Publié il y a 7 h - Mise à jour le 16.06.2025 - François Desmeures - 5 min  - vu 631 fois

FAIT DU JOUR À Monoblet sont élaborées les matières premières d'une homéopathie américaine

Jeanne Merlay et Damien Verrier, sur les terrasses de l'exploitation

- François Desmeures

Basée à Saint-Hippolyte-du-Fort, l'entreprise d'homéopathie Sevene produit la matière première qui lui est nécessaire au pied du hameau de Pailhès, à Monoblet. Dans une vallée humide des premières collines, elle gère quatre hectares de culture au sein d'un site préservé de 55 hectares, qui n'a connu qu'agriculture naturelle ou biologique depuis des décennies. Le récent partenariat avec Weleda donne lieu à un premier accroissement de production, sur des faïs où la directrice du développement agronomique mène des expérimentations. Visite d'un jardin extraordinaire. 

Jeanne Merlay et Damien Verrier, sur les terrasses de l'exploitation • François Desmeures

À voir son sourire, Damien Verrier n'est pas si mécontent de la visite d'un journaliste sur les terres de production de son entreprise, Sevene, sur l'ancienne exploitation de Marie de Mazet, dans la vallée de Valestalière. Car pour lui - souvent vissé à son bureau ou survolant l'Atlantique entre la France et les États-Unis - cette sortie sur les terres de l'entreprise offre un moment de détente végétal dans un planning serré. 

D'autant que, cet espace, c'est aussi lui qui l'a souhaité en rachetant Sevene, en 2019. "Notre idée, lors de la reprise, était de créer une société intégrée qui puisse gérer la matière première", expliquait-il en octobre dernier à Jalil Benabdillah, vice-président en charge de l'économie de la Région Occitanie (relire ici). Sur le terrain même de ces matières premières, Damien Verrier ne varie pas. "Nous sommes une société intégrée, qui commence par la culture de la plante, l'élaboration d'une teinture-mère et la fabrication de l'homéopathie. C'est d'ailleurs ce qui a plu à Weleda." Le leader suisse de la cosmétique bio a entamé un partenariat avec la société cigaloise, qui pousse l'entreprise à "doubler ses capacités de production"

Une parcelle d'armoise commune • François Desmeures

Dans ce "secteur qui se développe" - et dont le taux de croissance est à deux chiffres aux États-Unis - "la matière première devient la clé", insiste Damien Verrier. Soit, la plante et son extrait, la teinture-mère. Une plante qui est directement traitée dans un laboratoire sur place, "dans un cadre réglementaire très strict : on a besoin de produire trois lots et d'effectuer des tests de stabilité pendant 5 ans". Avec quatre tests la première année, et quatre autres jusqu'aux 5 ans. "C'est souvent ce qui rebute les fabricants".

1,5 hectare de terre arrable est réellement en production sur les 4 hectares de la zone de culture • François Desmeures

"L'avantage, sur ces terres d'un mas du XVIIe siècle, c'est qu'il n'y a aucun intrant", se réjouit Jeanne Merlay, directrice du développement agronomique chez Sevene et véritable responsable des quatre hectares de culture, des choix d'essence, de l'emplacement idoine des plantes et de leur bonne croissance. Sur les terres, un premier laboratoire a été implanté. "Le temps entre la récolte des plantes et le moment de la production est super important. Certaines plantes doivent être utilisées dans les deux heures", précise Damien Verrier. Déplacer le laboratoire à Saint-Hippolyte, à côté du siège, aurait donc amené plus de problèmes que de solutions.

François Desmeures

"On récupère les plantes, puis on passe à la pharmacopée, détaille Jeanne Merlay. Soit plusieurs étapes qui permettent d'extraire le principe actif." Et la directrice agronomique insiste sur la qualité des matières premières. "On est plus que bio, on mène une agriculture totalement naturelle." Car, dans la plante, rien ne doit être extrait en dehors du principe actif qui peut se trouver dans les feuilles, la racine, ou encore la tige.

À chaque étage, des couleurs et un décor différents • François Desmeures

"Les plants arrivent, on les découpe et on pratique un premier test pour savoir quel degré d'alcool ajouter", poursuit Jeanne Merlay. Une macération de deux à trois semaines intervient, "qu'on agite régulièrement. À la fin, avec la pression des plantes, on extrait tous les principes actifs." Si une vingtaine de "plantes-clé" assure la majeure partie de la production homéopathique, "on a une centaine de plantes en culture disponibles. En matière médicale, il doit en exister 600 ou 700. Mais avec une centaine, on couvre déjà 90 % du marché." Et pour les quelques plantes exotiques, savoir-faire et production proviennent de Madagascar.

La valériane, en fleurs actuellement • François Desmeures

"Ici, poursuit Jeanne Merlay en faisant visiter les terrasses en culture, on cultive donc toutes les plantes des climats tempérés. Avec des zones plus ou moins ombragées, on travaille pour adapter le bon sol et l'ensoleillement. Ici, c'est vraiment un bon compromis." Sur les quatre hectares de culture, "1,5 ha sont des terres arables véritables. On a augmenté d'un hectare il y a deux ans, qu'on va mettre en culture à l'automne prochain." En essayant, toujours, de partir de la graine et non de plants achetés.

La lavande officinale, qui possède notamment des propriétés antiseptiques • François Desmeures

Car les quantités de matières premières nécessaires ne sont pas si importantes. "Il faut environ un kilo de plantes pour un litre de teinture-mère", définit Jeanne Merlay. Et on a besoin de quatre ou cinq litres pour fabriquer les médicaments. Pas plus, et parfois moins. On a des plantes vivaces, mais aussi quelques plantes annuelles avec lesquelles on fait des rotations de culture."

"Une année charnière, où on doit passer de start-up à entreprise"

Damien Verrier, PDG de Sevene

"On avait fait une analyse, pour comprendre la biologie du sol, sur deux mètres, poursuit Jeanne Merlay. On a vu qu'on avait deux types de sol. On dispose de trois types d'exposition différents sur les parcelles. On a aussi recréé une zone humide, dans le bas, alimentée par des sources naturelles." Pour l'arrosage, l'exploitation dispose d'un forage et de quelques bassins anciens. Mais la présence d'arbres et de paillage assurent le maintien d'une certaine humidité. "Qui dit agriculture humaine, dit intervention humaine", poursuit Jeanne Merlay, qui chapeaute, sur place, trois ouvriers agricoles. Et sans doute plus, bientôt, avec la production pour Weleda.

La salle de séchage des végétaux, phase essentielle, qui prend environ trois semaines • François Desmeures

"Cette année est une année charnière, où on doit passer de start-up à entreprise, résume son PDG, Damien Verrier, dans un monde où tout le monde fait de la sous-traitance." Car en plus de Weleda et de l'homéopathie que l'entreprise envoie sur le marché américain, que ce soit pour les humains ou les animaux, "on mène un projet de recherche de travail sur de l'agro-homéopathie". Ou comment soigner délicatement d'éventuelles maladies ou traumatismes des plantes agricoles. Comme l'arnica, sous forme liquide, qui aiderait la plante à se reprendre plus rapidement après un épisode de grêle. L'arnica, justement, à la base de nombreuses préparations, notamment pour Weleda, Jeanne Merlay essaie actuellement de l'acclimater dans cette vallée humide de Monoblet, alors que la fleur préfère généralement des altitudes plus importantes.

Une parcelle d'arnica, en cours de plantation et d'expérimentation • François Desmeures

Localement, c'est à la vigne que Damien Verrier espère vendre ses traitements d'agro-homéopathie. "On commence une expérimentation dans les vignes de la Maison Blanc Senthille. On travaille sur le dépérissement, un problème qui n'a pas de solution, même en agriculture conventionnelle. On espère offrir un éventail de solutions contre le stress hydrique." Et ainsi pouvoir, éventuellement, limiter l'irrigation à terme. Car si l'homéopathie de Sevene essaie de répondre aux enjeux de son époque, la production nécessaire à sa réalisation subit, elle aussi, les affres climatiques de son temps...

Les productions sont parfois très réduites pour les principes actifs de l'homéopathie • François Desmeures

Les quatre hectares de la zone de production ont été aménagés telle une promenade pour les clients et visiteurs extérieurs • François Desmeures

Entouré d'arbres, les parcelles bénéficient souvent d'une part de leur ombre pour adoucir les canicules • François Desmeures

Un eucalyptus, vestige de l'exploitation précédente, au bas des terrasses de production • François Desmeures

La prèle des champs, dans une zone humide recréée en bas de vallon • François Desmeures

François Desmeures

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Sevene doit agrandir sa zone de production dans les mois qui viennent • François Desmeures

François Desmeures

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