NÎMES Avec Claude Viallat, le travail est quotidien
Claude Viallat n'est pas n'importe qui. On pourra dire ce que l'on voudra sur sa peinture et ses motifs répétitifs mais on ne pourra jamais remettre en cause son expérience et sa manière de voir l'art aujourd'hui.
Rentrer dans l'atelier d'un maître n'est jamais une chose anodine. Cet antre de l'art, de la composition, de la recherche, de la créativité, de l'intimité de l'artiste est à ses couleurs. En ces temps de confinement, Claude Viallat reste celui qu'il a toujours été : il travaille, il vit ou le contraire. Une cour intérieure, quelques plantes vertes, des pierres, des petits totems, des bricoles sans trop de sens pour le péquin lambda et beaucoup de choses plus ou moins décoratives mais pas de désordre.
Nîmois et heureux de l'être, l'artiste est pourtant l'homme le plus simple qui soit. " J'ai acheté la maison parce qu'il y avait du volume mais je l'ai acheté parce qu'il y avait aussi cet atelier qui convenait parfaitement à mon travail. " À l'étage, le fameux atelier. Pinceau à la main, Claude Viallat se redresse après avoir apposé son ultime trait sur une grande bâche tendue sur le sol. " Ça, c'est l'œuvre que je viens de terminer. C'est ce que j'ai fait aujourd'hui et ce que je ne ferai pas demain. L'âge est un inconvénient, je dois négocier avec mon corps. Je pense mes mouvements avant de les faire, mais j'y arrive encore bien. Je ne me plains pas car la relation entre corps et tête se passe convenablement. "
Avec Viallat, vous retrouvez Picasso, Matisse, Pollock ou Hantaï. Chez le Nîmois, ces inspirations et ces clin d'oeil apportent toujours plus de profondeur, des références et une forme de liberté qu'il retrouve grâce à une thématique chère à ses yeux : les taureaux et les toros. La bouvine et la tauromachie sont deux autres sujets de prédilection de Claude Viallat. Bon, il y a aussi les haricots, certes !
" Je monte à l'atelier pour peindre. Je peins tous les jours mais c'est de la peinture à partir du moment où on la questionne. Je dois peindre, c'est comme ça, j'en ressens le besoin, explique l'artiste. Mais aujourd'hui, tout se passe entre mon appartement et l'atelier, juste une volée de marches à monter. J'ai besoin de ma dose de peinture tous les jours. C'est une passion, un travail, une chance, le bonheur. Je pense aussi à la mort, à l'après. J'aimerais laisser une trace. "
La trace il l'a déjà laissé mais en local, son empreinte n'est pas aussi claire que celle qu'il peint au pochoir sur ces grandes bâches. " L'art à Nîmes n'est pas soutenu. Je pense que cela n'intéresse pas mais cela n'est pas mon problème... Je fais ce que j'ai à faire et si ce que je fais est vu, tant mieux. " Artiste au grand coeur, une grande partie de la collection du Musée des cultures taurines de Nîmes est sienne. Il en a fait don, comme ça. Heureusement que le musée porte son nom et celui de son épouse, Henriette, qui est de tous ses combats.
" Mon travail vient de ce que j'ai vu, lu, de mes expériences. On récupère un support et on en fait quelque chose. À la fin des années 1960 nous étions plusieurs et nous nous sommes retrouvés. Ce groupe a peut-être eu une influence sur la peinture contemporaine. " Le courant Supports/Surfaces était né et Claude Viallat en était un des fondateurs.
Ce mouvement artistique fut l'un des groupes fondateurs de l'art contemporain aussi bien en peinture qu'en sculpture car Claude Viallat peint sur du tissu, de la pierre ou du bois. Rappelons que la doctrine est la suivante :" l'objet de la peinture, c'est la peinture elle-même et les tableaux exposés ne se rapportent qu'à eux-mêmes. "
Les artistes de ce mouvement privilégient la pratique de la peinture qui interroge ses composants élémentaires. Remettant en question les moyens picturaux traditionnels, ces artistes associent surtout à cette recherche une réflexion théorique et un positionnement spécifique. Et depuis ? Pas grand chose car on peut considérer que Supports/Surfaces est le dernier mouvement d'avant-garde français, dans l'histoire de la modernité. Ce mouvement se caractérise par une démarche qui accorde une importance égale aux matériaux, aux gestes créatifs et à l'œuvre finale. Le sujet passe au second plan. Confiné comme tout le monde, Claude Viallat demeure un artiste prolifique. " Oui, je demande qu'on nous laisse travailler tranquille. Remarquez, avec cette période de confinement, on peut travailler en étant tranquille... "
Où peut-on voir des œuvres du courant ? Au Centre Pompidou à Paris où un espace entier (salle 11, niveau 4) est dédié au groupe Supports/Surfaces.
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