Publié il y a 1 an - Mise à jour le 28.11.2022 - Anthony Maurin - 5 min  - vu 469 fois

FAIT DU SOIR Alcide ou la vie d'une maison d'édition qui a du sens

Yann Cruvellier, directeur de la maison d'édition Alcide à Nîmes (Photo Archives Anthony Maurin).

Les maisons d'édition connaissent, elles aussi, des fortes hausses. Inflation ou matières premières, les livres subissent la crise mais Alcide, maison nîmoise aux reflets régionaux, sort des livres magiques qui vous embarquent vers une nouvelle consommation littéraire via l'histoire locale. Interview avec Yann Cruvellier, créateur et directeur d'Alcide.

Yann Cruvellier, directeur de la maison d'édition Alcide à Nîmes (Photo Archives Anthony Maurin).

Objectif Gard : Alcide n'échappe pas à la crise actuelle, quelles sont les plus grosses hausses de prix ?

Yann Cruvellier : Le problème premier, c'est l’économie carbonée du papier, de la colle, du fonctionnement au gaz… On ne peut pas répercuter toutes les hausses sur les livres que l'on vend et je n'aime pas courir après les subventions. La période est difficile, mais nous avançons comme toujours.

Vous avez pourtant été actif cette année.

En 2022, l’année était relativement bonne jusqu’au deuxième trimestre. L’été a été, comme un peu partout, aléatoire, irrégulier et les gens ont acheté moins de livres qu’en sortie de Covid. Nous avons aussi les cinq rééditions d’André Chamson, car l’idée principale est de faire vivre ce patrimoine littéraire qui est encore très actuel et fort. Il y a toujours du fond, de la réflexion, une vraie écriture littéraire et une très bonne langue avec Chamson. Grâce à l’association qui s’occupe de ses droits et qui promeut l’œuvre, nous arrivons à la faire revivre.

Chamson est très inspirant pour Alcide !

Quand j’ai créé Alcide, Chamson avait pour moi un réel intérêt. Son histoire, son discours à l’assemblée du Désert en 1935… Il dit tout ce qui se passe et son analyse est pertinente. En plus, il agit ! J’ai envie de voir ses textes perdurer, tout est encore d’actualité, 100 ans après.

L'histoire commence à être belle et longue !

Nous avons démarré en 2004 mais c’est en 2006 qu’Alcide a vraiment connu son premier succès. Nous faisons des livres régionaux sur l’histoire, mais aussi des livres photos. En fait, on fait pas mal de choses mais je ne veux pas me répéter. Pour le dernier livre en date, Les Huguenots, tout est différent et j’adore ça ! Nous n’avons pas fini d’élargir le spectre.

2022 marque aussi l'avènement d'autres auteurs, plus contemporains...

C’est l’année de Philippe Ibars ! Avec deux livres, un sur les Jardins de la Fontaine et l’autre sur les portraits de vignerons. Avec le livre de photographie des Cévennes de Thierry Vezon, ce qui relie les trois ouvrages est sans nul doute l’environnement et le changement climatique. Cela n’était pas prévu.

Alcide aime les libraires, mais vous avez aussi un site Internet sur lequel on peut faire son marché aux livres. Pourquoi ?

Nous vendons très peu sur le site car il n'est pas foncièrement fait pour ça. C'est un site marchand, certes, mais je préfère quand les gens vont en librairie. Notre site sert surtout à communiquer des informations sur notre actualité. Pour nos livres régionaux, les acheteurs sont soit les touristes qui achètent sur place, soit les gens qui ont une résidence secondaire qui achètent surtout en été et les locaux qui achètent tout au long de l’année.

Vous avez aussi élargi votre public avec de nouvelles collections au fil des années. Parlons d'Alcide jeunesse et de la suite des livres à venir.

Alcide Jeunesse est une belle création. Nous n’en sortons que deux ou trois chaque année car nous voulons continuer à ne travailler qu’avec le dessinateur et graphiste Frédéric Cartier-Lange. Il est très bon, très intéressant, curieux de tout et aime travailler en équipe car ses dessins sont complétés par des écrits d’historiens. Je veux défendre ces livres. Début 2023, un livre sur les arènes de Nîmes sortira et, un peu plus tard, un autre sur Modestine.

Et les livres ne s'adressent pas qu'aux enfants...

Ce n’est pas enfantin, mais tout le monde n’aime pas forcément lire un livre de 400 pages ! C’est très pertinent, le texte est simple mais pas simpliste car la pensée peut être complexe. Ces livres amènent à réfléchir et le dessinateur échange avec l’historien car ce dernier lui donne des documents pour travailler. Finalement, le livre doit rendre le plus exactement possible une réalité historique.

D'autres nouveautés sont à envisager en 2023 ?

La BD nous intéresse depuis longtemps et deux auteurs, qui viennent du cinéma, sont tombés amoureux des écrits d’André Chamson. 2023 marquera les 40 ans de sa disparition et ça fait vraiment un moment qu’on tourne autour de la BD donc il va se passer quelque chose. Je veux une belle qualité de livre alors c’est plus long à réaliser et le coût du papier évolue toujours… Il y a toujours des choses à faire. Depuis la création d’Alcide j’ai la même satisfaction quand on participe au partage du savoir des gens par le biais de livres mais je veux rester sur le créneau du beau livre, sur le respect du plaisir du lecteur, du beau papier, de la couverture sympa, de la bonne police…

La dernière sortie de l'année fut une réelle surprise : Les Huguenots de Samuel Bastide a provoqué un vrai émoi chez ses lecteurs.

L’idée était de surprendre par le beau, par l’impact visuel et cela rejoint tout ce que l’on disait et tout ce que l’on veut faire. Ça donne même des idées. Bastide était un conteur remarquable, il avait le talent du récit. Cet ouvrage est plaisant et le récit est systématiquement accompagné par Chabrol qui donne sa parole, son contre-point d’historien. Bastide était un autodidacte mais il faisait de nombreuses et censées recherches avant de se lancer dans ses conférences illustrées. On le comprend dans la biographie qui termine le livre les Huguenots. On comprend pourquoi ce bonhomme a fait tout ça et la manière dont il l’a fait. Tout est hyper documenté mais il était important de donner l’éclairage d’un historien comme Chabrol.

Tout a été travaillé dans l'intérêt de l'objet livre, sans nuisance à la compréhension ni gêne à la lecture, bien au contraire.

Oui, la couverture est novatrice. Nous avons voulu rappeler une projection des images comme Bastide les faisait à son époque. Frédéric Cartier-Langue, qui s’est occupé de la couverture, a fait un magnifique travail, ça détonne dans le bon sens du terme. Le livre ne s’adresse pas qu’aux seuls protestants, c’est beaucoup plus large. La manière dont se représente cette histoire, cette histoire populaire, est transmise pour tous. 60 ans après on peut faire la même chose, mais nous nous sommes vraiment intéressés à la manière dont Samuel Bastide réussissait à transmettre des émotions à travers des ombres chinoises, des silhouettes. Il y a plus de 200 illustrations qui étaient toutes sur des plaques de verre. En tout, il y en a plus de 2 400 sur un peu tous les sujets.

Pourrait-on voir d'autres ouvrages dans ce style ?

C’est une autre manière de transmettre l’histoire, de la redécouvrir, c’est exceptionnel et, encore une fois, cela est possible parce que l’association qui est dépositaire de l’œuvre de Bastide veut la mettre en valeur. Aujourd’hui encore nous faisons des découvertes et je pense que ce genre de livre peut marquer la communauté protestante mais pas seulement.

Une petite partie des livres d'Alcide (Photo Archives Anthony Maurin)

Et de voir des auteurs d'Alcide converger au coeur d'une seule soirée ?

Il serait, en effet, intéressant un jour d’organiser une conférence multi voix qui soulignerait un sujet commun. Par exemple pour 2022, on pourrait facilement parler du changement climatique à travers des regards tout à fait différents. Ce serait régional mais ça dépasserait aussi les frontières…

Pensons aussi à la période des fêtes qui approche à grands pas. Quels livres conseillez-vous pour des cadeaux personnalisés ?

2022 se sera bien passée si Noël se passe bien ! Moi, j’aime beaucoup les livres sur les portraits de vignerons en Languedoc des frères Ibars, sur les Cévennes avec les photos par Thierry Vezon ou encore les Huguenots de Samuel Bastide sans oublier la collection des Alcide Jeunesse. Ensuite, on a toujours les livres qui parlent de l’histoire de Nîmes, ils sont nombreux, mais encore ceux de Thierry Vezon dont les photos sont vraiment sublimes !

Le site Internet d'Alcide. Une conférence aura lieu à la Maison du Protestantisme autour du livre Les Huguenots le 7 décembre à 18h en présence des deux auteurs, Jean-Paul Chabrol et Daniel Travier.

Anthony Maurin

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