Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 29.04.2018 - thierry-allard - 4 min  - vu 794 fois

FAIT DU JOUR Le Bagnolais Fernand Dumas, soixante ans sur les planches

C’est une silhouette familière, presque une mascotte de Bagnols.
Fernand Dumas (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Fernand Dumas, 85 ans depuis hier, le reconnaît lui-même, il s’est « occupé un peu de tout à Bagnols. » Un peu de tout, mais surtout du théâtre avec les Ménestrels depuis…1958.

« Je ne voulais pas jouer »

Soixante ans sur les planches donc, un anniversaire qui l’a encouragé à sortir de sa discrétion, à contrer sa timidité - il a fallu insister pour qu’il accepte d’être pris en photo - pour parler de lui. De ce gamin né à Bagnols, issu d’une famille historique de la ville, de celles qui n’ont pas attendu l’Eldorado du nucléaire pour s’installer dans le Gard rhodanien. Le jeune Fernand montre très tôt une certaine sensibilité artistique et peut passer des heures à la fenêtre de la maison familiale située juste après le pont de Cèze à écouter les guitares des gitans installés en contrebas. Une sensibilité qui ne le quittera plus.

Fernand Dumas dans George Dandin au Mont Cotton en 1956 (DR)

Il a 23 ans et une tignasse bouclée quand le théâtre entre dans sa vie, un peu par effraction. « C’était en 1956. J’avais 23 ans. Je ne travaillais pas et j’étais chez ma tante, se rappelle-t-il. Un copain voulait monter une pièce, mais je ne voulais pas jouer. » Finalement, Fernand Dumas se laisse convaincre et joue le rôle de M. de Sotenville dans George Dandin de Molière devant un public nombreux au théâtre de verdure du Mont Cotton. C’est là qu’il attrape le virus. Deux ans plus tard, il reprend la troupe de théâtre paroissiale, les Ménestrels de l’espérance, qu’il changera en Ménestrels tout court, puis en Ménestrels ACBM, pour Association culturelle Bagnols Marcoule. Exit le théâtre paroissial, la troupe monte le Boulevard de la chance puis les Dix Petits Nègres d’Agatha Christie, avant de jouer une Passion au cinéma Casino grâce à l’aide du site nucléaire de Marcoule, flambant neuf à l’époque. « Ils ont mis des moyens. On a joué pendant trois ans », se souvient Fernand Dumas.

On lui propose de jouer le Christ, lui préfère le personnage plus contrasté (c’est un euphémisme) de Judas. « Une fois au Casino, ma mère applaudissait à la scène du reniement de Judas, quelqu’un lui a dit qu’on n’applaudissait pas Judas, raconte-t-il. Elle lui a répondu qu’elle n’applaudissait pas Judas mais son fils ! » Quand il parle de théâtre, le regard de Fernand Dumas pétille. « Le théâtre, c’est un plaisir, on doit s’amuser », martèle-t-il, évoquant la « bande de copains » qui prenait plaisir à monter des pièces dans les années 1960, notamment dans les ruines de la pas encore coquette Roque-sur-Cèze, chez Palou, l’ami aubergiste. « On disait des poèmes et avec l’argent récolté on se payait des coups », se souvient-il.

Fernand Dumas dans la Passion, au Casino, dans les années 60 (DR)

« Le boulot n’a jamais été important »

Après un break d’une dizaine d’années pour se consacrer à son rôle de papa, Fernand Dumas reprend de plus belle. De nombreuses pièces sont montées par les Ménestrels -, comme Descente sur récif de Gabriel Cousin. « Une pièce très engagée, j’aime les œuvres qui apportent quelque chose », explique-t-il. On arrive doucement aux années 1980 qui le voient animer des soirées poétiques pendant deux ans sur une des premières radios libres du Gard, Gard Antenne, route de Nîmes. Les années 1980 durant lesquelles il lance également l’Atelier jeune théâtre, destiné aux enfants, dont certains font désormais partie des Ménestrels. Aujourd’hui, les AJT comptent une quarantaine d’enfants qui jouent chaque année pour le festival Les Jeunes Bagnolais se la jouent, que Fernand Dumas a également lancé il y a quelques années et dont la prochaine édition se tiendra le 2 juin. Entre-temps, Fernand Dumas a lancé un autre cours avec des ados pour jouer des pièces dans les EHPAD, comme hier à Cornillon.

Autant dire que Fernand Dumas a toujours été bien occupé, même après sa retraite, prise à 57 ans à l’aube des années 1990. « La retraite a été pour moi une libération », dit-il dans un large sourire. Après deux ans dans une école de tailleur, il fait toute sa carrière à Marcoule. « Un ami a fait une demande pour moi alors que je ne voulais pas y rentrer », poursuit-il. Il devient gérant de vestiaire et s’occupe des tenues de centaines de salariés du site. Il l’affirme : « le boulot n’a jamais été important. » Mais même dans cet univers a priori pas forcément très ouvert à la culture, sa passion pour le rattrape et il devient très rapidement président de l’Association culturelle de Marcoule. « J’ai fait mettre des peintures partout », résume-t-il. Il restera président de cette association - celle-là aussi serait-on tenté d’ajouter - pendant de nombreuses années et même encore dix ans après avoir pris sa retraite.

Fernand Dumas (au centre, en vieillard) dans l'Arlésienne, dans les années 1960 (DR)

« J’ai passé ma vie à me régaler »

La retraite sera aussi une occasion de se lancer en politique. Fernand Dumas sera d’abord conseiller municipal de 1995 à 2001 sous la mandature Revol, puis adjoint à la culture avec son ami Jean-Christian Rey, de 2008 à 2014. Un ami qui figure sur la courte liste de ceux qu’il invite dans son jardin secret au propre comme au figuré : son cabanon, niché dans un champ à Saint-Michel-d’Euzet où il aime se ressourcer. « L’été, j’y vais deux ou trois fois par semaine. Il y a un lit, une table et un frigo ». Tout ce qui lui faut !

Le fondateur des Ménestrels Fernand Dumas (au centre) dans la pièce le Tour du monde en 80 jours (Photo : Claude Masse / DR)

Aujourd’hui, Fernand Dumas continue de s’occuper des AJT et s’il n’est plus président des Ménestrels, il joue toujours des petits rôles dans les pièces de la troupe. C’est le cas dans le Tour du monde en 80 jours, qui sera présenté le 3 mai prochain en ouverture du festival Théâtre en Cèze. « Je participe, mais je ne veux plus de gros rôles », explique-t-il. Il faut dire que même après plus de six décennies sur les planches, le trac est toujours présent. La timidité aussi : « je ne peux pas jouer sans une couche de fond de teint pour me cacher et c’est toujours vrai aujourd’hui. Sur scène, il faut que ce ne soit plus moi. » Tant pis s’il se déguise jusqu’à en devenir méconnaissable, tant qu’il se prend du plaisir. Et c'est lui qui l’affirme, « j’ai passé ma vie à me régaler. »

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

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