Publié il y a 8 ans - Mise à jour le 16.09.2015 - eloise-levesque - 4 min  - vu 588 fois

FAIT DU JOUR Le procureur d'Alès maintient la pression sur la délinquance de rue

Nicolas Hennebelle, procureur d'Alès. EL/OG

Tout juste un an après son arrivée au poste de procureur de la République à Alès, Nicolas Hennebelle tire le premier bilan de ces douze mois écoulés. Cambriolages, délinquance, violences conjugales et routières, tour d'horizon des sujets épineux.

Objectif Gard : Globalement, comment analysez-vous cette première année au TGI d'Alès ?

Nicolas Hennebelle : Je me suis inscrit dans la continuité de mon prédécesseur avec un taux de délinquance à Alès qui est important. Je suis satisfait que l'on tienne des délais d'instruction corrects entre 2 et 4 mois selon l'infraction. C'est le minimum que l'on puisse proposer. Par ailleurs, plus les délais sont courts, plus les prévenus sont présents à l'audience.

OG : Avez-vous toujours des problèmes d'effectifs au TGI ? En quoi influencent-ils les délais d'instruction ?

NH : Oui, on a un cabinet d'instruction qui gère entre 60 et 70 dossiers, mais nous n'avons pas de juge depuis septembre 2013. On a des remplaçants qui font le travail, mais les dossiers sortent moins rapidement. Ça a forcément un impact et c'est un point faible pour l'instruction.

OG : L'un des points faibles d'Alès, ce sont les cambriolages. Où en est-on ?

NH : Entre 2013 et 2014, le nombre de 1 230 cambriolages par an est resté stable. Sur les huit premiers mois de l'année 2015, on a enregistré une baisse de 10 %. Le Gelac (Groupe d'enquête et de lutte contre les cambriolages) a réussi à coincer des auteurs devenus presque des professionnels du vol, grâce notamment à l'investigation sur la téléphonie et la priorisation sur ces méfaits. Ça donne du souffle.

OG : En janvier, face à la recrudescence de la délinquance dans le quartier de la rue Jean Moulin à la rue du commandant Audibert, vous avez déclenché un dispositif spécial. Concrètement, qu'avez-vous fait ?

NH : On a observé une forte hausse des délits sur cet axe, mêlé à un climat d'insécurité de la part des habitants. La mairie, la police municipale et nationale, la préfecture, tout le monde a été mis à contribution. On a décidé d'apporter des réponses plus rapides et plus fermes dans ce secteur. Il s'agit d'un choix de priorité. A titre d'exemple, un récidiviste du quartier a ainsi écopé d'un an ferme au lieu d'une peine aménageable. Un autre a eu une contrainte pénale, plus astreignante qu'un sursis avec mise à l'épreuve. Ça mobilise des moyens mais c'est nécessaire.

Également, le 28 mai dernier, on a effectué un contrôle des box vides ou souterrains à l'abandon, avec un chien "stup". On a vérifié la provenance des véhicules, les serrures. Auparavant, ce sont les délinquants du quartier qui avaient le dessus. L'objectif est de renverser la situation. On la renouvellera si c'est nécessaire. De son côté, la police municipale patrouille régulièrement.

OG : Quels premiers résultats observez-vous ?

NH : En six mois, on a réussi à donner une réponse ferme (prison, placement en milieu fermé pour les mineurs, contrainte pénale, etc.) à de nombreuses personnes. Ça s'est amélioré. Mais il y a encore des faits et il suffit d'un gros fait pour que ça reparte. Nous maintenons donc le dispositif pour 3 mois et nous referons une réunion en octobre.

OG : Pourquoi ce quartier est-il plus touché par la délinquance que les autres dits "sensibles" ?

NH : C'est la 3e fois qu'on met en place un GLTD (Groupe local de traitement de la délinquance) à Alès. Les précédents étaient dans d'autres quartiers, notamment Rochebelle. Il est difficile de répondre à cette question. On observe une tendance à l'appropriation de l'espace public. Selon l'ambiance ou le climat général, elle peut dégénérer. Il s'agit surtout de phénomènes de groupes. Les personnes qui agissent dans le quartier de la rue Audibert n'y vivent pas forcément.

OG : Les violences conjugales sont également importantes à Alès. Quelle est votre politique en la matière ?

NH : 50% des violences enregistrées sont intrafamiliales. Le parquet est pour déférer les récidivistes, ou les placer en contrôle judiciaire avec audience dans un délai inférieur à deux mois. Souvent, les violences sont signalées mais sans plainte. Comme mon prédécesseur, j'ai demandé aux forces de police et de gendarmerie d'avertir le parquet dès qu'ils ont une info, même s'il n'y a pas de dépôt de plainte. Une enquête est effectuée si des preuves sont constatées (bleus...). Les déferrements ont augmenté.

OG : Au-delà, comment protéger la victime des représailles ?

NH : D'ici la fin de l'année, on va mettre en place le "téléphone grave danger" pour les victimes. Elles pourront contacter directement les forces de l'ordre si l'agresseur rompt son contrôle judiciaire. Par ailleurs, nous souhaitons prévoir une place en foyer disponible 24h/24 pour les auteurs, les évincer. Car la plupart du temps, demander à la femme de quitter le domicile avec ses enfants est plus difficile. De manière générale, ces mesures d'éviction sont respectées. Je n'ai pas d'exemple de violation cette année.

OG : Dernier dossier brûlant en cette année 2015 meurtrière, la délinquance routière. Quel est le rôle de la justice dans ce domaine ?

NH : Sur le secteur d'Alès (qui descend jusqu'à Quissac), on a enregistré 11 tués au premier semestre 2015 contre 4 l'an dernier à la même période. Les deux causes principales sont l'alcool et la vitesse. Ce sont le plus souvent des jeunes qui connaissent les messages de prévention. On ne peut plus conserver la même politique pénale. Je souhaite déférer plus fréquemment les récidivistes. On a commencé à le faire, mais on va peut-être le systématiser. En février dernier, un accident avec alcool a fait deux morts à la sortie d'une discothèque. Le conducteur avait passé le contrôle de gendarmerie sans s'arrêter avant de tuer ses passagers arrière. Il a été placé en détention provisoire avec circonstances aggravantes. Il paraîtra détenu.

Propos recueillis par Eloïse Levesque

Eloïse Levesque

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