« Financièrement, on ne s’en sort pas ! On a perdu un chiffre d’affaires colossal en l’espace de deux, trois ans. On n’arrive pas à payer nos factures courantes en travaillant sept jours sur sept », ce constat terrible, c’est celui de Patrick Vigneron, gérant du bar-tabac La Pipe, une institution de la rue de la République à Nîmes, qui l’a racheté en 2004. Une baisse de fréquentation tellement importante qu’il a décidée, il y a trois mois, de ne même plus vendre de cigarettes.
La raison ? « On laisse ouvert des épiceries de nuit dans toute la ville qui vendent des produits de contrebande. Ils peuvent travailler quand ils veulent avec des marges totalement supérieures qui ne vont jamais à l’État, justifie le commerçant dépité de cette situation, si on ne ferme pas ces établissements, il n’y aura plus de tabac licite à Nîmes ». Propriétaire des lieux, Patrick, âgé de 62 ans, a décidé de tout vendre : son fonds de commerce plus les murs. Et s’il ne parvient pas à vendre, il est prêt à tout arrêter : « j’ai décidé de mettre la clé sous la porte. »
Un contexte compliqué vécu aussi par la presse-tabac voisine de quelques mètres, aussi en vente, avec un chiffre d’affaires divisé par deux sur la vente de tabac. Pour la gérante, ce n’est pas seulement la faute des épiceries de nuit : « aujourd’hui, tout le monde vend du tabac. Malgré les épiceries de nuit, on s’en est sorti. Maintenant, il y a les barbers même des gens qui vendent des fringues, proposent aussi des clopes. » La possibilité pour les fumeurs de se servir aux frontières, avec là aussi des prix plus attractifs, est venue encore plus toucher les buralistes.
"Pourquoi au bout de trois fermetures ce n’est pas définitif ?"
Ainsi, c’est toute la profession qui se trouve mise en difficulté. « J’ai appris qu’il y avait eu six liquidations judiciaires de bureau de tabac à Nîmes, poursuit la gérante, les épiceries de nuit ont le droit de tout faire. Ils prennent des fermetures administratives, mais ils continuent à vendre, pourquoi au bout de trois fermetures ce n’est pas définitif ? » Une « vente illégale de tabac opéré par les commerces de nuit de la rue de la République depuis des mois qui provoquent une concurrence déloyale », également dénoncée par le comité de quartier Montcalm-République.
Ce dernier interpelle la ville de Nîmes : « le comité a aussi été informé du rachat par certains propriétaires de snacks et épiceries de nuit des murs et fonds de commerce vacants dans la rue de la République pour y créer encore plus d’épiceries de nuit. Que fait la mairie ? Quand est-ce qu’elle va mettre en place son droit de préemption ? Va-t-elle enfin vérifier la légalité des cessions de fonds de commerce ? ». Une vaste problématique qui n’a pas fini de causer des dégâts chez les buralistes.