Publié il y a 1 h - Mise à jour le 16.11.2025 - François Desmeures - 4 min  - vu 196 fois

FAIT DU JOUR Un carré de soie entièrement cévenole pour les fêtes de Noël

Alexandre Lourié planche sur la relance économique de la soie cévenole depuis plus d'un an

- DR

L'entreprise Saint Loup, fondée par Alexandre Lourié, va produire pour Noël un premier carré de soie entièrement façonné et tissé en France. Mais, surtout, qui repose exclusivement sur du fil produit dans les Cévennes, à Monoblet. L'aboutissement du maintien local de la connaissance qu'a permis l'ancien professeur des écoles Michel Costa, depuis la fin des filatures.

Alexandre Lourié planche sur la relance économique de la soie cévenole depuis plus d'un an • DR

Autour de Monoblet, depuis une cinquantaine d'années, on le vit comme une réalité patrimoniale omniprésente d'une activité disparue. À son origine, Michel Costa, petit-fils et fils de fileuses, qui a toujours œuvré au maintien de la connaissance technique, y compris auprès des enfants lorsqu'il était encore instituteur du village. Beaucoup n'y voyait que la valeur patrimoniale, tandis que Michel Costa a toujours recherché la façon de remettre la soie locale sur le métier.

L'an dernier, Objectif Gard donnait de ses nouvelles après sa rencontre avec le vice-président de la Région Occitanie en charge du développement économique, Jalil Benabdillah (relire ici). Et Michel Costa voyait enfin une opportunité s'ouvrir dans la possibilité de trouver un débouché commercial à la soie produite en Cévennes, dont la dernière filature ferma en 1965, à Saint-Jean-du-Gard (l'actuel musée Maison Rouge). Pendant ce temps, l'Héraultais Alexandre Lourié élaborait la concrétisation du projet.

"J'ai grandi au pied du pic Saint-Loup sans savoir pourquoi il y avait des mûriers partout"

"J'ai grandi au pied du pic Saint-Loup sans savoir pourquoi il y avait des mûriers partout", explique l'entrepreneur, qui revendique "créer, depuis 15 ans, des entreprises sociales et solidaires". Un "appétit d'entrepreneur solidaire" qui l'a conduit jusqu'à Madagascar, autre passion partagée avec Michel Costa. En tentant de comprendre les raisons d'une telle présence du mûrier dans sa région d'origine, Alexandre Lourié découvre "un morceau de patrimoine. En tirant le fil, je suis tombé sur Michel."

Michel Costa dans l'atelier de Cévennes en Soie, à Monoblet  • François Desmeures

"Il y a un an ou un an et demi, je suis allé le voir, à Monoblet. Avec du fil de soie dans les mains." Et l'ambition de gommer "l'écart entre la rationalité économique de l'époque des délocalisations et la possibilité de produire. Il ne manquait qu'un débouché."

"J'ai dit : on va produire même si c'est cinq fois plus cher que les Chinois et prouver qu'on peut faire du local. Et j'ai créé Saint Loup", qui, si le nom s'éloigne des Cévennes, établit un lien entre le site de production du fil et les besoins nourriciers que lui apporte son "arrière-pays". "On s'est mis en branle et j'ai sécurisé toute la chaîne logistique."

"Je pars du principe que le marché est énorme et vierge"

Mais comment ce qui paraissait impossible en matière de rationalité économique deviendrait-il faisable ? "Je pars du principe que le marché est énorme et vierge", contraste Alexandre Lourié. Il n'empêche, le fil chinois revient à une centaine d'euros le kilo. Quand le prix du fil produit en France s'établit autour de 500 € le kilo. "Mais, sur un carré de luxe, seulement 2 % du prix part dans le fil, relativise fortement Alexandre Lourié. Je ne suis pas un doux rêveur. Il y a vingt ans, la main d'œuvre coûtait vingt fois moins cher en Chine. Aujourd'hui, on est plutôt autour de 4 à 5 fois. Enfin, le fil représentait bien plus de 2 % du prix il y a vingt ans. Mais les prix du luxe ont explosé."

Alexandre Lourié sait aussi que la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) change également la donne, et qu'elle s'accompagne d'un choix du consommateur "qui en a marre d'être pris pour un con. Et dans ce devoir de régulation, les marques de luxe sont en avance sur la législation, pour plaire au consommateur. Dans vingt ans, ils voudront tous avoir du made in France." Or - ça tombe bien - la France concentre toujours un nombre conséquent de marques de luxe et Alexandre Lourié en connaît les arcanes.

"Et je ne vendrai jamais le plus de fil possible", détaille Alexandre Lourié pour expliquer son modèle économique, alors que la France produisait, au plus fort de son activité séricicole, 26 000 tonnes de fil de soie, en... 1850. "Militant du fil français", l'entrepreneur promet un carré "100 % cévenol". Et ça marche : deux publications, sur LinkedIn, ont donné lieu à plus de 7 000 réactions. Le fondateur de Saint Loup y annonce la vente, avant Noël, des 300 premiers carrés de soie numérotés. Et, alors que ni le design ni le prix ne sont encore connus (sans doute, dans une fourchette large, entre 250 et 500 €), l'engouement est déjà au rendez-vous.

"Mes fournisseurs et partenaires sont dans le Gard"

Côté design, donc, Alexandre Lourié promet, dans sa première vidéo de présentation, "une œuvre d'un artiste qui parle du Sud brut, cette garrigue rocailleuse du pic Saint-Loup jusqu'aux Cévennes, d'où jaillit du thym à fleurs modestes, à l'ombre des mûriers". La présentation officielle doit avoir lieu le 22 novembre, lors d'une conférence au salon Silk in Lyon, dans la capitale des soyeux. Puis, sur le territoire cévenol, dans un lieu marqué par l'histoire de la soie.

Produit en Cévennes, le fil des carrés en cours de production est parti au moulinage, en Ardèche, avant d'être tissé et imprimé dans la Loire. Produit comme au siècle dernier. Un processus industriel qu'Alexandre Lourié souhaite moderniser pour "pouvoir vendre du fil dès l'an prochain". Ce qui passe, aussi, par la plantation d'hectares de mûriers dans la région. Si la société est basée à Paris, dans l'environnement de l'industrie du luxe, l'activité est bien appelée à se déployer à Monoblet et autour, "dans le but de créer de l'emploi local et de faire de façon plus productive". Car le fondateur de Saint Loup, face à ce premier engouement d'avant-lancement, craint "une asymétrie entre le carnet de commandes et ce que je suis, pour l'instant, en mesure de faire".

"Mes fournisseurs et partenaires sont, de toute façon, dans le Gard", rassure encore Alexandre Lourié quant à l'implantation de la production, lui qui se dit, dans cette aventure, "entouré de bonnes fées qui n'ont pas d'intérêt économique". Il lancera donc "dans les semaines qui précèdent Noël, une campagne de vente entièrement en ligne, pour obtenir le plus beau cadeau sous le sapin". Étant donné les premiers retours, il n'y en aura sans doute pas pour tout le monde...

Le site de Saint Loup est à retrouver ici

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