Publié il y a 1 jour - Mise à jour le 04.06.2025 - Stéphanie Marin - 6 min  - vu 906 fois

FAIT DU JOUR Projet de ligne THT : aérienne ou enfouie, de quel côté penchera la balance ?

Projet de ligne THT : près de 800 personnes étaient réunies lundi au Palais des congrès à Arles.

- S.Ma

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Près de 800 personnes ont assisté à la réunion organisée lundi à Arles par la Commission nationale du débat public. Toujours sur le thème du projet de création d'une ligne aérienne 400 000 volts entre Jonquières-Saint-Vincent et Fos-sur-Mer, il s'agissait cette fois-ci d'examiner les alternatives. 

Vers 16h, une dizaine de tracteurs s'est engagée sur la RN 113 au niveau d'Arles pour une petite opération escargot jusqu'à la sortie de Barriol. • S.Ma

Inutile de prolonger un suspense superflu. "La décision n'est pas prise, on en est loin", a déclaré Georges-François Leclerc, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et des Bouches-du-Rhône en fin de séance. Une déclaration sur laquelle il faudra revenir un peu plus loin, plus en détail. Car pendant près de quatre heures, les discussions se sont enchaînées autour du projet de ligne aérienne à haute tension (400 000 volts) entre Jonquières-Saint-Vincent et Fos-sur-Mer, porté par RTE, gestionnaire du réseau de transport d’électricité. Un rendez-vous organisé par la Commission nationale du débat public(*) au Palais des Congrès à Arles ce lundi 2 juin, très attendu. Preuve en est, le nombre de participants : près de 800.

Sur la RN113 lundi en fin d'après-midi. • S.Ma

>> À relire : FAIT DU SOIR. Ligne à très haute tension : en attendant le 2 juin

Avant même l'ouverture de cette réunion, des agriculteurs gardois et bucco-rhodaniens s'engageaient sur la RN 113 à hauteur d'Arles, au volant de leurs tracteurs, encadrés par les forces de l'ordre. Conséquence de quoi, la circulation a été ralentie pendant plusieurs dizaines de minutes sur ce tronçon dans le sens Nîmes-Arles. "On veut montrer la solidarité du territoire contre ce projet qui ne verra jamais le jour", indiquait Clément Lajoux, agriculteur et porte-parole de la COPA 13, à l'arrivée du cortège sur le parking du Palais des Congrès.

Ce projet est destiné à décarboner la production industrielle de Fos-sur-Mer, à préparer l'arrivée de nouveaux acteurs industriels sur le site, ainsi qu'à faire face à l'augmentation prévue de la consommation électrique dans la région. Pour ce faire, cela nécessiterait l'installation de 180 pylônes d'environ 60m de haut, sur une distance de 65km  en passant par une partie de la Terre d'Argence, Arles et Saint-Martin-de-Crau. Pour un montant, selon RTE, de 300M€. 

Les représentants des différents collectifs et organisations opposés au projet de ligne THT aérienne, ce lundi à Arles. • S.Ma

Un dossier qui mobilise de nombreux acteurs économiques, écologiques ainsi que des élus, des citoyens des territoires concernés, qui y sont opposés. Ceux-là avaient obtenu de la part du précédent préfet de région, Christophe Mirmand, l'organisation d'un débat global placé sous l'égide de la Commission nationale du débat public (CNDP) portant sur l'avenir industriel de Fos-Berre et des territoires liés (une quarantaine de projets) ; ainsi que la réalisation d'une étude indépendante et contradictoire "pour permettre de justifier le choix d'une technologie aérienne, par rapport à une solution d'enfouissement" proposée par les opposants dans la lutte depuis plus d'un an.

Le préfet de région Sud et des Bouches-du-Rhône à la rencontre des cavaliers de la Nacioun Gardiano, juste avant la réunion publique.  • S.Ma

>> À relire : ARLES : Ligne à très haute tension : un scénario affiné

Cette tierce-expertise a été publiée sur le site de la CNDP et présentée lundi par Marc Petit, professeur à CentraleSupélec. Après avoir défendu la neutralité de son rapport - en réponse aux propos tenus lors d'une précédente réunion concernant un partenariat historique entre CentraleSupélec et RTE - l'auteur a déroulé une analyse très technique sur les solutions de renforcement de l’alimentation électrique de la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-mer.

Parmi lesquelles celle du gestionnaire du réseau de transport d’électricité, défendue à Arles par Vincent Fletin, expert national grands projets RTE  et Arthur Audouard, responsable national du programe 400kV ; qui "en dehors de tout impact paysager et avifaune [...] serait celle à retenir compte-tenu de ses avantages techniques indiscutables en termes de délai de mise en œuvre (2029), coût (300 à 400 M€) et disponibilité. Cette solution aérienne permet de facilement obtenir un dimensionnement de forte puissance", peut-on lire dans la synthèse.

Arthur Audouard, responsable national du programe 400kV et Vincent Fletin, expert national grands projets RTE. • S.Ma

Autre solution analysée, l'enfouissement partiel qui nécessiterait notamment l'identification de la localisation des siphons et la construction de postes électriques intermédiaires mais dont l’estimation des coûts (500 à 900 M€ selon les cas) montre que le surcoût n’est pas démesuré par rapport à la solution proposée par RTE. Et puis, celle proposée par le collectif THT 13-30, présenterait "une pertinence technique en cherchant à mutualiser plusieurs projets d’infrastructure au-delà de la seule zone de Fos/mer : le raccordement éolien offshore et éventuellement la levée de contraintes sur le réseau 400 kV entre Tavel et l’Occitanie. Par ailleurs, cette solution apporte un meilleur maillage de la ZIP avec trois voies d’accès (depuis Jonquières, depuis Réaltor, et depuis la mer), et permettrait de mieux exploiter la capacité constructive de l’axe Réaltor-Feuillane (par rapport à une solution en courant alternatif sans dispositifs de réglage des flux)."

Marc Petit, professeur à CentraleSupélec, auteur de la tierce-expertise. • S.Ma

Des points faibles ont été relevés par rapport au projet de RTE : le coût même si les opposants réfutent les estimations avancées par RTE soit 10 à 12 fois plus élevé ; une indisponibilité longue sur incident et les délais. Sur ce dernier point, Marc Petit apporte une nuance très appréciée et applaudie par la majorité de l'assemblée : "Le besoin de dimensionnement a été évalué sur la base des demandes de raccordement (à l'horizon 2030, NDLR). Mais aujourd'hui on peut s'interroger sur la vitesse à laquelle tous ces projets vont arriver, sur la maturité technologique de certains projets. Et s'il s'avère que les choses peuvent être échelonnées, est-ce qu'on peut avoir une réflexion différente de construction du projet d'alimentation électrique ?" C'est-à-dire prendre plus de temps. 

Projet de ligne THT : près de 800 personnes étaient réunies lundi au Palais des congrès à Arles. - S.Ma • S.Ma

Des propos qui ont fait réagir d'un côté comme de l'autre. Un représentant du secteur industriel a jugé très dangereux "de parier sur l'échec des projets". Un autre de France Chimie Méditerranée témoigne "d'une crise exceptionnelle par sa durée, sa dureté". "Clairement, sans plan d'urgence sur ce territoire, les emplois seront menacés, sur l'arc méditerranéen, ce qu'il va se passer est très dangereuxPour réussir, il nous faut des certitudes, un cadre clair, une visibilité sur l'accès aux énergies bas carbone, aux infrastructures et un engagement fort des pouvoirs publics, a-t-il poursuivi. Nous avons besoin de confirmer les délais pour l'industrie, nous avons besoin d'une décision pragmatique, nous avons besoin de sécuriser le plus rapidement possible l'alimentation électrique. Ce sont les seules voies qui permettront à l'industrie de réaliser des investissements à long terme." Et de conclure sous les huées : "Aujourd'hui la jeunesse nous regarde, je vous pose la question de savoir si nous serons en capacité de permettre sur ce territoire un avenir industriel comme nos parents avant nous."

Romain Collard, vigneron beaucairois. • S.Ma

Une certaine jeunesse, celle du monde agricole, a fait entendre sa voix à travers plusieurs intervenants dont le vigneron beaucairois Romain Collard. "On ne veut pas être sacrifiés pour ce projet-là. En 1970, il y avait 1,5 million d'agriculteurs en France, nous ne sommes plus que 400 000. Pourquoi continuer à sacrifier nos vies pour vous nourrir et pour faire perdurer l'agriculture française ? Parce qu'il y a des alternatives cohérentes." Et le détail du  protocole d'accord sur l'évaluation des impacts temporaires et permanents présenté par Vincent Fletin (RTE) n'a pas apaisé les tensions dans la salle.

À plusieurs reprises des demandes d'évaluations et de comparaisons plus précises sur les impacts entre les différentes solutions sur les paysages, l'environnement, l'économie agricole et touristique du territoire, mais aussi sur la valeur des propriétés, ont été formulées. Et ce même si les opposants au projet de RTE ont déjà leur idée sur la question et leur opinion : "Ce peuple de Camargue et du Languedoc ne veut pas de la ligne aérienne, nous voulons la ligne en circuit continu enfouie", a scandé un participant.

Patrick de Carolis, le président de la Communauté d'agglomération Arles-Crau-Camargue-Montagnette et maire d'Arles. • S.Ma

Même discours pour Patrick de Carolis en préambule de cette réunion, partagé un peu plus tard par Juan Martinez, président de la Communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence. "Je ne m'attendais à rien ce soir, mais je suis quand même déçu, a lâché le Gardois. Déçu car j'ai toujours les mêmes interrogations, on est toujours dans les mêmes travers, on oppose le territoire de Fos aux autres territoires du Pays d'Arles, de la Terre d'Argence. Il n'y a pas d'opposition (à la réindustrialisation, à la décarbonation, NDLR), on veut juste être respectés, on ne veut pas que notre territoire soit balafré.

Juan Martinez, président de la Communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence et maire de Bellegarde. • S.Ma

"Un signal d'alarme républicain" a été tiré lundi soir. Comme l'avait fait un peu plus tôt Jean-Luc Moya, membre fondateur du collectif THT 13-30, Isabelle Gex, Séverine Théry Perez du Collectif Riverains Arles Plaine de La Crau 13 ont averti le préfet qu'une bataille juridique serait engagée en cas de "tentative de passage en force". Clément Lajoux a quant à lui parlé d'une "guerre à venir".

Venons-en maintenant à la conclusion du préfet Georges-François Leclerc accompagné de son homologue gardois, Jérôme Bonet. Pour rappel, le réprésentant de l'État était déjà présent lors des réunions à Beaucaire et Saint-Martin-de-Crau toujours organisées par la CNDP. "Il est inutile de me mettre la pression de manière agressive, je suis insensible à cela. En revanche je suis particulièrement sensible à des points que j'ai appris aujourd'hui et qui m'ont permis de progresser dans ma réfléxion", a-t-il lancé à l'assemblée citant le contenu de la tierce-expertise dont "certains aspects contrarient le projet de RTE."

À l'arrivée du Georges-François Leclerc, au Palais des Congrès à Arles. • S.Ma

Un point particulièrement et cela en réaction à la prise de parole de Romain Collard : "En tout cas, il y a une chose que j'ai comprise aujourd'hui, c'est que l'agriculture n'est pas seulement une production sur une terre mais c'est un système beaucoup plus important, plus global de valorisation et sans doute est-ce un point qui devra faire partie des intérêts publics que je devrais combiner." Le débat global se terminera le 13 juillet et donnera lieu à un rapport des garants. Reste à connaître la décision des préfets du Gard et des Bouches-du-Rhône quant aux modalités de transport de l'électricité puisque ce sont ces deux-là qui signeront l’arrêté d’utilité publique.

*Autorité indépendante chargée de garantir le droit à l’information et à la participation de toutes les personnes aux décisions qui concernent l’environnement.

Stéphanie Marin

Beaucaire

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