Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 15.11.2021 - anthony-maurin - 7 min  - vu 1665 fois

NÎMES Naïm s'est trouvé et la Feria du rire va savourer

Naïm (Photo jovanna).

Cauchy-Schwartz, c'est quoi ce truc ? C'est le nom du nouveau spectacle joué par l'heureux Naïm (Lamine Lezghad) à l'Aria ce 20 novembre dans le cadre de la Feria du rire. Interview avec Naïm et ce n'est pas Nîmes avec un fort accent anglais !

Naïm (Photo jovanna).

Objectif Gard : Enfin de retour à Nîmes ! Après l'Algérie et avant Paris, vous avez passé ici les années de votre adolescence. Aujourd'hui, quel est votre regard sur la ville ?

Naïm : Je n'y vais pas assez souvent, mais je viens de me réinstaller dans un village proche. C'est tout neuf et je n'ai même pas encore eu le temps de redécouvrir ce qui se passe en ville, mais on m'assure que ça bouge. Je cherche une maison pour m'installer vraiment, je peux dire que c'est plus cher qu'avant. Je m'y balade et c'est plutôt agréable, je trouve la ville plus belle qu'avant alors qu'elle est à peu près identique. Enfant, je n'avais pas la même sensibilité. Là, je vois les arènes, les petites rues, c'est une très jolie ville cosmopolite. Je viens de Montreuil, en termes de mélanges on est au maximum et c'est cool d'avoir cette ambiance car ce n'est pas le cas dans toutes les villes.

Il fallait "monter" à la capitale, mais un retour aux sources est donc normal...

Je ne galère plus comme avant : je bosse pas mal, j'ai des enfants, je suis posé. Je regarde les choses différemment avec une recherche un peu artistique, onirique, je suis plus sensible au beau et Nîmes me plaît plus qu'avant, c'est pour ça que j'y suis retourné. J'y ai encore de la famille et pour les enfants qui adorent leurs grands-parents, c'est mieux. Même pour les parents que nous sommes, c'est mieux. On voulait prendre un peu de distance avec Paris, avoir un confort de vie plus agréable. Les filles sont bien à l'école, c'est cool, j'adore revenir. Ça ne m'empêche pas d'aller sur Paris ou de partir en tournée. Le problème est le même, on en lâche toujours un pour l'autre, la famille ou la tournée...

Votre retour est dû au confinement ?

Les confinements ont fait l'effet de catalyseur, nous y pensions avant mais ça a accentué. Paris reste la ville centrale pour ce que j'ai envie de faire et finalement j'y suis très régulièrement. Je fais toute la saison au Grand Point Virgule, mais je peux quand même venir me poser dans mon village avec des petits vieux qui viennent me demander si j'ai besoin de quelque chose ou si tout va bien. J'adore ! J'ai appris à forcer les choses avant le confinement alors que je jouais au Canada. Juste dire "bonjour, ça va ?" aux gens, ça change tout, ça brise la glace. Le parisianisme, c'est pas cool ! Faire ce genre de choses me met dans un bon état d'esprit, j'aime déclencher la sympathie et ici c'est top.

L'élève en maths est devenu humoriste, puis Lamine est devenu Naïm. Sait-on vraiment qui vous êtes ?

Je me connaîtrai moi-même sur mon lit de mort ! J'y oeuvre un peu tous les jours, je m'abandonne petit à petit, même s'il y a des choses que je garde pour l'intime. On donne toujours une certaine image de soi, mais je m'efforce d'être le plus vrai, de coller le maximum à ce que je suis. Dans la vie de tous les jours, ma mécanique de défense, c'est de dire les choses qui ne vont pas. Sur scène, j'essaie de prendre les devants, de moins contrôler, d'être dans le lâcher prise. Être sur un fil mais me laisser aller au gré du vent. Moi, en plus, j'ai 20 ans de maths derrière moi... Dans le milieu c'est carré !

Vous parlez beaucoup des maths, mais vous êtes passé à autre chose... C'est le sens du spectacle ?

Les maths me servent beaucoup dans mon travail. J'ai une mécanique de travail que j'utilise par obligation parce que je suis fait comme ça. Je parle de tout ça dans mon spectacle, je parle de ma résilience à propos de mes études, de mon changement de vie. Ça me paraissait assez naturel, je ne m'occupais pas du regard des autres mais intérieurement ça a travaillé. Je ne voulais pas en parler, je n'y pensais même pas, je me posais des questions et je me demandais quelles étaient mes particularités. Les réponses, ce sont les gens qui me les donnent et ils ont voulu que je parle de ça.

Naïm (Photo jovanna).

Vous parlez de vous ? 

Qui tu es pour parler de toi ? Mais qui tu es pour parler d'un autre sujet ? Finalement, j'ai fais ce qui me paraissait naturel, j'ai fait la paix avec ça. Pourquoi j'ai pas fait ça plutôt ? Pourquoi j'ai pas continué les maths ? J'ai fait les maths pour faire ça donc ça me va !

Avec "On ne demande qu'à en rire !", vous avez connu un réel coup de projecteur. La télé vous manque-t-elle ?

La télévision, c'est génial et ça manque pour la promo, mais c'est l'industrie. Il faut aller vite, produire, passer à autre chose... C'est un moyen et non une fin. Les très grands artistes ne sont jamais à la télé ! L'adrénaline, être toujours sur le ring, ça maintient en vie et c'est grâce à Laurent Ruquier que j'ai trouvé mon style. Cependant, avec le recul on voit mieux les choses. Par contre en famille ça file droit, l'artiste n'existe plus ! C'est terre-à-terre, on n'a pas le choix et je suis de ceux qui aiment leurs enfants !

Vous avez fait six spectacles, pourquoi avoir choisi un tel titre ? 

Officiellement et avec une tournée, c'est le troisième spectacle. En termes d'efficacité de rire c'est mon meilleur spectacle et puis j'adore les titres ! Je me laisse aller à ce que je suis... Quand je vais voir un spectacle, j'adore être surpris par un truc que je ne connaissais pas au départ. Là, pour ce spectacle, pas besoin de connaître les maths, mais j'aime intriguer les gens. Les gens qui bossent autour de moi ne comprennent pas trop ce choix, mais je trouve que la sonorité du nom claque. On ne connaît pas ces mots, on ne comprends rien, ça m'intéressait que les gens viennent voir quelque chose dont ils ne savent pas du tout ce que c'est.

De quoi parle-t-on vraiment ?

J'en ai marre de toujours faire ce qu'on connaît, on ne découvre plus rien, je suis anti-conformiste, je suis celui qui sort de la grotte et qui va se faire bouffer par les lions. En Algérie, on me prenait pour un Français, en France on me prend pour un Algérien. Quand je faisais des maths, j'avais une dégaine d'artiste, maintenant que je suis humoriste, j'ai une dégaine de matheux. J'ai grandi au Chemin-Bas-d'Avignon, mais j'allais au lycéen en prépa à Daudet. Je donnais des cours de maths et j'allais mixer en boite de nuit où je rencontrais des élèves surpris... Je ne vais jamais dans le même sens, je l'ai toujours cultivé naturellement. Je parle de la solitude des tronches de la classe, de la difficulté à être bon élève en banlieue parce qu'il faut quand même éviter les coups de couteau, du stress, de la pression, du passage pour devenir humoriste grâce à un précepte dont je parle et qui m'a beaucoup servi. Il y a pas mal de digressions, je parle de mon rapport à l'écologie et malgré le nom du spectacle je ne parle pas du tout de maths !

Votre spectacle est-il figé ou se nourrit-il de la scène ?

Je n'arrête jamais mes spectacles, il y a des choses dont je me lasse, je cherche toujours autre chose mais il faut que l'idée puisse rentrer dans le cadre du spectacle. J'écris pas mal de choses au bureau, à la virgule, et sur scène l'animal sort de la cage. Le swing arrive, l'énergie des spectateurs... Je parle beaucoup de la correction, je corrige beaucoup le spectacle.

Avec un humour toujours intelligent, une occupation scénique plutôt brillante, un humour noir cinglant et toujours sur le fil, vous faites partie des humoristes appréciés aussi bien par les plus jeunes que par les plus anciens. Comment expliquez-vous cela ?

Je n'ai rien à rajouter, mais c'est vrai que je n'ai pas vraiment de public cible. C'est d'ailleurs pour ça que je ne fais pas de salle gigantesque. Les études le montrent : si tu as un public ciblé, tu remplis des grandes salles quand ça marche pour toi. Je n'ai pas vraiment choisi, tout s'est fait naturellement. J'aime Fred Astaire, Gene Kelly, Charlie Chaplin, De Funès... Je me laisse aller à faire quelques grimaces parfois. Je me laisse aller à jouer plus, plus vrai, plus juste. Pour l'humour noir, j'ai toujours aimé ça mais je ne le fais plus pour le faire. C'est guidé par le propos que j'ai envie de donner aux gens.

Que peut-on vous souhaiter ?

Je veux être heureux. Je ne suis pas né avec le gène du bonheur ! Je sais qu'un gène code le bonheur mais ce n'est pas grave, j'essaie de vivre au jour le jour, c'est très dur pour moi. Là nous sommes en train de parler, mais je pense déjà au nouveau sketch à tester ce soir sur scène, à un dossier qui traîne... J'ai du mal à couper, ça reste encore dans la tête et j'aimerais être plus détendu. J'y arrive petit à petit, ça se voit sur scène, je veux savoir dire "c'est pas grave, tout va bien" car c'est le cas !

Carte blanche pour finir, qu'avez-vous à rajouter ? 

J'ai vraiment envie de défendre ce spectacle longtemps parce que j'y explique comment j'ai pu trouver ma voie et je sais que ça peut parler à pas mal de monde. Au-delà du rire, j'aime cette utilité, surtout en cette période où les gens ne sont plus très heureux et ne savent plus trop où ils vont. Je n'ai peut-être pas les réponses pour vous, mais je peux vous titiller et vous donner envie de trouver votre propre route.

Samedi 20 novembre au Novotel Atria de Nîmes, 5 boulevard de Prague à 20h30. Tarif 25 euros placement libre, réservez ici. Infoline : 04.67.50.39.56. Pour suivre Naïm sur Facebook, et Instagram.

Anthony Maurin

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