Cette spécialité culinaire de Saint-Gilles ravive des souvenirs heureux. André Lamy, 87 ans, conseiller municipal et président de l'association Saint-Gilles Ville Fleurie, rembobine le film jusque dans les années 60. "On allait trier les taureaux chez Pierrot (Aubanel, NDLR) et après on mangeait le Misson, on ne l'appelait surtout pas saucisse, se souvient-il amusé. On le cuisait au feu de bois, après l'avoir enroulé autour d'une roue de vélo."
La recette qui daterait des années 50, traverse les générations. "Le Misson vient du mot moisson, après le travail, les ouvriers agricoles faisaient la "régale" lors de laquelle chacun avait droit à un pan de Misson", rapporte, José Serrano, boucher à la retraite, fort de 43 années de carrière. L'homme a façonné une recette qui lui est propre. "Il m'a fallu deux ou trois années pour y arriver. Je ne sélectionnais que les morceaux nobles, les jambons que je triais et mélangeais à la poitrine de porc découennée. Un peu de sel et de poivre et c'est tout. Ah si, je prenais aussi les boyaux les plus fins", détaille-t-il. Dans sa boucherie, celle de l'église, à Saint-Gilles, le Misson se vendait comme des petits pains, en moyenne 10 kg par jour, "hors événements spéciaux comme la Missonnade du club du troisième âge organisée par la mairie", précise-t-il.
Retraité depuis 13 ans, José Serrano vient tout juste de confier sa recette à Jessica et Nicolas Bachevalier. Ces deux passionnés de "bonne cuisine", fervents défenseurs "de la qualité et de l'authenticité", ont créé L'Olivette Camarguaise, une conserverie artisanale, en juin 2024, à Saint-Gilles. En seulement un an et demi, l'activité s'est étoffée d'un service traiteur, dotée d'une rôtissoire ambulante, d'un brasero ; et de nouveaux produits, comme la charcuterie faite par Nico. Véritable touche-à-tout, cet agent commercial de formation transmet, dans la bonne humeur, son savoir-faire sur les réseaux sociaux. Souvenez-vous, le trentenaire avait fait le buzz l'été dernier, avec sa fameuse brasucade de moules et sa sauce maison, une vidéo ayant dépassé le million de vues. Ces images au formidable pouvoir promotionnel véhiculent aussi la vision que le Saint-Gillois défend autour de la table : celle du partage.
Il est donc logique que l’échange s’inscrive dans une dynamique réciproque : parfois, une simple rencontre suffit. Entre Nicolas et José Serrano, le courant est passé tout de suite. "Par rapport aux saucisses que je peux faire, ce ne sont pas les ingrédients qui changent, mais la manière de la travailler qui lui donne un goût différent", explique le traiteur. Une charcuterie que l'on mange cuite, nature ou dans un cassoulet, avec des lentilles, dans des farcis etc. "On en a vu manger le Misson cru", témoigne le couple. Ce dernier en propose une autre version : "Nous avons eu l’idée de la faire sécher." Ainsi au Mission frais enrôlé, s'ajoute le "Bâton du pèlerin". À noter que l'aigriade Saint-Gilloise de L'Olivette Camarguaise a reçu la médaille d'argent et la Noix de taureau séchée, la médaille de bronze, au Concours Gard Gourmand Millésime 2026.