L'INTERVIEW Denis Boissière, station Alti Aigoual : "La seule chance de nous en sortir est d'être ouvert l'hiver prochain"

Denis Boissière est porte-parole de la station Alti Aigoual à Prat-Peyrot, sur le mont Aigoual
- François DesmeuresAprès une saison hivernale en dents de scie, entre chutes de neige soudaines, beaux week-ends, pluie et un épisode de vandalisme, la station Alti Aigoual se réjouit de ne plus compter de dettes privées, mais d'autres se creusent. Alors que le matériel des pistes de ski a été démonté la semaine dernière avec l'appui de bénévoles solidaires, le porte-parole de la station, Denis Boissière, fait le point d'une délégation qui court jusqu'en 2029. Entretien.
Objectif Gard : Après le démontage du matériel hivernal de la station Alti Aigoual, gardez-vous l'espoir de pouvoir rouvrir l'hiver prochain ?
Denis Boissière : Oui, clairement, on a l'espoir. Mais il est suspendu aux sommes qui nous sont demandées. On a presque réglé toutes nos dettes privées, il n'en reste qu'une de rien du tout. Et l'assurance. On tourne avec le restaurant de l'Observatoire, mais qui, par définition, réclame beaucoup de main-d'œuvre. Il est donc extrêmement peu rentable. Le gîte marche plutôt bien, mais surtout les mois de mai et juin. En juillet et août, c'est assez calme. Ce sont surtout des gîtes d'étape et, même s'il y a des chambres de quatre, comme les visiteurs sont limités à deux jours, les familles ne viennent pas. Il fait sans doute trop chaud pour randonner... Mais on garde la même équation : en l'absence d'autorisation du Parc national des Cévennes pour des activités d'été, la seule et unique chance de nous en sortir est d'être ouverts l'hiver prochain.
Mais que vous reste-t-il à solder ?
Nos dettes restent très importantes et sont de trois ordres : dette de l'URSSAF (union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, NDLR). Pendant deux années, on a embauché des gens pour trois mois, certains ne sont venus qu'un seul jour... Parce qu'on espérait et on nous disait qu'on allait pouvoir avoir du chômage technique en l'absence de neige. On sait maintenant que ça ne marche pas... On s'est un peu fait avoir là-dessus. On a une dette à France Travail, parce que - ce qui est extraordinaire et incompréhensible - en 2024, on a fait un dossier pour prouver qu'on était en difficulté et avoir droit au licenciement économique. La réponse est arrivée un mois plus tard, disant qu'on y avait droit. Mais je ne pensais pas avoir une double peine : un licenciement économique coûte au moins deux fois plus cher qu'une rupture conventionnelle. On se retrouve face à une grosse dette envers eux.
"Quand la station est fermée, on paie 2 500 € d'électricité ! Avec même pas un frigo qui marche !"
Vous avez pu l'échelonner ?
C'est en cours de travail. Mais cela me paraît hallucinant qu'on nous ait fait faire des dossiers pour que ça nous coûte deux fois plus cher. Je pensais, au contraire, qu'en prouvant la difficulté, on n'aurait pas cela. La troisième dette n'est qu'une petite dette de TVA. Mais on a déclaré des remontées mécaniques à 20% alors que ce n'était que 10%, et on a du mal à faire entendre la rétroactivité. C'est notre faute, à la base. Mais une partie de cet argent n'est pas due. Quatrième et dernière dette, celle de l'électricité que l'on doit à la communauté de communes : en novembre et décembre 2022, on a pris 35 000 € de facture alors que la station était fermée. On a eu une lettre d'excuse d'ENEDIS, qui l'a divisée par sept. Mais ç'a été un long combat. Et, depuis le 1ᵉʳ janvier 2023, la communauté de communes prend en charge l'électricité, mais la surpaye pour nous. Il y a un souci de compteur : quand la station est fermée, on paie 2 500 € d'électricité ! Avec même pas un frigo qui marche !
Mais comment cela s'explique ?
Apparemment, c'est un compteur de 20 000 volts, qui auto-consomme beaucoup d'énergie. Mais le compteur ne nous appartient pas. Et notre dette se creuse envers la communauté de communes, qui nous avance la facture alors que, pour nous, elle n'est pas tout à fait due. Si la communauté de communes ne prenait pas la facture, on serait peut-être déjà mort... Mais la somme avancée, tôt ou tard, il va falloir la rembourser. On a donc beaucoup de dettes.
Et quelques bonnes nouvelles ?
Oui. Des bénévoles qui nous suivent, ce que je trouve extraordinaire. J'ai toujours du mal à réaliser, mais c'est la réalité. On a aussi eu une réunion très intéressante avec le patron de l'Alpe-d'Huez et des Deux-Alpes, qui a dit qu'il allait encore nous aider. On a eu 60 nivoculteurs présents (responsables de la qualité de neige et de sa production, NDLR) lors de la réunion de l'association nationale des nivoculteurs de France. L'enneigement sécurisé reste la dernière chose qu'on n'arrive pas à maîtriser, cette année on a fonctionné presque sans y faire appel. Douze jours d'ouverture ski, plus vingt-cinq jours d'ouverture luge, mais presque sans enneigement sécurisé...
"On rencontre beaucoup de souci pour trouver une entente de résolution des problèmes à l'amiable. Mais je reste optimiste."
Au final, la saison s'est passée comment ?
On a été ouvert dès les 13-14 décembre, de façon assez correcte. Samedi 21 décembre, c'était correct. Puis, dans la nuit, un 4X4 a massacré le peu de pistes qu'il nous restait... On a ensuite été ouvert toutes les vacances de Noël, mais uniquement pour la luge. C'était déjà pas mal... Janvier a été très difficile. Puis, début février, cette chute de neige de 70 centimètres. Avec moins de personnes à la station... Mais on a fait un dimanche vraiment exceptionnel. Puis, il a énormément plu dans la semaine suivante... On est resté ouvert une semaine en même temps que les vacances de la zone de Montpellier, mais avec peu de pistes à la fin. Avec un petit peu d'enneigement sécurisé, on aurait passé toutes les vacances et ça changeait les choses...
Votre activité d'hiver affiche, donc, des résultats positifs ?
On n'a pas encore les chiffres. Mais on le pense.
La restauration a-t-elle repris à l'Observatoire ?
Oui, depuis le 12 avril. Mais la météo n'a pas été avec nous pour l'instant. C'est compliqué d'avoir du personnel, mais on a réussi à conserver notre cuisinière en chef, Frédérique, qui est très bonne. Il manque encore un peu de monde pour août...
Où en êtes-vous des discussions avec la Communauté de communes Causse-Aigoual-Cévennes, notamment à propos des travaux que vous lui réclamiez (relire ici) et des indemnités pour ne pas les avoir réalisés ?
On rencontre beaucoup de souci pour trouver une entente de résolution des problèmes à l'amiable. Mais je reste optimiste.