Publié il y a 1 mois - Mise à jour le 15.03.2024 - Propos recueillis par Louis Valat - 5 min  - vu 1488 fois

L'INTERVIEW Jérôme Liotier, médecin du sommeil : "Une apnée du sommeil sévère peut multiplier par quatre le risque d'un infarctus du cœur ou d'un AVC"

Le Dr Jérôme Liotier du Somnum d'Alès.

- Photo d'illustration. Droits réservés.

Ce vendredi 15 mars, la 24e Journée mondiale du sommeil sera célébrée avec une thématique - année olympique oblige - centrée sur le sommeil, l'exercice physique et l'alimentation. Pour marquer l'événement, un stand d'information et de dépistage, en collaboration avec l'équipe du Dr Liotier, sera installé à partir de 10 heures dans le hall de la clinique Bonnefon d'Alès. L'occasion d'interroger le fondateur des centres Somnum d'Alès et Nîmes, entre autres.

Le covid a incontestablement laissé des traces sur le sommeil des Français. Selon les chiffres de Santé publique France, près de 70 % de la population déclare souffrir de troubles du sommeil, une augmentation alarmante qui affecte désormais un Français sur deux. Comment y remédier ? Et surtout, à partir de quand s'en inquiéter ? Pour répondre à ces interrogations, Objectif Gard a sollicité l'expertise du Dr Jérôme Liotier, anesthésiste-réanimateur et spécialiste du sommeil, qui exerce notamment à la Nouvelle clinique Bonnefon à Alès, au sein de son centre Somnum.

Objectif Gard : En quoi est-il important de bien dormir ?

Dr Jérôme Liotier : Il est important d'avoir un sommeil réparateur avant tout pour être en forme, avoir les idées claires, ne pas avoir de troubles de l'attention, de mémoire, et ne pas être irritable. Un bon sommeil sert également à renforcer notre immunité. Les gens ne le savent peut-être pas, mais nous avons tous fait l'expérience de mal dormir après une soirée festive, et comme par hasard, deux jours plus tard, nous attrapons un petit virus. Mais il n'y a pas de hasard : moins on dort, moins notre immunité est efficace. Le sommeil permet également de traiter les expériences négatives passées, c'est pourquoi nous faisons parfois des cauchemars. Il contribue à la réparation de l'organisme et au repos de l'esprit.

"Sensibiliser et dépister sont les objectifs de cette journée. L'idée est de privilégier la médecine préventive plutôt que la médecine curative, car mieux vaut prévenir que guérir. En France, comme dans de nombreux pays occidentaux, nous avons du retard en matière de médecine préventive."

Jérôme Liotier, somnologue

Quel est l'objectif de cette Journée internationale du sommeil ?

L'objectif est de sensibiliser la population, vraiment, en particulier sur l'une des pathologies du sommeil dont on parle le plus : l'apnée du sommeil. Nous savons désormais que c'est un facteur de risque cardiovasculaire (il est le huitième facteur de risque cardiovasculaire, NDLR), et que cela obstrue les artères comme le diabète, le tabac... Une apnée sévère non traitée peut multiplier par quatre le risque d'un infarctus du cœur ou d'un AVC. C'est un vrai sujet de prévention. Sensibiliser et dépister sont les objectifs de cette journée. L'idée est de privilégier la médecine préventive plutôt que la médecine curative, car mieux vaut prévenir que guérir. En France, comme dans de nombreux pays occidentaux, nous avons du retard en matière de médecine préventive.

Le Dr Jérôme Liotier du Somnum d'Alès. • Photo d'illustration. Droits réservés.

Quels sont les symptômes d'un mauvais sommeil et comment les reconnaître ?

Nous avons distingué des signaux provenant de la nuit et d'autres qui se manifestent durant la journée à la suite d'un mauvais sommeil. Les symptômes nocturnes incluent l'agitation nocturne, l'insomnie, les réveils fréquents la nuit, le ronflement (chez les hommes comme chez les femmes), la nycturie (se réveiller plus de deux fois par nuit pour uriner, NDLR), les pauses respiratoires ou la sensation d'arrêter de respirer. Pendant la journée, on peut ressentir de la fatigue, de l'irritabilité, un mauvais caractère, des maux de tête dès le matin, des troubles de concentration, de mémoire, de la somnolence, parfois excessive, comme en salle d'attente ou au volant. Ces endormissements involontaires peuvent être dangereux et entraîner des accidents. L'apnée du sommeil double le risque d'accidents.

"Nous avons à l'esprit l'homme obèse de 50 ans qui ronfle, mais en réalité, il faut penser que l'on a des cas moins typiques, comme à la ménopause, qui peuvent faire de l'apnée du sommeil."

Jérôme Liotier, somnologue

Et quels sont les facteurs les plus courants qui contribuent aux troubles du sommeil ?

Il y a des facteurs génétiques que l'on ne peut évidemment pas contrôler. Il y a des facteurs anatomiques comme le fait d'avoir un cou plus gros, les tours de cou de plus de 40 centimètres ; quand la langue est mal positionnée, un peu trop en arrière ou lorsque le menton fuit légèrement en arrière, la rétrognathie. Il y a des facteurs aussi physiologiques, comme le nerf hypoglosse - qui stimule la langue - s'il est un peu paresseux, la langue est plus faible et va interrompre la respiration de manière intermittente. Plus on vieillit, plus on va faire de l'apnée et plus on grossit, plus on va faire d'apnée. Une fois opéré, souvent cela régresse. Nous avons à l'esprit l'homme obèse de 50 ans qui ronfle, mais en réalité, il faut penser que l'on a des cas moins typiques, comme à la ménopause, qui peuvent faire de l'apnée du sommeil. Outre la sensibilisation du grand public, il est également important de transmettre ce message à nos collègues médecins généralistes. Il faut savoir explorer et faire un examen complet du sommeil, comme on ferait un scanner pour un mal de tête. Les somnifères, qu'ils soient à action prolongée ou courte, peuvent avoir des effets néfastes sur le cerveau.

Les troubles du sommeil concernent plus de la moitié de la population en France. • Photo d'illustration DR

Est-ce que l'utilisation du smartphone avant de dormir joue réellement sur le sommeil ?

Tout à fait ! Cela s'appelle les règles d'hygiène du sommeil qui sont les suivantes : pas de lumière bleue - tablettes, smartphones, ordinateurs - le soir après 22 heures au risque de ne pas s'endormir, mais aussi de ne pas prendre de bain chaud le soir, car nous savons que l'hypothermie fait que l'on s'endort, ne pas faire d'exercice physique pour les mêmes raisons, cela crée de l'hypothermie dans le corps et aller se coucher quand on sent que l'on en a besoin, et pas décaler au risque de perdre un cycle.

Le débat sur la durée de sommeil nécessaire pour maintenir une bonne santé est un éternel sujet. Selon vous, quelle est la durée de sommeil recommandée pour une bonne santé ?

Bien dormir, c'est faire le nombre d'heures de sommeil pour lequel nous sommes programmés génétiquement. La norme, c'est 7 à 8 heures de sommeil par nuit, c'est le cas de 80 % de la population. Il y a ensuite les court-dormeurs, 10 % de la population, qui dorment moins de 6 heures et qui n'ont pas besoin de plus. Et les long-dormeurs, 10 % également des Français, pour qu'il faut plus de temps, c'est génétiquement programmé. Il faut bien se connaître individuellement. La plupart a besoin de 7 ou 8 heures, donc il faut rester là-dessus. Lorsque l'on descend en dessous de ce seuil, il faudra de toute manière récupérer les heures perdues.

"Si les personnes connaissent toutes les règles de sommeil évoquées précédemment et savent comment repérer les troubles du sommeil, nous aurons réussi notre journée."

Jérôme Liotier, somnologue

Quelles sont les activités proposées lors des ateliers que vous organisez aujourd'hui à la Nouvelle clinique Bonnefon d'Alès ?

Sensibilisation, information et proposition de dépistage, puisqu'il est remboursé complètement par la Sécurité sociale. Parler du sommeil, voir comment traiter les insomnies, analyser son sommeil au moins une fois dans sa vie car les montres connectées ne sont pas encore assez fiables pour cela. Et je pense que si les personnes connaissent toutes les règles de sommeil évoquées précédemment et savent comment repérer les troubles du sommeil, nous aurons réussi notre journée.

Informations complémentaires

Le stand d'information et de dépistage sur les troubles du sommeil proposé par le centre Somnum d'Alès sera à retrouver dans le hall d'entrée de la clinique Bonnefon au 45 avenue Carnot. Ouvert au public, de 10 à 12 heures.

Propos recueillis par Louis Valat

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