Petites lunettes, crâne dégarni et chemise bleue, le prévenu a davantage l’allure d’un comptable que celle d’un trafiquant. Ce jeudi 17 février, le quinquagénaire est pourtant jugé en comparution immédiate pour transport de drogue. Le 21 janvier dernier, dans une cache aménagée dans son utilitaire, les douaniers découvrent sur l'aire de Marguerites 100 sachets d’1,1 kilos de cannabis chacun : soit un total de 110 kilos de résine.

« Je reconnais tout, mais je n’avais aucune idée de la quantité que je transportais, tente de relativiser Alexis. J’ai seulement reçu un appel me disant de partir le soir du 19 janvier, le jour de mon anniversaire, vers l’Espagne. Puis, le lendemain, de laisser la camionnette ouverte pour être chargée avant de reprendre la route le vendredi 21. » Le président du tribunal Jérôme Reynes, tente d’en savoir plus. « Et quelle rémunération deviez-vous en tirer ? », demande-t-il.

Mal à l’aise, le transporteur tente de se montrer coopératif : « On m’avait promis 10 000 euros. » Mais le juge tique : « C’est beaucoup. Pour une cargaison d’une valeur de 180 000 à 200 000 euros, si le commanditaire veut faire une marge, c’est trop ! », fait-il observer. « J’ai peut-être été le dindon de la farce », conclut benoîtement le prévenu.

Sept milles euros de dettes

Malgré ces aveux, le président Reynes doute que ce soit la première fois. « Sur votre téléphone, on a trouvé des messages comme "frère, on fait comme d’habitude" », fait-il remarquer. Au total, la mule est soupçonnée d’avoir réalisé au moins trois voyages entre novembre et janvier. « Je suis parti à deux reprises en vacances, et une fois sur la côte d’azur », se défend-il, maladroitement.

Le procureur intervient. « Vous savez que vous risquez jusqu’à vingt ans d’emprisonnement. Pourquoi avez-vous fait ça ? », tente-t-il de comprendre à son tour. L’homme écarte les bras : « Je suis endetté, je dois environ 7 000 euros », lâche-t-il. Sa réponse fait bondir le président. « Mais enfin, comment pouvez-vous nous dire que vous êtes parti en vacances en Espagne, alors que vous étiez endetté comme cela ? » Le procureur partage les doutes du juge. « Il tente de justifier ce qu’il a fait par des problèmes d’argent. Mais cela ne suffit pas à atténuer sa responsabilité », conclut-il avant de requérir 5 ans de prison à l’encontre du quinquagénaire.

Amateur

Son avocat tente de démontrer à la cour que son client n’est pas un trafiquant professionnel. « Cet homme a perdu son emploi et on lui propose une somme astronomique pour ce trajet. J’ai l’impression que les commanditaires se sont moqués de lui car c’est un amateur. Il utilise un véhicule loué à son nom et donne même les codes de son téléphone portable aux enquêteurs, qui ont pu l’utiliser contre lui, pointe Hemza El Moujaddide. Mais il n’est pas ancré dans la délinquance, il lui faut une peine plus adaptée. » En vain. Le prévenu repart les menottes aux poignets, avec une peine de 4 ans de prison et une amende douanière de 192 000 euros.

Pierre Havez