FAIT DU JOUR Sous les coutures du temps : la Maison Fragonard ouvre un musée de la Mode et du Costume à Arles

Le musée de la Mode et du Costume de la Maison Fragonard a ouvert le 6 juillet.
- S.MaLe chantier de restauration, ralenti par la crise covid, n'est désormais plus qu'un souvenir. Qu'il faut bien sûr encore raviver à la demande des visiteurs, intrigués par la métamorphose du site. Mais ici, dans ce bâtiment du XVIIe siècle, les pierres, la calade et l'escalier monumental partagent la scène avec l’exposition "Collections-Collection", conçue par Clément Trouche. Ainsi, on y est : le musée de la Mode et du Costume de la Maison Fragonard est officiellement ouvert.
Numéro 16, rue de la Calade à Arles. Mercredi 2 juillet, 14h20. Une jeune femme, les cheveux noués en arrière, se penche sur la porte d'entrée en bois de l'hôtel Bouchaud de Bussy. « Dommage », lâche-t-elle en remontant son sac en toile sur son épaule. Elle rattrape son ami en direction du théâtre antique. Dommage, car ce qui avait attiré son regard, ce fameux musée de la Mode et du Costume, n'était pas encore ouvert à ce moment-là. C'est désormais chose faite, depuis hier, dimanche 6 juillet. Enfin !, diront certains. Clément Trouche le premier, lui qui a imaginé chaque détail de ce projet et cela depuis presque deux décennies. L'enfant du pays est lié à la Maison Fragonard dirigée par les sœurs Costa, Anne, Agnès et Françoise.
Après l'achat de l'hôtel Bouchaud de Bussy en 2019, d'importants travaux de restauration ont été engagés pour redonner à la bâtisse datée du XVIIe siècle ses lettres de noblesse. Une mission confiée à Karl Fournier et Olivier Marty du studio KO – musée Yves Saint-Laurent à Marrakech entre autres réalisations – et Nathalie d'Artigues, architecte du patrimoine et fondatrice de l’agence NDA. Le site en a connu des métamorphoses. Dans les années 40, l'hôtel particulier a été reconverti en clinique, puis, 20 ans plus tard, en hébergement touristique. « La première partie des travaux a été d'enlever tous ces agglomérats que l'histoire et l'architecture des XIXe et XXe siècles avaient pu ajouter à cette demeure patricienne », explique Clément Trouche, directeur du musée de la Mode et du Costume. Le curage patrimonial a fait ressurgir les volumes d'origine. « Karl et Olivier sont venus s'intégrer dans ce lieu avec leurs âmes d'architectes contemporains, minimalistes, un peu brutalistes, mais avec une belle vision de ce que pouvait être un lieu du XVIIIe siècle », insiste l'Arlésien, spécialiste du costume provençal. Dans le vestibule d'entrée, un escalier monumental des années 1720 s’élève majestueusement, tandis qu’une large baie vitrée dévoile une cour, à l'endroit où avait été installé un monte-brancards, et une calade reconstituée tel un tapis.
Ce projet de musée et de sauvegarde de la collection arlésienne est né d'une rencontre entre deux familles, les Costa et les Pascal. « Nous sommes, mes sœurs et moi, les dépositaires d'une collection de costumes provençaux constituée par notre mère – Hélène Costa, NDLR – », indique Agnès Costa. Après le décès de leur maman en 2007, les actuelles dirigeantes de la Maison Fragonard ont continué à faire vivre cette collection. L'entreprise de parfums grassoise fondée en 1926 – qui s'est depuis bien développée – a ouvert le musée provençal du bijou et du costume. « En 2015, alors que nous avions l'impression d'avoir fait le tour de la collection de notre mère et sous les conseils de Christian Lacroix, nous avons contacté la famille Pascal, grande collectionneuse de costumes arlésiens. Magali et sa fille Odile ont accepté de présenter les trésors de la collection Pascal à Grasse », rembobine Agnès Costa. Un peu plus tard, une grande partie de la collection Pascal sera cédée aux sœurs Costa. Toutes ces pièces collectionnées par Hélène et Magali, « absolument complémentaires », permettent alors de « couvrir tout le pourtour méditerranéen français dans la mode féminine du XVIIIe jusqu'au début du XXe siècle ».
"Collections-Collection", la première exposition
Ainsi est née cette première exposition présentée jusqu'au mois de janvier au musée de la Mode et du Costume à Arles, intitulée Collections-Collection. Au sommet de l'escalier monumental, la grande galerie plongée dans la pénombre où les silhouettes de mode côtoient les costumes traditionnels. L’histoire y reprend vie dans une présentation chronologique, témoin de la transformation incessante des corps et de l’évolution des styles. « Ce sont pour la plupart des pièces inédites ou des pièces qui n'ont pas été présentées au public depuis plus de dix ans », souligne Clément Trouche. « Nous n'avons pas d'exposition permanente, car Arles vit au rythme des saisons. Nous allons jouer sur cette saisonnalité pour créer une programmation dynamique et évolutive, qui donnera envie aux Arlésiens comme aux touristes de venir, et surtout, de revenir souvent ». Des œuvres d’Antoine Raspal viennent rythmer et enrichir le parcours. Avec ses portraits raffinés et ses détails textiles d’une grande finesse, le peintre arlésien – dont les sœurs aînées dirigeaient un atelier de couture attenant aux Thermes de Constantin – accompagne le visiteur à travers une mémoire tissée d’art et de tradition.
Une création du photographe à la renommée internationale, Charles Fréger, s'intéresse aux gestes, ceux qui feront de ces Arlésiennes de véritables muses. Parmi d'autres, Camille Hoteman, nouvelle reine du Félibrige, et Amélie Laugier, XVe reine d'Arles, participent à ce ballet chorégraphié dédié à l'art de la coiffure et de l’habillage en un temps record de six minutes !