FAIT DU SOIR Que pensent les agriculteurs gardois des annonces de Gabriel Attal ?
Ce mardi après-midi, le Premier ministre Gabriel Attal donnait son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale. Un discours très attendu, notamment pour ses annonces concernant le monde agricole. Objectif Gard est allé sur des points de blocage, à Nîmes et Laudun-l’Ardoise, pour savoir ce que les premiers intéressés en ont pensé.
« Nous serons au rendez-vous », a lancé le Premier ministre sur la question agricole. Parmi les mesures annoncées, la mise en place d’un fonds d’urgence à destination des viticulteurs, notamment ceux de notre région, le renforcement des sanctions pour les entreprises qui ne respecteraient pas la loi Egalim, censée garantir un revenu minimum aux agriculteurs, ou encore le renforcement de la traçabilité, pour « garantir une concurrence équitable, notamment pour que les normes qu'on applique aux agriculteurs français soient aussi respectées pour les marchandises étrangères », a ainsi annoncé Gabriel Attal. Et sur l’Europe, le Premier ministre a évoqué trois priorités, à savoir les jachères, les importations ukrainiennes et le Mercosur.
À Nîmes, le mouvement devrait continuer
Sur les coups de 15h, ils étaient tous rivés sur la télévision installée sur le ballot de paille à attendre les nouvelles déclarations de Gabriel Attal. Le Premier ministre français a prononcé son discours de politique générale à l'Assemblée Nationale et devait apporter des mesures complémentaires à celles qu'il a dévoilé la semaine dernière. Au début de sa prise de parole, les agriculteurs avaient bon espoir que l'ancien ministre de l'Éducation Nationale annonce rapidement les mesures, car Gabriel Attal a vanté le mérite de ces hommes et femmes qui travaillent la terre tous les jours. Le discours a ensuite glissé sur d'autres sujets, qui a provoqué un certain désintéressement pendant des dizaines de minutes.
Il aura fallu attendre 16h30, pour qu'ils soient fixés. Une première vague de mesures décevante pour les agriculteurs mobilisés, une deuxième qui n'a guère fait son effet pour la plupart d'entre eux. David Sève, président de la FDSEA, a pris la parole au mégaphone, expliquant sa déception qu'il n'y ait pas de réelles mesures annoncées, ni véritablement de chiffres avancés. Il a toutefois apprécié les moyens nouveaux pour les viticulteurs "particulièrement en Occitanie" comme l'a annoncé l'élu du parti présidentiel.
Un sentiment partagé par Stéphane, viticulteur aux collines du Bourdic : "Il aurait dû parler du problème des agriculteurs à part, il n'a rien de spécial donc on va continuer. De toute façon, tant que l'on a pas de mesures concrètes on n'avancera pas", affirme-t-il. Cela fait 20 ans qu'il travaille dans le milieu, suite à une reprise d'exploitation de ses parents. Producteur de vin bio, il possède 16 hectares qu'il travaille, et 14 qu'il ne peut plus faire tourner : "Je faisais du blé et du tournesol mais en faisant les calculs, j'y perdais plus que ce que j'y gagnais", déplore-t-il. Demain, Stéphane a son audit annuel bio pour vérifier que tout est en règle. Même s'il sait s'occuper des papiers, il a bien voulu nous montrer en détail ce qu'on lui demandait : une dizaine de factures, certificats, cahiers de culture, de transformation... De quoi s'arracher les cheveux.
Plus loin, un autre viticulteur a un avis totalement différent de ses confrères. Il a souhaité garder l'anonymat, mais se dit satisfait des déclarations de Gabriel Attal. "Je ne vois plus mon père depuis des semaines parce qu'il croule sous les papiers, le Premier ministre a annoncé qu'il allait simplifier les démarches administratives, qu'il allait valoriser les viticulteurs d'Occitanie. Certains ne sont pas contents, mais à quoi s'attendaient-ils en vérité ? Ils ne vont pas nous donner du jour au lendemain des centaines de milliers d'euros. J'ai entendu ce que je voulais entendre", affirme-t-il véhément. Il ajoute même : "Je pense que je n'ai plus rien à faire ici sur ce blocus." Cela étant, il espère que les mesures seront réellement appliquées avant d'être convaincu à 100 %. En symbole de protestation, un grand feu de pneus a démarré à quelques dizaines de mètres du point de campement. L'intervention des pompiers et d'un groupe de CRS aura été nécessaire pour calmer les flammes.
Du côté syndical, le vice-président national du Modef, le Mouvement de défense des exploitants familiaux, basé à Corbès, Frédéric Mazer, reste dubitatif. Le Premier ministre parle d’« exception agricole française », sur le modèle de la fameuse « exception culturelle » ? « C’est du discours, du blabla. Ce qu’on veut, c’est des actes », balaie-t-il. Le fonds d’urgence, par exemple : « Je pense, effectivement, qu’il y a urgence, accorde-t-il. Mais il faut voir quels montants seront provisionnés. On demande, de notre côté, le retour de la prime de stockage, parce que le problème vient, notamment, du négoce qui bloque les achats pour faire baisser les prix. Le stockage permet d’éviter cette spéculation. » Il s’agit aussi de faire respecter la loi, comme le promet le Premier ministre. « Il faut arrêter de supprimer des fonctionnaires. Sinon, comment fonctionne la répression des fraudes ?, s’interroge Frédéric Mazer. Si l’État arrête la purge des personnels administratifs, il fera peut-être appliquer la loi… C’est arrivé à un tel point que ce sont les paysans qui font les contrôles et dénoncent les abus… »
« Attal nous enfume »
Sur le rond-point des 4 chemins, à Laudun-l’Ardoise près de Bagnols, les agriculteurs ont bloqué la circulation de 6 heures à 16 heures environ. La levée de camp est intervenue avant même la fin du discours du Premier ministre Gabriel Attal. Signe que les manifestants n’y croient plus vraiment. « Ça fait une demi-heure qu’il dit de la merde, donc pour l’instant on est encore là demain », lançait un vigneron de Chusclan, qui souhaite rester anonyme, alors que le Premier ministre était devant l’Assemblée nationale. « Attal nous enfume », estime un autre vigneron, cette fois de Tresques, avant que le Premier ministre n’annonce une aide d’urgence pour les vignerons, notamment d’Occitanie.
Pas de quoi apaiser la colère des agriculteurs, qui sont principalement des vignerons sur ce territoire historiquement viticole. Des vignerons fumasses contre ces vins étrangers, notamment espagnols, qui transitent par leur territoire à destination, bien souvent, des grandes surfaces du coin. Alors sur place, les agriculteurs ont mené des contrôles inopinés de certaines cargaisons, et en ont « saisi » certaines. « Il y avait une cargaison pour Auchan avec du vin italien et du vin de l’Union européenne déguisé en appellation Bordeaux », présente notre vigneron de Chusclan en nous montrant des bouteilles cassées en bord de route.
Le vin espagnol est lui aussi « saisi ». « Ils l’achètent 1 euro et le revendent 3, nous on est forcément plus chers », s’étrangle notre vigneron. Hier à Bagnols, les vignerons ont vidé la citerne d’un semi-remorque remplie de vin espagnol destiné à un négociant français qui a pignon sur rue, « Castel, on a toutes les preuves », affirme notre vigneron tresquois. Son collègue pointe ensuite un carton d’huile d’olive, espagnole elle aussi, « à 9 euros de moins que l’huile de chez nous » et un gros tas de matière informe, des plaques de viande « jaune, bleue, rouge, sans étiquette ni de provenance, ni de destination. » Bref, en plus d’une concurrence qu’ils estiment déloyale, les agriculteurs dénoncent aussi la « merde » qu’on nous ferait ingérer.
Le nerf de la guerre reste leur revenu. « Ça fait deux ans que je ne me sors plus de salaire, que les primes n’arrivent pas, qu’on nous demande de traiter à 100 mètres des habitations, donc on perd de plus en plus de surfaces, que le GNR (gasoil non routier, NDLR) a pris 200 %… je perds 2 000 euros par hectare », développe notre vigneron de Chusclan. Alors la détermination reste intacte. « Si ça ne bouge pas, on sera encore là la semaine prochaine », avance-t-il. Quand son confrère de Tresques prévient : « Si ça ne bouge pas, je pense qu’on va tout bloquer pour les Jeux Olympiques. »
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