FAIT DU SOIR Permis de louer, le cauchemar des marchands de sommeil ?
Emboîtant le pas de Vauvert, Calvisson, Beaucaire, Sumène ou Pont-Saint-Esprit, la ville de Milhaud a instauré le permis de louer au mois de novembre dernier. Une mesure vertueuse mais qui n’empêche pas certains propriétaires de passer à travers les mailles du filet.
Depuis 2019, Vauvert, Calvisson, Beaucaire, Milhaud, Pont-Saint-Esprit et désormais Milhaud, sont passés au permis de louer. Nathalie Vaucheret, expert Bâtiment, anime la mesure pour Vauvert depuis 2019, Calvisson et aujourd’hui Milhaud depuis le 1er novembre 2022.
Les enjeux
L’enjeu pour les maires est de protéger les locataires et de relancer l’attractivité des centres anciens en encourageant la mise en conformité et en forçant les propriétaires à proposer des logements décents. "Il est fréquent de s’apercevoir que des logements insalubres sont encore mis en location, ce qui peut avoir des répercussions parfois graves pour les locataires", explique Nathalie Vaucheret. C’est dans l’objectif de réduire le nombre de ces logements en mauvais état que la loi Alur a mis en place, en 2014, ce que l’on appelle vulgairement le permis de louer. Ce dernier consiste en une déclaration afin de demander une autorisation préalable, que le propriétaire doit déposer en mairie, et qui doit être jugée recevable afin de pouvoir mettre en location son logement, qu’il soit vide ou meublé.
Le principe
Cette démarche doit être effectuée à chaque nouveau bail, et donc à chaque changement de locataire. Les anomalies récurrentes tournent autour de l’électricité pas aux normes, l’absence ou dysfonctionnement de la ventilation, la sécurité des escaliers ou les fenêtres trop basses (souvent dans les centres anciens) qui appellent alors à l’ajout de rambardes. Les menuiseries des fenêtres peu étanches, le manque de luminosité sévère, l’humidité, et le chauffage insuffisant sont également des critères scrutés de près par l’expertise de Nathalie Vaucheret.
À Milhaud c’est parti
À Milhaud, le dispositif a été mis en place dans un périmètre circonscrit dans la commune. Le propriétaire d'un logement situé dans le périmètre concerné par ce dispositif, qui porte sur la route de Nîmes, la route de Montpellier et le centre du village, doit établir une demande d'autorisation préalable à la mise en location. À chaque changement de locataire, le propriétaire est obligé de demander l’autorisation. "Nous travaillons avec le CCAS, la CAF et surtout la police municipale qui nous remonte les informations et notamment s’ils se rendent compte d’un déménagement que l’on peut également découvrir lors d’une demande d’autorisation de gêner la circulation, appelée police de roulage. Si le propriétaire ne déclare pas le changement de locataire, nous le contactons afin qu’il le fasse", confie Christophe Bourneton, responsable du service urbanisme.
Cette demande, composée du CERFA Adhoc et d’un dossier complet de diagnostic technique - dont amiante et performance énergétique-DPE - doit être faite en cas de première location ou à chaque changement de locataire. Les logements classés équivalent G sont interdits à la location donc refusés d’emblée, et ceux classés F, ont interdiction d’augmenter les loyers. "C’est arrivé à Calvisson la semaine dernière", lance l’experte. Aucun bail ne peut être signé tant que l'administration n'a pas autorisé la mise en location. Elle sera adressée par courrier au 1 rue Pierre Guérin - 30540 Milhaud, ou envoyée par voie numérique à l'adresse suivante : urbanisme@milhaud.fr. Ainsi, lorsque des logements se libèrent, Nathalie Vaucheret prend en charge et suit les dossiers. Diagnostic énergétique à jour, elle contrôle systématiquement sur place et fait son rapport. La mairie délivre ensuite un arrêté d’autorisation ou de refus. À Milhaud, trois dossiers ont été déposés à ce jour, pour deux refus.
Vauvert a émis 3 amendes de 5 000 €
À Vauvert, Nathalie Vaucheret anime la mesure depuis le début. Est concerné le centre ancien, où résident beaucoup de propriétaires, jusqu’aux maisons vigneronnes déployées au XIXe siècle, soit 946 logements. Jean Denat, maire de Vauvert, est précurseur dans le Gard puisque la ville de Vauvert est la première à avoir instauré la mesure en 2019. 220 dossiers plus tard, le bilan est conséquent. Tous les ans, environ 70 dossiers ont été déposés. 50 ont été validés et une vingtaine de demandes de travaux ont été émises. Finalement, seulement cinq logements n’ont pas obtenu de permis de louer et les propriétaires les ont mis à la vente. Trois amendes de 5 000 € ont été infligées, "parce que le propriétaire a affiché une mauvaise foi évidente et la volonté de pas donner suite aux démarches légales et de louer quand même", confie Jean Denat.
Resserrer les mailles du filet
La mesure en elle-même est vertueuse, mais certains propriétaires semblent souffrir d’une phobie administrative sévère, d’autant qu’elle reste déclarative et liée à un changement de locataire. Certains propriétaires ne souhaitant pas ou ne pouvant pas, par manque de moyens, effectuer des travaux, tentent parfois de louer leurs biens coûte que coûte, sans obtention du permis, sans bail. Au noir par exemple.
Le permis de louer est difficile à imposer aux propriétaires qui ne le veulent pas. On en est conscient à Milhaud et on suit les traces de Jean Denat qui a mis en place un filet aux mailles très fines. La mesure n’est efficiente que si on met en place une collaboration forte avec d’autres services comme le CCAS, la CAF ou la police municipale à Vauvert par exemple. Nathalie Vaucheret travaille avec les agences immobilières, croise toutes ses données et surveille également les petites annonces. " Les agences immobilières ou même les locataires peuvent alerter la mairie s’ils estiment vivre dans un logement indécent ", rappelle l’experte. Pour Airbnb, la mesure ne s’applique pas puisqu’elle vise uniquement la résidence principale. Les marchands de sommeil se préparent donc à des nuits difficiles.
Autorisation préalable
Le « Permis de louer » c’est en fait une autorisation préalable de mise en location (APML). C’est une véritable autorisation comme un permis de construire.
Logements concernés
Dans les zones soumises au contrôle, les logements vides comme les logements meublés en tant que résidence principale sont concernés par la demande de permis de louer.
Les sanctions
Sanction. Le non-respect de ces formalités est sanctionné par une amende d'un montant maximum de 5 000 euros, et jusqu'à 15 000 euros en cas de récidive dans un délai de 3 ans. De même, la mise en location à la suite d'un refus d'autorisation est sanctionnée par une amende de 15 000 euros.
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