L'INTERVIEW Me Khadija Aoudia, bâtonnière de Nîmes : "L'ascenseur social est tombé en panne depuis très longtemps"
"Pour la quasi totalité du reste de la population qui vit paisiblement dans ces quartiers, c'est la double peine. Ils subissent à la fois l'abandon des politiques et la mise sous tutelle de la voyoucratie."
Après les drames successifs à Pissevin, Me Khadija Aoudia, bâtonnière du barreau de Nîmes, mais avant tout avocate pénaliste et femme de combat, s'exprime sans concession sur la réalité nîmoise. Elle est l'invitée d'Objectif Gard.
Objectif Gard : Comment avez-vous réagi après cette actualité si dramatique dans ce quartier populaire nîmois ?
Me Khadija Aoudia : Premièrement, on ne peut qu'être forcément attristé et déplorer ces nouveaux drames. Pour moi, l'espère humaine est inviolable. La perte d'une vie humaine dans ce contexte de violence est insoutenable.
Vous avez, à plusieurs reprises, alerté sur la situation dans ces quartiers nîmois. Quel est pour vous le nouveau constat à faire aujourd'hui ?
Mais le constat est connu depuis des années. On a surfé ces derniers jours sur la vague de l'insécurité que l'on ressort systématiquement pour des besoins électoraux sans se soucier du fond du problème. Parce qu'il n'intéresse pas. La société n'est pas prête à s'intéresser à cette population. Ils sont invisibles jusqu'aux drames. Le contexte d'insalubrité, de pauvreté conduit à avoir quelle option pour survivre ? Pour une faible minorité, heureusement, les alternatives sont évidentes entre la radicalisation islamiste et le trafic de stups. Pour la quasi totalité du reste de la population qui vit paisiblement dans ces quartiers, c'est la double peine. Ils subissent à la fois l'abandon des politiques et la mise sous tutelle de la voyoucratie. En conséquence, les jeunes qui ne sont ni radicalisés, ni voyous paient le prix de la disqualification et celui de la violence.
Il n'y a donc pas de solutions pour vous ?
Elles sont nombreuses au contraire. Mais l'ascenseur social est tombé en panne depuis très longtemps. Se rajoute depuis trop longtemps maintenant l'instrumentalisation politique qui joue sur les peurs. Cette peur quand elle se cristallise provoque haine et rejet. Il est évident qu'aujourd'hui nous devons réfléchir à une meilleure inclusion de ces jeunes qui n'ont pas demandé à subir tout cela.
Est-ce que la bâtonnière du barreau de Nîmes garde espoir ?
Dans la continuité de la politique du bâtonnier centré sur la nécessité d'avoir un barreau fort et indépendant garanti par l'état de droit. Et surtout, et cela fait écho avec nos échanges précédents, sur la défense de la dignité humaine et des libertés fondamentales.
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