CÔTES DU RHÔNE Face à une crise « inédite et brutale », le Syndicat des vignerons est « dans l’action »
Élu fin décembre dernier, le nouveau président du Syndicat des vignerons des Côtes du Rhône, le Spiripontain Damien Gilles, 37 ans, a dû reporter sa présentation à la presse pour une bonne raison : à la date initialement prévue, il manifestait avec ses confrères agriculteurs et vignerons.
Car ce changement de tête au Syndicat s’effectue dans une période pour le moins troublée. « Nous avons subi des crises au fil des années qui nous ont touchés de différentes façons, mais celle que nous sommes en train de vivre est inédite et brutale », pose Damien Gilles. Il faut dire que « les prix décrochent sans raison, dit le président du Syndicat. Des metteurs en marché et des négociants jouent à un drôle de jeu qu’il va falloir éclaircir. » « On est sur des prix d’il y a vingt ans, et on parle juste en chiffre d’affaires, pas en marge ni en rémunération de l’agriculteur », abonde le secrétaire général du Syndicat Philippe Faure, et ce alors que les prix de vente, notamment en grandes surfaces, ne suivent pas cette tendance.
Quant à l’export, « on devait le trouver comme planche de salut mais il ne l’a pas été, nous avons été victimes du contexte mondial », avance Damien Gilles. Covid, Brexit, guerre en Ukraine n’ont pas aidé, « mais il y a de la place à l’export et sur le marché français, 50 % des volumes sont vendus dans notre pays, il faut qu’on soit conquérant », poursuit-il. La priorité sera donnée aux États-Unis, au Canada, à la Chine, sachant que deux autres marchés, Singapour et la Corée-du-Sud, seront « à défricher », pose Philippe Faure. Le tout sachant que les dernières actions menées aux États-Unis et au Canada avec Inter-Rhône « se sont bien passées », ajoute-il. Et sur le marché domestique, « on va continuer à capitaliser pour que quand on pense rouge, on pense Côtes du Rhône », avance Damien Gilles. Un accompagnement des vignerons sera aussi proposé « jusqu’à la porte de leur caveau pour recevoir les touristes, on est une région ultra touristique mais on n’en joue pas assez », estime le président.
Bref, la situation est grave, mais « trêve de fatalisme », lance Damien Gilles. Car les Côtes du Rhône ont tout de même de solides atouts, « nous restons une marque forte, nous sommes leaders dans les grandes et moyennes surfaces et extrêmement présents dans les cafés, hôtels et restaurants et sur le marché traditionnel », affirme-t-il. Une appellation qui a aussi engagé son évolution pour s’adapter au marché, notamment en développant les blancs et les rosés. Car si la consommation de rouge continue à décrocher, « on n’oubliera pas le rouge, croyez-moi », commente le président du Syndicat.
« Le gros sujet est la désalcoolisation »
Premier chantier donc, adapter la production au marché, en poursuivant la diversification sur les blancs et rosés ou encore la démarche environnementale engagée d’ores et déjà « par plus de 50 % de l’appellation ». Les vignerons attendant aussi de récolter les fruits de « décisions difficiles » prises ces dernières années, comme la distillation de plus de 200 000 hectolitres encombrant les stocks ou encore la baisse des rendements par hectare décidée l’année dernière, qui a entraîné une baisse de production de 200 000 hectolitres « qu’on aurait eu du mal à valoriser », reconnaît Damien Gilles. Dans la même veine, l’arrachage revient sur la table, qui pourrait concerner « 2 000 à 3 000 hectares pour restructurer l’appellation dans la durée », estime le président. Pas rien, pour une appellation de 30 000 hectares. Sur les terres ainsi libérées, le Syndicat veut favoriser l’implantation d’autres cultures pour lesquelles la demande est plus soutenue.
Le Syndicat a aussi déjà travaillé avec l’interprofession Inter-Rhône sur un référentiel des prix de production devant permettre la mise en place rapide de prix planchers, évoquée par le Président de la République récemment. Il est aussi question de simplifier le cahier des charges de l’appellation pour l’adapter au changement climatique. « Il faut nous adapter aux changements climatique et comportemental, adapter nos profils de vins », reprend Philippe Faure. Trois profils de blanc et deux de rosés ont d’ores et déjà été définis, « et nous sommes en train d’identifier les profils de rouges », avance le secrétaire général.
Plus largement, « on ne doit rien s’interdire », estime Damien Gilles. Ce qui veut dire par exemple « explorer la piste des effervescents, dont la consommation est en légère progression, et le gros sujet est la désalcoolisation, on voit aujourd’hui un désintérêt pour l’alcool en général, et l’avenir peut être à la désalcoolisation totale ou partielle des vins, dès 2024 nous allons lancer une étude dans notre région », développe-t-il.
Bref, « il y a des raisons d’y croire, on est déjà dans l’action », affirme Damien Gilles. Reste que la plupart de ces solutions sont à moyen, voire long terme. En attendant, le nouveau président du Syndicat des vignerons des Côtes du Rhône estime que « la meilleure piste, la plus rapide, est que le gouvernement prenne ses responsabilités et lance les prix planchers. »
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