Publié il y a 2 h - Mise à jour le 24.09.2025 - Stéphanie Marin - 5 min  - vu 102 fois

GARD & ARLES Ligne à très haute tension : du débat à "la langue de bois"

Les préfets Georges-François Leclerc et Jérôme Bonet ont assisté à l'ultime réunion organisée par la CNDP, ce lundi à Istres.

- S.Ma

Ce lundi 22 septembre à Istres, plus de 300 personnes - en présentiel et en ligne - ont assisté à la restitution du compte-rendu et du bilan du débat public qui s'est tenu du 2 avril au 13 juillet, sur des projets de réindustrialisation et de décarbonation du territoire de Fos-sur-Mer et de l’étang de Berre.

Certains sont désabusés, d'autres tentent encore de garder espoir. Les opposants à l'implantation de 180 pylônes électriques d'environ 60m de haut entre Jonquières-Saint-Vincent et Fos-sur-Mer attendaient des annonces de la part du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Georges-François Leclerc. Ce dernier prenant la suite de Christophe Mirmand, à l'origine du lancement d'un débat global placé sous l'égide de la Commission nationale du débat public (CNDP) et portant l’ensemble des projets de réindustrialisation et de décarbonation du territoire de Fos-sur-Mer et de l’étang de Berre et les effets cumulés.

Audrey Richard-Ferroudji, présidente de la commission particulière du débat public à la CNDP et son président, Marc Papinutti. • S.Ma

Plus de 5 000 personnes ont participé au débat global

Un travail mené par l'équipe d'Audrey Richard-Ferroudji, articulé autour de 44 rencontres publiques dont 15 réunions publiques, 13 visites et 6 webinaires ; auxquelles 5 206 personnes ont participé sur l'ensemble des territoires concernés dont Beaucaire, Arles, Saint-Martin-de-Crau. Le compte-rendu a été publié en ligne, un document de 198 pages, dans lequel la CNDP(*) a formulé plusieurs demandes de précisions et recommandations - non contraignantes - aux porteurs de projets et à l'État, lesquels ont trois mois pour y apporter leurs réponses, soit au plus tard le 13 décembre 2025.

>> À relire : FAIT DU JOUR. Enterrée ou enfouie, de quel côté penchera la balance ?  

Quelques minutes avant la réunion de restitution du bilan de ce débat global organisée hier à Istres, Jean-Luc Moya, membre du collectif 13-30, exprimait sa satisfaction après lecture du document. "Sur les 128 recommandations de la CNDP, entre 10 et 15 sont exactement celles que nous avons formulées, a-t-il souligné. Ce document démontre qu'il y a un consensus sur les besoins électriques de la ZIP de Fos-Berre mais une opposition massive du territoire sur les solutions techniques pour y arriver." C'est la ligne aérienne à très haute tension (400 000 volts) qui est visée, un projet porté par RTE, gestionnaire du réseau de transport d’électricité, pour 300 M€. Un contre-projet - une ligne enterrée en courant continu - avait été présenté par le collectif THT 13-30 et fait l'objet d'une tierce-expertise.

Les membres du collectif THT 13-30, lundi 22 septembre à Istres. • S.Ma

>> À relire : ARLES. Ligne à très haute tension : un scénario affiné

La CNDP recommande par ailleurs, de compléter cette tierce-expertise. "Cette seule demande formulée à l'encontre de l'État est un véritable plaidoyer pour une solution qui apportera aux industriels actuels et futurs de la ZIP de Fos, l’énergie dont ils ont besoin pour assurer la décarbonation et la réindustrialisation de la zone tout en préservant les économies, les habitants et l’environnement des terres de Camargue, de Crau et d’Argence", a commenté Jean-Luc Moya. L'autorité indépendante propose également d'étudier "les impacts des différents raccordements sur le plan socio-économique et environnemental", de préciser "les scénarios d'évolution des besoins en électricité" et "d'explorer des financements complémentaires pour les surcoûts d’alternatives qui auraient un impact moindre sur les territoires, a minima sur les projets alternatifs de ligne THT Jonquière-Fos".

René Raimondi, maire de Fos-sur-Mer, dénonce "un débat à charge".  • S.Ma

Forts de tous ces arguments, les opposants aux géants d'acier, fervents demandeurs d'une co-construction, se mettaient à rêver à une prise de position du préfet de région dès ce lundi. Le suspense aura duré plus de deux heures. Un temps nécessaire pour permettre à la CNDP de dérouler son compte-rendu et de donner la parole aux participants, parmi lesquels le maire de Fos-sur-Mer. René Raimondi a fustigé le débat qu'il estime "à charge". "Il y a eu des prises de parole beaucoup plus longues pour les antis que pour ceux qui étaient pour les projets. On donne le pouvoir aux citoyens, c'est bien, mais ce pouvoir existe déjà, ce sont les élections. Le débat public enfonce des portes ouvertes. Mais j'ai une question à poser : 'Et si on ne faisait plus rien ?' Continuons à importer les produits de Chine... Les poches seront vides, on n'y arrivera plus et on pleurera." Les industriels se sont également exprimés, s'inscrivant dans une volonté de co-construction, tout en appelant à davantage de clarté concernant les coûts et les délais pour permettre l’avancement concret des projets.

Le préfet des Bouches-du-Rhône, Georges-François Leclerc et son homologue gardois, Jérôme Bonet, lundi à Istres. • S.Ma

Charge au préfet Leclerc, accompagné de son homologue gardois, Jérôme Bonet, de répondre à toutes ces attentes. Le représentant de l'État s’est appliqué à équilibrer les engagements des industriels et ceux des agriculteurs. Pour les premiers, il assure avec force "devoir leur apporter l'électricité dont ils ont besoin au moment où ils en ont besoin". "L'essentiel du débat que je vais mener dans les prochaines semaines, c'est de savoir comment l'apporter, et je serai attentif aux délais, sinon les termes de compétitivité et d'attractivité n'ont pas de sens", a-t-il complété. Les élus seront à nouveau consultés, puis le monde agricole, les industriels, "et au moment venu, nous nous retournerons vers notre gouvernement et lui présenterons un scénario qui sera équilibré et prendra en compte tout ce que nous avons entendu, lu".

Un scénario, poursuit-il, "qui devra absolument tenir compte de tout ce qu'apportent les industriels à cette région, en termes d'emplois, de stabilisation de filières, de valeurs." Quant aux demandes de précisions et recommandations adressées par la CNDP, le préfet avertit d'ores et déjà qu'il ne se sent "pas tenu de répondre à tout." "Nous répondrons de manière intelligente, loyale, complète. Nous ne nous laisserons jamais entraîner sur un terrain glissant qui est celui d'une grande démocratie qui ne prend pas les décisions qu'il faut au moment où il faut." Fin de la réunion.

"Il va falloir se retrousser les manches"

Le devant de la scène est vide, pourtant Cédric Bernardi, riziculteur et éleveur de chevaux de race Camargue, dont les terres sont ciblées par trois pylônes, ne parvient à détourner ses yeux. Comme s'il se refaisait le film de ce début de soirée, "c'est un cauchemar, il va falloir se retrousser les manches, on ne se laissera pas faire." En petit groupe, les opposants à la ligne THT aérienne se sont échangés leurs avis, pessimistes, sceptiques. "Il ne s'est pas mouillé, commente Cyril Marès, président de la Copa 30 et de l'AOC des Costières de Nîmes. Celui-là "ose y croire encore". "Mais j'espérais mieux, qu'il prenne un vrai engagement sur une étude approfondie des alternatives afin d'aller vite."

Guillaume Meffre, oléiculteur et moulinier, n'y est pas allé par quatre chemins : "Je pense qu'on sera sacrifiés sur l'autel de la modernité et de l'innovation." Pour Michel Perronet, ingénieur retraité, 39 ans de vie professionnelle au Port Autonome de Marseille, "nous venons d'assister à une belle démonstration de langue de bois". Ce discours crée même un sentiment de méfiance, alors que le préfet prônait la confiance. "On va surveiller d'encore plus près les décisions", a lâché Romain Collard, viticulteur à Beaucaire. Et déclencher, si nécessaire, la bataille juridique, le collectif 13-30 s'y prépare.

*Autorité indépendante chargée de garantir le droit à l’information et à la participation de toutes les personnes aux décisions qui concernent l’environnement.

Il vous reste 80% de l'article à lire.

Pour continuer à découvrir l'actualité d'Objectif Gard, abonnez-vous !

Votre abonnement papier et numérique
à partir de 69€ pour 1 an :

  • Votre magazine en version papier et numérique chaque quinzaine dans votre boite aux lettres et en ligne
  • Un accès illimité aux articles exclusifs sur objectifgard.com
Stéphanie Marin

Arles

Voir Plus

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio