d'octobre 1958, qui avaient fait 40 morts dans le Gard. L'option de consolidation retenue paraît plus, finalement, raisonnable. Elle donne pourtant lieu à un chantier inédit au niveau mondial, selon ses responsables.

Les deux élus communaux concernés par les travaux - soit les maires de Sainte-Cécile-d'Andorge, en rive gauche, et Branoux-les-Taillades, en rive droite - ne peuvent que se réjouir du choix départemental d'avoir conservé la gestion des sept barrages majeurs du département. "La nouvelle loi ne l'obligeait pas", a confirmé le conseiller départemental du canton et vice-président du Département, Patrick Malavieille. Les barrages auraient donc dû tomber dans l'escarcelle - à l'époque - du Pays Grand'Combien pour celui de Sainte-Cécile, ou de la communauté de communes des Hautes Cévennes pour celui de Sénéchas. Autant dire qu'un chantier quelconque aurait eu grand-peine à aboutir.

"Les travaux sur le barrage sont nécessaires pour parer aux scénarios hydro-climatiques les plus extrêmes"

Patrick Malavieille, vice-président du Département du Gard

Et celui du barrage de Sainte-Cécile est loin d'être quelconque. Car, s'il s'agit de renforcer sa fonction première - l'écrêtement des crues - il faut le faire en gardant à l'esprit la fonction de soutien à l'étiage qu'assure désormais le barrage en période estivale et permet à la rivière, en aval, de conserver du débit et de la faune (relire ici). Et en s'attaquant à un colosse de 45 mètres de hauteur pour 154 mètres de longueur au niveau de la crête. Qui doit réduire de 55 % les effets d'une crue cinquantennale, en amont de la Grand'Combe, et de 19 % celle d'une crue centennale.

Miguel Fernandes, de BRL (à droite), explique le chantier à Patrick Malavieille (premier plan à gauche) • François Desmeures

Mais ici, il s'agit de bien plus que cela. "Les travaux sur le barrage sont nécessaires pour parer aux scénarios hydro-climatiques les plus extrêmes, énonce Patrick Malavieille, c'est-à-dire ceux qui auraient une chance sur 10 000 et même sur 100 000 de se produire chaque année." La capacité de stockage du barrage ne changera pas, avec 14,7 millions de m3 susceptibles d'être contenus. C'est le débit d'évacuation qui est presque doublé, de 920 m3/s à 1 790 m3/s. On parle, ici, du système dévacuation d'urgence pour éviter la surverse du barrage tout entier, en amont du barrage. Système qui n'a, jusqu'ici, jamais été sollicité. 

Le barrage de Sainte-Cécile-d'Andorge et sa "tulipe" qui sert de déversoir en cas de crue exceptionnelle • François Desmeures

"La complexité a été d'élaborer des solutions pour satisfaire aux contraintes réglementaires et techniques", poursuit Patrick Malavieille. "Seize solutions ont été étudiées sur l'ouvrage, détaille Nicolas Bouretz. On a même fait venir un des plus grands experts en matière de barrage des États-Unis ; et des modèles à échelle réduite". Élu et techniciens expliquent aussi que même si le barrage n'a jamais été sollicité au maximum et que la nécessité des travaux pourrait être interrogée, la loi impose de le calibrer pour des crues susceptibles d'être vécues dans le futur. "Nous sommes aussi un pays traumatisé par la rupture du barrage de Malpasset" (*), raisonne Nicolas Bouretz.

"Les travaux sont exceptionnels, même à l'échelle mondiale"

Nicolas Bouretz, responsable du service Eau et patrimoine naturel au Département du Gard

Finalement, c'est le "confortement par recharge aval en béton compacté au rouleau" (BCR) qui a été choisi. "D'abord, on conforte l'ensemble du parement aval, détaille Nicolas Bouretz, responsable du secteur Eau et patrimoine naturel au Département du Gard. Puis, on crée, au centre de la structure, un déversoir pour que l'eau s'écoule en cas de surverse." Jusqu'à maintenant, c'est la "tulipe", en amont du barrage, qui tient cette fonction. 

L'installation de la base de chantier durera jusqu'en décembre • François Desmeures

"Les travaux sont exceptionnels, même à l'échelle mondiale, salue d'ailleurs Nicolas Bouretz. On n'a jamais mené de travaux aussi haut dans une zone qui connaît des épisodes hydrologiques de type cévenols". Raison pour laquelle, le chantier devra être cadencé en favorisant les périodes où les crues ne sont pas attendues, même si l'aléatoire semble prendre ses habitudes en la matière. Raison, aussi, pour laquelle la base de chantier a été placée, à l'aval du barrage, hors crue centennale. Un autre site, plus réduit, sera installé plus tard, en aval rive gauche du barrage des Cambous, pour les travaux nécessaires au second équipement des deux lacs : le renforcement de culées, qui seront effectuées dès 2026.

Le chantier, en aval rive droite du barrage, côté Branoux-les-Taillades • François Desmeures

Les défrichements qui ont précédé les terrassements ont donné lieu à la disparition de nombreux arbres, à l'aval du barrage de Sainte-Cécile. Et les services de l'État étaient réfractaires à l'idée, préférant voir le chantier s'implanter à Mercoirol. Patrick Malavieille plaide pour ce choix qui apparaît destructeur, dans un premier temps : "Le site recevra, sur place, des installations de concassage et de criblage et une centrale de fabrication des bétons BCR. Vous imaginez les aller-retour de camions s'il avait fallu installer tout cela à Mercoirol ?"

Un platane conservé lors du défrichement, pour la nidification des chiroptères... et l'ombre des ouvriers • François Desmeures

Car une part de ce qui sera démonté servira de matière première à la fabrication de béton, sur cette station de transit de 15 000 m2. "70 000 m3 de matériaux vont être concassés, criblés, etc.", détaille Miguel Fernandes de BRL, qui a obtenu la maîtrise d'œuvre. Le déversoir central nécessitera, à lui seul, 58 200 m3 de BCR. Auquel il faut ajouter 4 250 m3 de béton conventionnel et 350 tonnes d'acier. Enfin, une géomembrane de 6 000 m2 complètera l'étanchéité. "En terrassant, on a conservé de la terre végétale qu'on remettra une fois le chantier achevé, montre Miguel Fernandes. On crée des bassins pour récupérer les eaux et les emmener vers des bassins de décantation." Une bande de cinq mètres a été conservée entre ces bassins et les berges du lac.

À proximité des berges • François Desmeures

Face à un tel chantier et bouleversement, Patrick Malavieille met en avant une "ambition environnementale", avec trois sites choisis pour des mesures compensatoires "sur environ 30 hectares de parcelles" (autour de Lézan et du lac d'Atuech), et une remise en état et un embellissement du site promis après les travaux. Une zone humide, en fond de rive, a tout de même été conservée à proximité du lac des Cambous. "On a préservé la zone la plus intéressante en biodiversité", argumente Nicolas Bouretz. Soixante-quinze abris à chiroptères ont été ou vont être installés, ainsi que 25 nids à hirondelle de rocher. Côté tourisme, un nouveau belvédère trouvera place en rive droite, après celui existant en rive gauche, et la remise en état facilitera l'accès des berges au public.

Un bassin de décantation et la terre végétale conservée • François Desmeures

Actuellement, le chantier se concentre encore sur l'installation de sa base, ce qui durera jusqu'en décembre. Mais aussi sur le reprofilage de la RN 106, qui doit gagner en hauteur à proximité du mastodonte. Ces travaux devraient s'achever en juillet. 2026 verra la sécurisation du barrage des Cambous. La construction du déversoir de sécurité du barrage de Sainte-Cécile-d'Andorge courra sur 2026 et 2027. Enfin, en 2028 auront lieu le remplacement du masque d'étanchéité du barrage et les travaux de remise en état du site. Avec le risque que les travaux durent un peu plus, en fonction des aléas météo. "Ensuite, ce sont plus de 23 000 personnes qui seront définitivement protégées par les travaux du barrage", se réjouit Nicolas Bouretz.

(*) En décembre 1959, la rupture partielle du barrage de Malpasset, dans le Var, créa une vague immense vers Fréjus qui emporta la vie de 423 personnes.

De gauche à droite, Michel Vigne, maire de Branoux-les-Taillades ; Nicolas Bouretz ; Patrick Malavieille ; et Jacques Pépin, maire de Sainte-Cécile-d'Andorge • François Desmeures

François Desmeures

Le pont d'accès au chantier a été couvert de bois car certains engins  sont plus larges que la chaussée • François Desmeures

Un bassin de décantation en cours de construction • François Desmeures

La base s'étend sur 15 000 m2 • François Desmeures

François Desmeures

Dans les entrailles du barrage de Sainte-Cécile • François Desmeures

Les plus de 300 marches à l'interieur du barrage • François Desmeures

François Desmeures

François Desmeures

Actualités

Voir Plus

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio