Jean-Pierre Broc, directeur du syndicat mixte de la Camargue Gardoise : "Ce territoire nous oblige à l'exigence"
Entre afflux estival touristique et éducation à l'environnement, entre Centre du Scamandre et Pointe de l'Espiguette, la Camargue Gardoise cultive sa personnalité. Mieux se faire connaître du grand public, tout en préservant ses espaces riches et fragiles, dure mission. Objectif Gard fait le point sur le label Grand Site, obtenu en 2014. La gestion de 1600 ha de foncier environnemental, acquis soit par le Département, soit par le Conservatoire du Littoral reste le fonds de commerce, le noyau dur de l'action du syndicat.
La Camargue Gardoise a le label Grand Site de France depuis trois ans. Qu’est-ce que ça change pour vous ?
Jean-Pierre Broc : Le travail pour la labellisation Grand Site a duré une bonne quinzaine d’années. M. Denat, président pendant l’époque de labellisation dit souvent qu’ils sont allés jusqu’à démonter une cave coopérative pour aller dans le sens de la labellisation. A Aigues-Mortes, elle était contre les remparts sud. Tout le monde a l'air de l'avoir oubliée. C'est un geste extrêmement fort des politiques pour mener à bien ce label, auquel nous tenons beaucoup. Quand on monte un dossier de financement avec le label, des portes s'ouvrent plus facilement pour notre territoire, car on a fait déjà preuve de volonté d’excellence.
La Camargue gardoise pouvait continuer à exister sans ce label ?
Oui, mais c'est désormais plus facile. On a deux réserves naturelles régionales. Sur le plan environnemental naturel, le capital sur notre territoire est incontournable à l’échelon international. Un grand site n’existe qu’autour d’un site classé. Nous en avons trois. Des espèces ne viennent que chez nous, l’enjeu environnemental est unique. Les grands sites de France sont à la croisée de l’environnement et de l’éco-tourisme. Leur philosophie c’est de dire : soyons vigilant sur les sites à très haute valeur touristique comme la Tour Carbonnière. L'engouement très fort risque de porter préjudice aux édifices eux-mêmes. Il s'agit de le préserver pour les générations prochaines. En créant un parcours, un parking, en permettant son accès 24 h sur 24 h et 7 jours sur 7.
Cela vous oblige à être perfectionniste ?
La démarche Grand Site de France n’est pas un titre ad vitam aeternam. On l’obtient pour six ans. On est à mi parcours. L’Inspecteur avait ciblé dans son rapport qu’une démarche de valorisation du site du Fort de Peccais soit entamée. Historiquement, c’est un point stratégique pour la Région. Beaucoup de paramètres restent à gérer sur un projet pareil : historique, financier, avec des dotations de l’Etat en baisse, un projet à hauteur du finançable. L’idée sur laquelle on va travailler, c’est celle de faire comprendre aux gens qui viennent sur site l’enjeu que représentait le sel, la gabelle et donc Aigues-Mortes vis-à-vis du royaume.
Une fois le label en poche, on ne peut pas souffler. On entre dans une démarche de progrès, on est à mi-parcours, après 3 ans. Le renouvellement n’est pas garanti. On distille ce discours-là auprès des communes, pour une démarche de progrès, car nous devons aussi rendre compte de leurs efforts au ministère. Depuis la création de la maison du Grand Site, on place sans cesse le curseur un peu plus haut. Les services de l’Etat ont lancé une vaste opération pour supprimer les pré-enseignes sauvages. Sur le coup, on a des réactions épidermiques, mais quand nos routes sont moins mitées par tous ces panneaux, c’est appréciable.
Vous êtes aussi de plus en plus reconnu pour vos missions pédagogiques...
Ces temps-ci, les enfants font le boulot ! Ce sont nos meilleurs ambassadeurs, je rencontre énormément de personnes, y compris de responsables dont les enfants ont visité les sites. Les enfants ont déjà changé leurs comportements. Ils deviennent parents des parents ! "Papa ne jette pas ton mégot par la fenêtre !" Notre démarche était essentiellement scolaire, on travaille maintenant sur des visites guidées le week-end. Il faut casser les idées reçues sur le fait qu’il y a des endroits sanctuarisés où on ne peut pas aller.
Combiner tourisme populaire et balnéaire avec la protection de l'environnement, ce n'est pas trop compliqué ?
Non, on a affaire à des milieux si on ne les aménage pas pour les pénétrer, comme les marais, qui deviennent vite inhospitaliers. J’ai emmené des gens de ma famille à la Marette, on a croisé des tortues cistude, ils étaient scotchés, ils ne s’y attendaient pas ! On essaie de proposer autre chose. Il y a autre chose à voir que la plage. On peut montrer des choses, mais pas n’importe comment. Avec un guide qui connaît et qui prend la mesure. Quand on va dans des espaces de nidification, on ne peut pas y aller à 200 personnes. Les gens appellent, s’inscrivent et parfois doivent payer.
Serge Columbo, Simon Beaudoin et Florine Escot sur la maison du grand site sont des animateurs professionnels. On a une ouverture ornithologique au Scamandre alors que sur la maison du Grand Site , c’est plus la lecture du paysage. On peut être une machine de guerre, coté tourisme ! Passer dans Des Racines et des Ailes, c’est le résultat d’un travail. On est devenu une référence, résultat d' un travail entamé de très longue date.
Propos recueillis par Florence Genestier
Le Syndicat Mixte est un établissement public créé en juillet 1993 à l’initiative du Conseil Général du Gard qui associe les huit communes du territoire (Aimargues, Aigues Mortes, Beauvoisin, Le Cailar, Le Grau du Roi, Saint Gilles, Saint Laurent d’Aigouze, Vauvert) et le département. Le Syndicat est présidé par Léopold Rosso, élu du canton d'Aigues-Mortes.
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