Opéra-comique au féminin. On les appelle « la belle et la laide » ; on ne peut se figurer aujourd’hui la goujaterie humiliante qu’endurent les artistes « du beau sexe » au XIXe siècle, et le duo que forment Sophie Gail (1775-1819) et Sophie Gay (1776-1852) n’y échappe pas. Quand une œuvre est signée d’une main féminine, on n’attend pas grand-chose et l’on parle d’« ouvrage de dame ».

L’opéra en un acte qu’elles présentent en 1818 au Théâtre royal de l’Opéra-Comique soulève pourtant l’enthousiasme, les critiques se rassurent du fait que des hommes se cachent dans l’équipe, ouf ! L’anonymat des créatrices est un secret de Polichinelle et chacun sait que Sophie Gail a composé la partition avec la collaboration de Manuel Garcia (ce qui n’est pas avéré), chacun voit que Sophie Gay n’a que légèrement retouché La Sérénade (1694) de Jean-François Regnard, dramaturge au répertoire du Théâtre-Français porté au pinacle comme le second Molière. Sophie Gail s’est fait remarquer pour son art accompli de la romance qui concilie force et pureté. Elle demeure dans l’histoire comme la compositrice la plus programmée à l’Opéra-Comique avec cinq titres lyriques.

La Sérénade est gaiement troussée autour d’un disgracieux barbon qui entend épouser une jouvencelle, laquelle serait plutôt intéressée par son fils… pour débrouiller l’affaire, le valet Scapin va arranger une sérénade à sa façon. Afin de nous faire découvrir cette musicalité truculente au style élégant, Jean Lacornerie choisit de montrer comment les deux Sophie convient le public à soulever un coin du rideau pour observer l’œuvre tracer son chemin entre la tradition rossinienne et le goût pour la romance, entre le souvenir de Mozart et celui de Bach. 

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